Le Burundi a connu une crise politique ponctuée d’évènements tragiques. Ces moments pèsent encore sur le bon fonctionnement des services nationaux dont la justice. Dans un entretien que nous a dernièrement accordé, Rémy Havyarimana, représentant légal de Maison lueur d’espoir, (une organisation burundaise dont l’objectif est de favoriser le dialogue face aux problèmes ethniques et régionaux, NDLR) affirme que les juges burundais font face à beaucoup de difficultés et les appelle à être au dessus de la mêlée et d’oublier ce qui les empêche d’accomplir convenablement leurs devoirs.
« Nous devons admettre que la population burundaise vient de vivre une très longue période de crise interne, une crise au cours de laquelle les Burundais se sont entretués, les uns ont dû fuir leur pays et les autres sont devenus des déplacés internes », rappelle M. Havyarimana. Selon lui, toute cette situation a laissé des « blessures profondes » dans les cœurs des individus, les magistrats y compris. Et d’ajouter que « vouloir alors du positif ou du parfait dans des personnes qui elles-mêmes connaissent des difficultés serait illusoire de notre part ». Les Burundais sont des citoyens provenant de familles qui ont vécu les mêmes situations malheureuses que tout autre citoyen. Le défi qui se pose est le fait que la justice burundaise a affaire à des gens qui non seulement ont vécu tous ces malheurs, mais aussi qui, pour la plupart, les vivent encore. Notre interlocuteur s’explique : « S’il s’agit d’une personne dont le dossier concerne les maisons ou les terres qui n’ont pas encore été récupérées et qui doit s’adresser au magistrat qui, lui aussi, connaît des problèmes similaires, la gestion du dossier devient un problème sérieux. Je peux dire qu’il s’agit d’une personne malade qui se rend à l’hôpital pour se faire soigner et qu’elle a malheureusement affaire aussi à un médecin malade».
Notre interlocuteur affirme cependant, qu’il s’agit de cette situation malheureuse que les Burundais doivent vivre en attendant qu’il y ait une démarcation entre la période malheureuse de crise et une période de sortie de crise. D’après lui c’est la période politique qui n’a pas encore eu lieu. Il donne l’exemple du président ougandais, Yoweli Museveni qui, après avoir pris le pouvoir, a réuni ses officiers et leur a indiqué : « Je vous ai montré comment on fait la guerre, asseyez-vous, je vais vous montrer pourquoi on fait la guerre ».
Une attitude de guerre et une attitude de paix et de développement
M. Havyarimana dit qu’il s’agit d’une attitude de guerre et une attitude pacifique de développement. « Nous reconnaissons que les magistrats comme les justiciables sont dans une situation délicate mais malgré cela, les magistrats occupent la place de Dieu car ils représentent la justice et la justice est Dieu »
Toutefois, selon Rémy Havyarimana, ce n’est pas que ces magistrats ont des difficultés en famille ou dans le voisinage qu’ils ne doivent pas jouer leur rôle. « Malgré cette situation, surpassez-vous, démarquez-vous et rappelez-vous que vous êtes des représentants de Dieu. Votre faiblesse ne devrait pas s’intercarrer ou vous empêcher de faire le bien que vous devriez faire », interpelle M. Havyarimana en tirant la sonnette d’alarme à l’endroit des professionnels de droit.
Moïse Nkurunziza