A l’occasion de la célébration de la journée mondiale de la santé couplée du 75e anniversaire de l’existence de l’organisation mondiale de la santé (OMS) et du 60e anniversaire de sa présence au Burundi, le bureau de la représentation de l’OMS au Burundi a présenté ses réalisations dans le domaine de la santé au cœur de la lutte contre les violences basées sur le genre (VBG). Les autorités sanitaires burundaises ont cherché à intégrer la prise en charge des VBGs dans les services publics de santé sexuelle et reproductive à travers un projet “Twiteho amagara” qui fournit des soins obstétriques néonatals d’urgence et des formations aux structures de santé.
La prénommée Salomé se souvient encore des années de violences domestiques qu’elle a subies commises par son ex-mari comme d’une période particulièrement sombre de sa vie. « J’ai pensé à me suicider, mais j’avais peur de laisser mes enfants seuls », raconte cette jeune femme de 23 ans, mère de cinq enfants, qui vit dans la province de Kirundo, au Nord du Burundi.
Ecouter et accompagner la victime
Selon une enquête gouvernementale réalisée en 2017, 36% des femmes burundaises âgées de 15 à 49 ans avaient subies des violences physiques au moins une fois dans leur vie. Dans 57% de ces cas, les violences ont été infligées par leur mari ou leur partenaire intime. L’enquête a également montré que 23% des femmes de la même tranche d’âge avaient subi des violences sexuelles. Dans ce contexte, les autorités sanitaires burundaises ont cherché à intégrer la prise en charge des VBGs dans les services publics de santé sexuelle et reproductive à travers un projet nommé «Twiteho amagara», qui signifie « occupons-nous de la santé ». Ce projet, lancé en 2019, fournit des soins obstétriques néonatals d’urgence et des formations aux structures de santé. Avec le soutien de l’OMS, le ministère en charge de la santé publique a formé 120 travailleurs de la santé pour qu’ils sachent identifier, traiter et signaler les cas de violence basée sur le genre, ainsi que pour les sensibiliser à la prévention.
« Depuis que j’ai reçu cette formation, je sais comment recevoir, écouter et échanger avec les victimes de ce type de violence en fonction de leur situation individuelle particulière », explique Oscar Ndabarushimana, infirmier d’urgence dans la province de Kirundo, qui a été formé en 2021. « Une femme violée, il faut d’abord l’écouter et l’accompagner en faisant une protection contre une grossesse non désirée, les infections sexuellement transmissibles, le VIH et les hépatites. Nous administrons aussi le vaccin antitétanique», détaille-t-il. « Puis, une fois le traitement terminé, la prise en charge psychosociale se poursuit parallèlement à la procédure judiciaire».
Vaincre la stigmatisation, en particulier en ce qui concerne la violence sexuelle
« Dans les cas des VBG, les victimes ne subissent pas seulement des blessures corporelles qui ont un impact négatif sur leur santé physique, mais elles subissent également des préjudices sur le plan psychosocial », explique la Dr Eugénie Niane, chargée de la santé reproductive, maternelle et néonatale au bureau de l’OMS au Burundi. « C’est pour cela que la prise en charge intégrée est très importante ».
Vaincre la stigmatisation, en particulier en ce qui concerne la violence sexuelle, est essentiel pour le succès de toute approche de ce type. « Il est très difficile de faire parler les victimes », indique l’infirmier Ndabarushimana. « Elles se confient très difficilement et sont très réticentes à raconter ce qu’elles ont vécu. Face à ces cas, nous essayons de faire preuve d’empathie à leur égard et de leur montrer que ce qui leur est arrivé n’est pas leur faute ».
Les victimes des VBG se confient aisément aux établissements sanitaires pour leur prise en charge
Selon Ananie Ndacayisaba, directeur du Programme national de santé de la reproduction du Burundi (PNSR), les efforts commencent à porter des fruits. « Dans les provinces où le projet “Twiteho amagara” a été mis en œuvre, qui regroupent les 120 structures de santé, les cas qui n’étaient pas rapportés auparavant le sont désormais et les victimes des VBG vont beaucoup plus aisément vers les établissements sanitaires pour leur prise en charge », affirme-t-il.
Concernant le cas de Salomé, après un énième passage à tabat par son conjoint, elle a décidé de demander de l’aide au centre de santé de sa localité, où elle a reçu des soins médicaux et psychosociaux, qu’elle a continué à recevoir après l’aide d’urgence. « J’ai pu me faire traiter gratuitement. J’ai bénéficié des conseils des médecins, qui m’ont aidée à sortir de mon traumatisme», ajoute-t-elle. « Je me suis rétablie petit à petit», révèle-t-elle.
Eliane Nduwimana