Le Burundi commémore le 59e anniversaire de son indépendance. Il commémore cet événement important pour le pays sous le thème, «Ukwikukira nyakuri, ni ukwigaba ukigaburira». L’événement se déroule au moment où certains se posent pas mal de questions sur la vie politique, économique, sécuritaire et sociale du pays. Le chef de l’Etat actuel ne cesse de se donner corps et âme pour développer le pays, faire de ce thème un fait concret et non un slogan.
Améliorer les relations internes et internationales, le Burundi est débout, il fait preuve de son indépendance et de sa souveraineté ; de l’amitié entre le pays, son peuple et les autres pays et leurs peuples. Il se souvient simplement que Rwagasore, son grand frère, était né deux ans avant elle. Elle ne s’aventure pas dans la gymnastique du calcul mental pour révéler son âge. Mais, essayons ensemble, Rwagasore est né en 1932, sa petite sœur née deux ans après a, je l’affirme sans risque de me tromper, 87 ans aujourd’hui. Elle, c’est Rose Paula Iribagiza, Le Renouveau la rencontre à son domicile dans la capitale économique. Elle se souvient de beaucoup de choses sur la conquête de l’indépendance et sur le héros de l’indépendance, mais, hélas «Mois je suis la petite sœur de Rwagasore, je suis née deux ans après sa naissance, vous trouvez mon âge ». Ce n’est pas la faiblesse en mathématiques, c’est la vieillesse qui commence à faire effets. Mais, curieusement, elle n’a pas de rides au front comme certains pourraient se la représenter. Elle sourit de temps en temps, avec élégance, sans se fatiguer les mâchoires, à la manière des princes ou des princesses. Les dents sont bien là, encore blanches, elle parle avec une voix adaptée, peut-être grâce à son rang social, doucement et sûrement pour se faire comprendre.
La société nous transforme
Ce qui se passait ailleurs a sûrement mis de l’essence dans le cœur du prince Louis Rwagasore. Mais comment ? « Il rentrait de la République démocratique du Congo, où il avait participé à la célébration de l’indépendance de ce pays. Il était vraiment instable, il jurait que nous devrions nous autres acquérir l’indépendance à tout prix », se souvient la princesse Rose Paula Iribagiza. Cela lui a fait payer le prix. « Je me souviens, les colonisateurs l’ont emprisonné à Bururi. Moi et sa femme, nous faisions le relais pour rester proche de lui ». Elle avait grandi à la Cour royale, elle se cherchait dans pleines de choses. Elle ne savait même pas préparer la nourriture. Elle sourit, avec un sourire de souvenir de son âge d’innocence et nous relate : « Moi je ne savais pas faire la cuisine, je n’avais jamais posé le pied en Europe pour savoir me débrouiller. Et, je lui demandais, qu’est-ce que nous allons cuisiner et comment ? C’est lui qui me montrait comment faire. Lui, il avait été en Europe ». La princesse révèle que son frère a, plus tard, été relâché. Et, quand les élections organisées en bonne et due forme ont eu lieu, son parti, l’Union pour le progrès national, les a remportées. « Il y a une chose dont les gens ne parlent pas souvent. Les musulmans ont beaucoup participé dans le combat que le prince Louis Rwagasore menait. Ils l’ont protégé contre les tentatives d’assassinat. Ils méritent la reconnaissance à l’occasion de cette fête. Je salue leur action, elle a été bénéfique pour accéder à l’indépendance ». Mme Iribagiza était rassurée que le parti de son frère allait gagner les élections. Il est vrai, pendant cette période, il y avait des partis politiques qui étaient opposés à ce que voulait Rwagasore- une indépendance immédiate- tandis que ces partis la voulaient pour plus tard. Mais, Rwagasore avait une force particulière. « Il était le fils du roi, le peuple devait le suivre », dit Mme Iribagiza, un sourire aux lèvres, avec une voie de fierté.
Les choses ne sont toujours pas faciles
De par la vision du prince Louis Rwagasore, Rose Paula Iribagiza s’en souvient, on ne doute pas. A la question de là où on en est aujourd’hui, elle réfléchit, elle semble ranger les idées dans sa tête. Après un moment de silence, elle compare le gouvernement, le chef de l’Etat, à un parent qui a deux enfants et celui qui a dix enfants. «On essaie. Ce n’est pas toujours facile. Je le dit très souvent, il faut prier pour que le Saint-Esprit descende sur le chef de l’Etat, cela lui donne une bonne humeur, une force sans le savoir, il lui devient aisé d’accomplir sa mission.Travailler pour plus de douze millions ce n’est pas facile ». Ces enfants du roi Mwambutsa que Mme Iribagiza qualifie de père de l’indépendance via Rwagasore, auront hérité de l’amour. « Il ne voulait pas qu’une goutte de sang soit versée dans ce pays. Et, s’il ne voulait pas que le pays soit immédiatement indépendant, il pouvait se ranger derrière les Blancs et envoyer Rwagasore dans un pays étranger ».
