Dans le cadre de l’évaluation du système des quotas ethniques dans l’exécutif, le législatif et la judiciaire conformément à l’article 289, cette institution a rencontré les représentants des partis politiques et de la société civile, le vendredi 29 septembre 2023 dans la province de Gitega. A la question de la suppression ou non de ces quotas, les avis divergent.
Denise Ndadaye, Première vice-présidente du Sénat qui a dirigé cette rencontre a fait savoir que le Sénat se conforme à la Constitution en organisant cette évaluation avec les parties prenantes. Elle a, de ce fait, rappelé que le Burundi a été ensanglanté pendant plusieurs décennies par des divisions ethniques. Ce qui a abouti à des négociations qui ont conduit aux Accords d’Arusha en 2000. Maintenant, a-t-elle ajouté, la Constitution de la République promulguée en 2018, prévoit en son article 289 que le Sénat dispose de 5 ans depuis la mise en place des institutions issues de cette dernière, pour procéder à l’évaluation si oui ou non il est temps de supprimer ou de renforcer le système des quotas ethniques dans l’Exécutif, le législatif et le judiciaire.
Mme. Ndadaye a posé la même question aux représentants des partis politiques et de la société civile, présents à Gitega avant de souligner que les échanges avec la population ont été récemment clôturés. Les représentants des partis politiques, tout comme ceux de la société civile se sont exprimés et ont divergé en points de vue et considérations par rapport à la question.
« Les périodes sombres ont laissé des séquelles et des blessures difficiles à cicatriser»
Casimir Ngendanganya, président du parti Palipe Agakiza, a fait savoir que les périodes sombres que le pays a traversées ont laissé des séquelles et des blessures difficiles à cicatriser en l’espace d’une vingtaine d’année. Pour lui, les quotas ethniques tels que prévus par la Constitution de la République, ont permis aux Burundais de retrouver une sérénité. Ils vivent ensemble et entretiennent de bonnes relations sans méfiance. Pour M. Ngendanganya, il n’est pas encore temps de supprimer le système des quotas ethniques car, non seulement, il a des avantages mais aussi ne freine en rien le processus de démocratisation du pays et le vivre ensemble pour un développement durable.
« Penser à la suppression de ces quotas »
Quant à Jean de Dieu Mutabazi, président du parti Radebu, le système des quotas ethnique est venu résoudre un problème de division ethnique nous légué par le colonisateur qui a divisé les Burundais pour pouvoir bien gouverner et piller le pays. Il est impérieux de commencer à penser à la suppression de ces quotas mais pas dans la précipitation mais d’une façon progressive par la restauration de la confiance dans la classe politique qui accuse encore des lacunes car, pour M. Mutabazi, il est clair que la population, dans son ensemble, a déjà pansé les plaies y relatives.
« D’abord procéder à la correction des manquements déjà observés »
Pour Oivier Nkurunziza, président de l’Uprona, avant de penser à supprimer les quotas ethniques dans les institutions étatiques, il faudrait d’abord procéder à la correction des manquements déjà observés dans l’appareil administratif burundais et employabilité de toutes les ethnies dans les services publics. Car, d’après les recherches qu’il dit avoir effectuées, il est clair que la tendance qu’elle soit volontaire ou involontaire est d’instaurer une exclusion progressivement. Donc, pour M. Nkurunziza, le moment n’est pas à la suppression mais plutôt à la correction des erreurs qui se commettent souvent.
Laisser la place au mérite
D’autres intervenants ont suggéré la suppression du système des quotas ethniques pour laisser la place au mérite, évoquant le manque à gagner que le pays enregistre en passant à côté d’un génie pour prendre un incompétent à cause de son ethnie. Ils avancent qu’il est plutôt temps de restaurer le système de gouvernance par des clans où chaque clan avait une fonction spécifique à la Cour royale.
Les représentants de la société civile qui se sont exprimés ont plutôt évoqué l’exclusion de l’ethnie Twa dans l’administration burundaise. Ils appellent à la prudence pour ne pas tomber dans l’exclusion qui a caractérisé les pouvoirs des années 1970,80 et 90 ; Ce qui a conduit à une guerre civile qui a meurtri le pays.
Les représentants des Baganwa ont évoqué la discrimination dont ils sont victimes même au travers de la Constitution de la République qui les a ignorés en tant qu’ethnie. Il en est de même pour les Batwa.
La Première vice-présidente du Sénat, a remercié tous les participants qui ont donné leurs points de vue. Elle les a rappelés que le Sénat ne donne pas de réponses à leurs inquiétudes mais qu’il note seulement pour qu’après compilation, le rapport définitif soit transmis au chef de l’Etat qui décidera de la suite à donner aux désidératas relevés par la population.
Amédée Habimana