Au Burundi, les accidents de la route se multiplient chaque année. Par exemple, en 2022 le ministère ayant la sécurité dans ses attributions a donné le bilan de 6 059 accidents ayant causé 484 décès et 2 552 blessés. Au total, en 2021, ce même ministère donne le bilan de 4 723 accidents de la route contre 3 775 en 2020. Jean-Paul ROUX, consultant international et expérimenté dans le domaine de l’assurance, parle de bilan très catastrophique, notamment en mairie de Bujumbura. A travers une interview exclusive, M. Rou fait son constant, dégage certains facteurs qui occasionnent ce taux très élevé et propose certaines voies de sortie.
Le Renouveau (L.R): Monsieur Jean-Paul Roux, vous êtes expérimenté dans le
domaine de l’assurance, avec 43 ans d’expérience en Europe et en Afrique. Vous
suivez de près l’évolution de la sécurité routière au Burundi. Quel est votre constat? Comparativement aux années antérieures, comment se présente l’évolution de cette problématique ?
Jean-Paul Roux (J. Roux) : Le bilan est très catastrophique. Une situation alarmante s’observe en mairie de Bujumbura avec des chiffres très élevés. Par exemple, le nombre d’accidents recensés a été augmenté chaque année au cours des années 2017, 2018 et 2019. En 2017, 3 145 accidents ont été répertoriés et la mairie de Bujumbura comptait à lui seul 1 864 cas. En 2018, sur un total de 3 888 accidents, la mairie de Bujumbura a enregistré 1 987. En 2019, sur un total de 4 828 accidents, la mairie de Bujumbura a enregistré 3 037 accidents, soit une augmentation de 63%.
L.R: Se basant sur les données disponibles, la mairie de Bujumbura enregistre un taux élevé d’accidents ? Pourquoi ? Et que faut-il faire.
P. ROUX: Pour la mairie de Bujumbura, la circulation intense, le non respect du code de la route et l’excès de vitesse sont parmi les causes de ces accidents. Je crois qu’il y a un grand travail à faire pour responsabiliser les chauffeurs et pour améliorer la sinistralité. Surtout, il y a les conséquences économiques et les accidents coûtent chers pour la collectivité car l’assurance est basée sur la mutualisation. N’oublions pas que si nous voulons faire évoluer le secteur de l’assurance, il faut augmenter le niveau de compétences des professionnels de l’assurance. Il appartient aux compagnies d’assurance de jouer la carte du professionnalisme de leurs employés et de ne pas réduire les coûts sur la formation. La formation est éducative, la formation c’est ce qui fait grandir l’homme dans son métier, dans son savoir-faire et dans son action.
(L.R): Cela pour dire que le chemin reste encore très long ?
Roux : Evidement, il y a un travail à faire notamment à Bujumbura mais aussi dans les provinces comme Ngozi qui enregistrent un grand nombre d’accidents.
C’est la raison pour laquelle la tarification automobile et notamment la prime responsabilité civile (dommages causés aux tiers) ne peut pas être la même partout et que nous devons tenir compte du lieu de circulation habituelle.
L.R: Mais aussi, certains usagers de la route évoquent la délicatesse des plusieurs routes ? Etes-vous du même avis ?
ROUX : Bien souvent on parle de l’état des routes en mauvais état. Oui, mais quand on roule sur une route délicate ou difficile, on est plus vigilant et on roule moins vite, à la fois, pour éviter l’accident mais aussi pour préserver son véhicule. J’ai précisé que les résultats sont catastrophiques, c’est le bilan qu’observent les compagnies d’assurance Incendie accidents risques divers car plus de 90% des bus assurant le transport en commun rémunéré ne respectent pas les priorités ou les feux rouges. Je croise souvent des conducteurs de bus qui doublent en haut d’une côte ou dans des virages dans la limite des limites qui obligent d’autres conducteurs de se déporter sur un trottoir ou à défaut carrément s’arrêter pour éviter l’accident. Je propose la mise en place d’un sondage d’opinion dans un premier temps en mairie de Bujumbura où l’Etat et les compagnies d’assurance avec l’Association des assureurs (ASSUR) soient parties prenantes, avec comme objectif la prise de conscience de ce fléau par la société burundaise cela pour endiguer ce fléau avec une société plus, responsable devant les plus jeunes qui seront les conducteurs de demain. C’est, bien aussi que les usagers de la route donnent leurs opinions et propositions pour s’approprier cette lutte.