Une mort qui déchire
La princesse Iribagiza admire la fameuse politique de son frère à propos de la création des coopératives. « Je me souviens comment les commerçants avaient été très contents de la création des coopératives. Louis Rwagasore avait commencé à apporter les tôles, le riz et autres. Mais tout d’un coup, tout s’est arrêté.
L’enfance de Rwagasore était aisée, l’enfant du Roi Mwambutsa, frère de deux filles, Rose Paula Iribagiza et Régine Kanyange. Il aura peut-être manqué les égaux pour jouer les jeux des garçons. De quoi se souvient Mme Iribagiza sur leur enfance ? «Les garçons aiment leurs sœurs. Je me souviens de comment il me défendait. », raconte-t-elle, avec un sourire doux. Elle voit le docteur Pie Masumbuko venir chez eux pour jouer avec Rwagasore, le héros de l’indépendance. Elle n’aura pas connu beaucoup sur l’enfance, l’adolescence et la jeunesse de sa sœur et son frère. Leur père a envoyé ces filles à l’école à régime d’internat de Gatara, et Rwagasore était à Kanyinya. Ce n’est que pendant les vacances qu’ils se rencontraient. « Après l’école secondaire, lui, il est parti en Europe et nous, nous avons fondé notre foyer », dit-elle.
Elle ne voit pas comment le qualifier, mais, Mme Iribagiza se souvient que ce jour-là, quand Rwagasore devait signer pour l’indépendance, il a passé la nuit chez son père, avec sa femme à Gitega. « Nous avons partagé le petit déjeuner. Mais il était pensif. Quand on va mourir on le pressent», estime-t-elle. Ce qu’elle n’oubliera pas, «après, je lui ai demandé de l’argent pour payer les tailleurs qui avaient confectionné les habits de mes enfants. Il a fait sortir de sa poche une liasse de billets. Mais il me l’a jetée ! Et il a dit « Tu crois que je te donnerais toujours de l’argent ? », et par après, voilà, il est mort », a dit Mme Paula avec un ton de déchirement. Entre temps, se souvient-elle encore, elle voyait les gens étonnés le long de sa route quand elle conduisait la voiture vers l’école des blancs où ses enfants étudiaient à Gitega. Sans rien savoir, avant de faire le chemin de retour, elle a vu un Blanc qui travaillait aux services de renseignement l’approcher, « Il m’a dit bonjour. Est-ce que tu l’as su ? J’ai dit non. Et a ainsi dit « A Bujumbura, ils ont été blessés», il a bien dit, car j’aurais fait un accident. Quand je suis arrivée à la maison, on m’a raconté l’histoire. J’ai perdu la connaissance et j’ai pris le chemin vers la brousse. Les femmes qui étaient venues voir la reine m’ont suivie et m’ont consolée». Cette mère de sept enfants dont deux décédés en 2020 et treize petits-enfants a vécu pendant trente ans en Europe, mais est revenue pour mourir un jour, dans son pays, le pays pour lequel son frère a combattu jusqu’à la mort.
Acquérir l’indépendance sur tous les plans
Athanase Boyi, membre du parti Uprona du temps de Rwagasore, a indiqué qu’avant l’indépendance, tout était aux mains des Belges. Le Burundais avait très peu de choses à dire. Ils n’étaient pas inclus dans l’économie moderne ou alors très peu. Les Burundais étaient pratiquement des agriculteurs et des éleveurs, et il y avait très peu de fonctionnaires qui, eux-mêmes, travaillaient pour l’administration belge. Sur tous les plans (économique, politique et culturel), les Burundais subissaient la domination du colonisateur belge. Le budget du Burundi était alimenté par les recettes fiscales tirées de l’économie burundaise.
« C’est précisément pour acquérir l’indépendance politique, économique et culturel que le prince Louis Rwagasore a créé le parti Uprona afin d’atteindre ce but. Rwagasore avait beaucoup de contacts et, à un certain moment, il y a eu un courant indépendantiste », a souligné M.Boyi.
Les Belges ont emprisonné Rwagasore avant d’organiser des élections truquées. Ce sont les partis politiques opposés à l’Uprona qui ont gagné ces dernières. Et, Rwagasore a dit que contrairement au Congo qui est une colonie, le Burundi n’est pas une colonie mais un territoire sous tutelle, administré seulement par la Belgique au nom des Nations-unies. Ainsi, ce sont ces dernières qui ont le droit d’organiser les élections. Les Nations-unies sont venues, ont organisé les élections et c’est Rwagasore qui a gagné.
Il y a eu une période où Rwagasore n’était pas autorisé à faire une campagne. Pour cela, le prince Louis Rwagasore tissait un réseau sur le plan national, qui diffusait l’idéologie du parti Uprona. Quand l’Onu l’a calmé, il a fait des descentes et des meetings un peu partout. Rwagasore est le seul qui s’est battu pour le droit de vote des femmes, les autres partis étaient contre.
