Lors d’un atelier organisé par le ministère ayant l’éducation dans ses attributions au mois de février 2025 à Gitega, la commission technique d’analyse du système éducatif burundais a émis une proposition selon laquelle la classe de 10e année, supprimée avec l’arrivée de l’école fondamentale en 2013, soit réintroduite et l’augmentation des heures de cours. Cette proposition a été émise lors des états généraux de l’éducation de 2022. Depuis lors, certains évoquent la mise en application de cette mesure dans un futur proche. Toutefois, des réponses fournies par les autorités burundaises laissent planer que même si cette proposition est acceptée, cela prendra du temps pour y revenir.

Interrogé à propos, lors de la conférence de presse tenue en date du 3 août 2025 au stade Urukundo de Buye, le secrétaire général du parti CNDD-FDD Révérien Ndikuriyo a été clair. « C’est vrai que cette proposition de ramener la classe de 10e a été émise mais elle n’est pas applicable dans l’immédiat. Si une telle proposition est présentée, elle est mise devant les techniciens qui doivent étudier la faisabilité et les contours autour de ce sujet proposé. M. Ndikuriyo soutient également que la suppression de la classe de 10e ne peut être considérée comme le vecteur de la régression de la qualité de l’enseignement au Burundi. Pour lui, il y a d’autres facteurs notamment la surpopulation dans les salles de classe qui ne favorise pas le suivi régulier des apprenants.
Même son de cloche de la part du ministre de l’Education nationale et de la recherche scientifique, François Havyarimana qui a accueilli cette doléance avec prudence soulignant la nécessité d’une analyse approfondie. Très convaincu que le système éducatif burundais doit être réformé, il a annoncé au mois de février 2025 qu’il faut prendre beaucoup de précautions pour statuer sur le retour ou pas de la classe de 10 e à l’enseignement burundais. Comme indiqué, le retour de la classe de 10e doit être pris moyennant des analyses approfondies afin d’éviter les erreurs qui se sont remarquées dans le passé.
Les raisons de ramener la classe de 10 e année dans le système éducatif ne manquent pas
Professeur Ferdinand Mberamihigo, initiateur d’une note de plaidoirie envoyé aux décideurs lors des Etats généraux pour le retour de la classe de 10è ne mâche pas ses mots. Il trouve que les raisons de ramener la classe de 10e année dans le système éducatif ne manquent pas. « La chute du niveau qui se fait remarquer est aujourd’hui alarmante. D’aucun pourrait penser qu’elle touche l’expression linguistique seulement. La capacité de réflexion est également concernée. La culture générale n’est pas en reste, comme on peut le remarquer», explique-t-il.
Pour ce professeur, cela pose une question en rapport avec l’efficacité professionnelle des apprenants, aussi bien pour eux-mêmes que pour leurs éventuels employeurs. « Le même doute concerne la capacité d’assimilation des savoirs pour ceux qui poursuivent leurs études. Or, une ressource humaine efficace est le garant d’un développement solide. Autant un pays peut compter sur ses produits d’exportation, autant il peut également tirer parti des bénéfices d’une main-d’œuvre recherchée, tant sur le marché intérieur qu’exérieur ».
Selon les justifications avancées par la Commission technique d’analyse du système éducatif burundais, la suppression de la classe de 10e a affecté la maîtrise des langues étrangères, notamment le français.
Une raison qui va au-delà de l’éducation
Comme l’explique M. Mberamihigo, il existe aussi une raison qui va au-delà de l’éducation qui justifie le retour de la classe de 10e. « C’est une raison liée à la gestion démographique. En effet, dans le cadre de la réforme du système éducatif intervenue ces dernières années, le temps de formation jusqu’au premier diplôme universitaire a été réduit de deux années. Il s’agit d’une année, des anciennes humanités au post-fondamental, et d’une autre année, de l’ancienne licence au baccalauréat actuel. Or, les deux années peuvent avoir un impact sur l’accroissement de la population qui est déjà dans des proportions assez élevées pour un pays qui a une croissance économique faible », révèle M. Mberamihigo. Et de renchérir que deux années gagnées sur la période du cursus de formation constituent le temps d’accroître le taux de fécondité d’une famille. « Théoriquement, la probabilité d’accroître la taille d’une famille est très élevée. En raccourcissant la durée des études, on accroît la probabilité de la disponibilité pour une famille plus nombreuse ».
Tout en n’ignorant pas que le retour de la classe de 10e comporte un coût pour les familles et le pays, le professeur Ferdinand Mberamihigo reste convaincu qu’il y a lieu d’imaginer que par rapport aux finalités de l’éducation, l’impact est positif.
Moïse Nkurunziza