R. Vous pointez du doigt les chauffeurs des bus, Que dites-vous de la façon dont les autres chauffeurs conduisent ?
ROUX: Finalement, les conducteurs burundais en dehors des chauffeurs de bus et quelques taximen conduisent correctement. Heureusement d’ailleurs car les résultats seraient encore plus catastrophiques. Mais je suis frappé par la tenue des conducteurs des services publics qui n’ont pas une conduite responsable. En effet, la conduite responsable et défensive (par anticipation) est très importante et cette notion de responsabilité est prépondérante car elle engage le deuxième volet : c’est le problème de l’éducation. En 1973 en France, nous avions 18 000 morts, (vous pouvez vous renseigner sur internet) ; nous sommes autour de 3 170 morts en 2023. La France a diminué la sinistralité par dix, car le parc automobile est passé de 20 millions à 40 millions de véhicules. Il y a tout un chemin qui a été parcouru depuis avec la mise en place d’un Comité ministériel de sécurité routière au niveau de l’Etat et relayé en France par les préfets sur le terrain avec tous les acteurs directs de la sécurité routière (police, assureurs, auto Ecole, éducation Nationale, syndicat des transporteurs, médecins, avocats, etc…)
Ce chemin vertueux a porté les fruits et l’éducation a permis d’apprendre aux enfants, aux côtés des autres matières. Les enfants observent comment les adultes se conduisent, et si ces derniers ont une mauvaise conduite, comment voulez-vous que, dans l’avenir, ces enfants se conduisent correctement ? Il faut prendre le sujet à la base, et de conduire chacun à ses responsabilités.
L’autre volet, c’est la communication.
L.R : La faute est alors aux conducteurs?
ROUX : Je ne m’attaque pas aux conducteurs de bus car ils ont besoin de vivre et d’optimiser leurs activités. Je m’attaque à ceux qui confient le volant à ces jeunes chauffeurs qui n’ont pas été formés ni éduqués ou qui n’ont pas de consignes très particulières tant sur le volet sécurité (la police doit être vigilante sur les infractions commises) que sur le volet de l’entreprise avec leurs employeurs .
L.R : Il y a ceux qui se plaignent disant que le cadre légal en matière de sécurité n’est pas suffisant. Vous en êtes vraiment d’accord avec eux ?
ROUX : Le cadre légal burundais est correct. Toutefois, je n’ai pas vu des dépliants ou autre affichage sur la route pour sensibiliser sur la sécurité routière. Au moins, une seule organisation non gouvernementale avait essayé de le faire dans le passé. Je trouve qu’il faut que les conducteurs respectent les lois en vigueur au Burundi car la dégradation de la sécurité routière est due aux mauvais comportements des usagers vis-à-vis du code de la route.
L.R : Quelle est l’impact de la dégradation de la sécurité routière pour votre travail en tant qu’assureur ?
ROUX : Pour les assureurs, le taux élevé d’accidents de la route constitue un véritable fléau. Les compagnies perdent énormément d’argents dans la branche automobile et surtout concernant la garantie obligatoire de Responsabilité Civile, c’est-à-dire les dommages causés aux tiers . Nous avons proposé depuis 6 ans qu’il y ait une augmentation des cotisations, la demande a été favorablement accueillie et une augmentation de 25 % en 2024 a été appliquée mais elle reste encore insuffisante. Nous sommes des assureurs pour réparer les dommages corporels et matériels mais si nous pouvons prévenir certains accidents évitables, ce serait encore mieux. Le Burundi a ses valeurs, il connait les défis à relever, la société burundaise a en son sein des personnes intelligentes et responsables.
Nous devons trouver des solutions tous ensembles pour combattre ce fléau et gagner la bataille de l’insécurité routière.
L.R: Que faut-il encore faire ?
ROUX : Nous, assureurs, devons être plus rapide dans le règlement des sinistres et appliquer la convention Ida inter-compagnies en s’appuyant sur le constat amiable rédigé par les conducteurs lors d’un accident matériel de circulation et proposé par l’Arca (Agence de régulation et de contrôle des assurances). Ce document va servir de déclaration des sinistrés.
Après l’accident, chaque conducteur envoie ce document recto-verso à sa compagnie d’assurance dans les 5 jours. En effet, ce document permet de décrire les circonstances de l’accident entre deux voitures. Une fois le constat reçu, l’assureur va ensuite déterminer la responsabilité de chaque conducteur selon les informations renseignées et décider des indemnisations prévues par l’assurance auto.
A partir de la vulgarisation de ce document appelé « constat amiable » l’Etat et les assureurs Non Vie pourraient mettre en place des outils de communication sur le remplissable de ce document et faire aussi la promotion de la sécurité routière auprès du public. Nous devons ici travailler sur la communication de l’information et en particulier sur la mairie de Bujumbura qui est incontestablement la plus accidentogène.
Un centre de formation sur la sécurité routière pourrait aussi être créé avec le concours des sociétés de transport et encourager les bons conducteurs lors de challenge en entreprise. Le rôle de l’association des assureurs doit jouer un rôle majeur dans cette initiative.
Propos recueillis par Moise Nkurunziza