Réforme administratives: Attentes de la population de Gitega vis-à-vis de nouvelles institutions
Des espoirs à la mesure des défis !
Depuis le début du mois de juillet 2025, Gitega, la capitale politique du Burundi, vit un tournant décisif avec la mise en place commencée par la nomination et la prise de fonction du gouverneur de la province, des nouvelles institutions issues des élections en cours et la réforme administrative qui redéfinit l’organisation des provinces et des communes. Selon ce nouveau découpage administratif, la province de Gitega comprend les anciennes provinces de Gitega, Karusi, Muramvya et Mwaro et est subdivisée en neuf communes. Ce chantier ambitieux vise à rationaliser la gouvernance, rapprocher les services publics des citoyens et impulser un nouveau souffle au développement local. Mais dans les rues de Gitega, entre espoir et scepticisme, la population attend des actes concrets pour transformer leur quotidien.

La ville de Gitega, capitale politique, à l’aube d’un nouveau chapitre administratif (Photo Amédée Habimana)
A travers la loi organique no 1/05 du 16 mars 2023 portant détermination et délimitation des provinces, des communes, des zones et des collines et/ou quartiers de la république du Burundi, il en ressort un nouveau découpage et une réforme administratifs. La réforme administrative engagée par le gouvernement prévoit une réorganisation des provinces et communes, avec pour objectif de mieux répartir les responsabilités et d’améliorer l’efficacité des services publics. Dans toutes les entités administratives comme à Gitega, cœur institutionnel du pays, cette refonte s’accompagne d’enjeux particuliers, notamment coordonner les administrations nouvellement fusionnées, absorber l’afflux des dossiers issus des anciennes provinces de Karusi, Muramvya, et Mwaro et démontrer la capacité de la capitale politique à incarner la réforme.
Après les cérémonies de remise et reprise le 4 juillet 2025, le gouverneur de Gitega Liboire Bigirimana avait dressé un constat sans complaisance des défis qui attendent la province, notamment en matière d’infrastructures sociales de base. Il a évoqué le déficit encore marqué en eau potable, un besoin essentiel pour hisser Gitega au rang d’une capitale politique digne de ce nom. « Il y a du pain sur la planche. Être une capitale politique implique de grandes responsabilités et exige un engagement collectif », avait-il insisté. M. Bigirimana a ainsi lancé un appel solennel à la population locale, aux natifs de Gitega et à toutes les forces vives œuvrant dans la région, pour qu’ils unissent leurs efforts afin de relever les nombreux défis de développement et bâtir ensemble une capitale politique rayonnante et moderne.
Si les autorités promettent une administration de proximité, plus transparente et plus efficace, pour de nombreux habitants, il s’agit d’une opportunité historique notamment la centralisation excessive de Bujumbura et la lenteur des procédures qui ont depuis longtemps alimenté frustrations et inégalités.
Des attentes concrètes et pressantes
Dans les quartiers de Gitega, les attentes de la population s’expriment avec clarté, accès facile aux services de base notamment la santé,l’éducation et la justice. L’amélioration de l’approvisionnement en eau potable et en électricité, encore trop irréguliers. Parmi les attentes pressantes, le développement des infrastructures routières pour désenclaver certains secteurs et stimuler le commerce, la création d’emplois pour les jeunes diplômés, souvent condamnés à l’exode vers Bujumbura ou les pays voisins. La lutte renforcée contre la corruption qui mine la confiance dans les administrations ainsi que l’inclusion effective des femmes et jeunes dans les instances décisionnelles. La prénommée Clémence, une commerçante au marché central de Gitega espère que cette fois, la réforme ne restera pas un discours. Il faut que cela se voie dans la vie courante, a-t-elle martelé.
Pourtant, nombreux sont ceux qui redoutent que les obstacles freinent les ambitions: la centralisation persistante des décisions à Bujumbura, malgré le transfert de certaines fonctions à Gitega depuis son élevation au rang de capitale politique du Burundi, la lenteur administrative, notamment dans la délivrance des actes et certificats, l’insuffisance de moyens logistiques et financiers pour équiper les nouvelles administrations, le risque d’une pénurie de ressources humaines qualifiées, surtout dans les secteurs techniques. La tentation de la corruption, qui pourrait être accentuée par la complexité de nouvelles structures.
Un autre prénommé Jean-Marie, agriculteur de Nyabututsi, souligne que ce qui bloque souvent les Burundais, c’est que quand on a un problème, on fait toujours la navette entre les bureaux. « Les élus doivent faciliter la vie aux citoyens », demande-t-il.
Entre espoir et prudence
Adèle Ndayishemeze, jeune diplômée en sciences sociales, « nous attendons surtout des emplois et opportunités de formation. Beaucoup de jeunes sont au chômage, alors qu’il y a des projets à lancer. » Pour Emmanuel Nahimana, fonctionnaire de l’Etat, le défi sera d’expliquer aux habitants le fonctionnement de la réforme, et de prouver qu’elle est là pour eux, pas seulement pour changer les plaques des bureaux. Quant à Fabiola Ndayizeye, mère de famille, « La priorité dans la ville de Gitega, c’est l’eau et l’électricité. Si la réforme peut régler cela, alors elle aura du sens. » Jean-Pierre Ntirampeba commerçant, lui, parle de la transparence et va jusqu’à dire que les commerçants sont parfois obligés de payer des frais qui ne sont pas officiels pour chaque papier administratif. Il espère que les élus aillent tout corriger avec la réforme administrative.
À Gitega, la population attend de nouvelles institutions incarnant un tournant concret. Plus de proximité, moins de bureaucratie, plus d’équité et plus de résultats. Si la réforme administrative parvient à répondre à ces attentes, elle pourrait renforcer confiance et la légitimité de l’Etat et ancrer Gitega comme un pôle moderne et inclusif. Mais la réussite passera par un investissement réel dans les moyens humains, techniques et financiers, ainsi qu’un engagement ferme contre la corruption. Comme le résume M. Ntirampeba, « nous avons besoin d’une administration qui écoute et agit ». C’est le défi que les nouvelles équipes élues devront relever, au risque de voir l’espoir se transformer en déception.
Amédée Habimana