Les hommes de valeur ont fait preuve d’unité
D’après toujours Athanase Boyi, les Belges n’étaient pas contents de cette attitude du prince Louis Rwagasore. C’est ainsi qu’ils ont persuadé certains Burundais au sein de l’administration pour former des partis politiques hostiles à l’Uprona. Ces Belges voulaient que ce soient ces derniers qui gagnent les élections pour que même après l’indépendance, ils continuent indirectement à diriger le pays. Ceux qui allaient diriger le pays étaient non seulement leurs alliés mais aussi leurs serviteurs.
Le peuple burundais en a décidé autrement en votant pour le prince Louis Rwagasore. Les Belges ont malheureusement décidé de tuer le prince Louis Rwagasore, croyant qu’après l’assassinat, ils allaient créer le chaos, et puis recommencer les élections de telle manière que ce soit les partis qui leur étaient favorables qui les remportent. Mais, les Burundais ont encore une fois fait preuve d’unité parce que cette tentative de récupérer le pouvoir et de le donner aux partis hostiles à l’Uprona a complètement échoué grâce aux hommes de valeur comme Pierre Ngendandumwe et autres.
Un rampart contre la division ethnique, une des caractéristiques de Rwagasore
Après la mort du prince Louis Rwagasore, dans un premier temps, il y avait une colère, le désespoir mais les Burundais se sont repris. Ce qui différencie Rwagasore des leaders des autres partis politiques est qu’il voulait une indépendance réelle, c’est-à-dire un Burundi indépendant, un partenaire de la Belgique traitant d’égal à égal les questions de coopération alors que les Belges voulaient un pays toujours soumis à leur influence. C’est l’une des raisons qui expliquent pourquoi ils l’ont tué.
La deuxième raison est que Rwagasore était un rampart contre la division ethnique car le Rwanda s’était engagé, sous l’incitation des Belges, sur la voie de l’ethnisme. Aussi, le prince Louis venait de les battre en s’appuyant sur la démocratie, une preuve qui est tout à fait unique.
La troisième raison est que le prince Rwagasore est le tout premier qui a proposé la formation d’une fédération des Etats de l’Afrique de l’Est. Pour M. Boyi, la souveraineté existe car l’influence des Belges n’est plus là.
Le Burundi est indépendant politiquement
Pour Olivier Nkurunziza, secrétaire général du parti Uprona, le Burundi se réjouit de l’indépendance politique, « Nous sommes indépendants parce que dans l’administration, il y a des Burundais et ce sont eux qui décident et dirigent le pays ». Mais, à voir les crises qu’a traversées le pays, il y a encore à faire. L’indépendance ne signifie pas qu’il n’y a pas de bonnes relations diplomatiques, mais il y a des relations diplomatiques gagnant-gagnant entre les pays d’où il y a le respect mutuel, a-t-il poursuivi.
Le prince Rwagasore prônait le bonheur des Burundais
D’après M.Nkurunziza, le prince Louis Rwagasore prônait le bonheur des Burundais étant donné que le Burundi avait perdu son indépendance à partir de 1903 quand le roi Mwezi Gisabo a signé le traité de Kiganda avec les Allemands. Les Belges ont aussi continué dans la même ligne que leurs prédécesseurs. Pour cela, le Burundi avait totalement perdu son indépendance sur tous les points de vue.
Etant fils du roi, le prince Rwagasore voyait que son père régnait sans gouverner, ne prenait pas de décision et que les Burundais étaient humiliés. C’est ainsi qu’il s’est engagé à la conquête de l’indépendance du Burundi. « Pendant sa campagne, le prince Louis Rwagasore voulait un Burundi indépendant économiquement pour qu’il ne reste pas dépendant des autres pays et des aides conditionnées. C’est la raison pour laquelle il sensibilisait les Burundais à s’associer dans les coopératives pour leur développement ».
Partisan de l’unité
Le prince Louis Rwagasore était également partisan de la paix, de l’unité des Burundais en considérant comment il avait constitué sa direction. « C’était l’unité qui se caractérisait à partir des hommes qui l’entouraient. Toutes les ethnies étaient représentées. Il y avait par exemple Paul Mirerekano, Pierre Ngendandumwe, André Muhirwa, Thaddée Siryuyumusi, des Burundais provenant de provinces et ethnies différentes. L’artisan de l’indépendance était partisan de l’unité du pays et de l’indépendance immédiate.
Le prince Rwagasore était un grand visionnaire qui voulait un Burundi bien développé où l’éducation était à la base. Il voulait également résoudre certains problèmes comme les conflits fonciers, a souligné le secrétaire général du parti Uprona.
Yvette Irambona
Alfred Nimbona