
Mme Nahimana : « La femme doit développer en elle le leadership » (Photo Yvette Irambona)
Dans son article 128, la Constitution du Burundi dispose que le gouvernement est composé d’au moins 30% des femmes. Quant à l’article 169, il stipule que l’Assemblée nationale doit être composée d’un minimum de 30% de femmes élues au suffrage universel ou choisies par la cooptation dans le cas où le suffrage ne reflète pas ce pourcentage. D’après nos interlocuteurs, il y a une avancée de la femme dans la participation aux postes de prise de décision. Mais, il faut songer à rehausser le nombre ou le pourcentage de sa participation.
« Par rapport de l’Accord d’Arusha, la participation de la femme aux postes de prise de décision a franchi un pas même si nous ne sommes pas totalement satisfaite. Aujourd’hui, nous constatons que les 30 % sont observés seulement dans les postes électives (Parlement, gouvernement), alors que notre souhait est que la femme soit représentée dans toutes les structures de la vie nationale, c’est-à-dire dans les postes aussi bien politiques que techniques », a souligné Générose Nahimana, présidente du parti Kaze FDD.
Patricie Nduwimana, présidente de l’Afepabu (Association des femmes parlementaires du Burundi) aborde dans le même sens en précisant qu’il y a une avancée qui s’observe mais que ce quota doit être revu à la hausse. « Depuis la signature de l’Accord d’Arusha jusqu’aujourd’hui, il y a une avancée de la femme dans la participation aux postes de prise de décision. Cela s’observe dans les dispositions de la Constitution du Burundi qui, d’une manière générale, reconnaît les droits de la personne humaine ».
A voir le respect d’au moins 30% disposé par la Constitution du Burundi et le Code électoral, nous en sommes satisfaites car dans les postes de prise de décisions électives, ce quota est respecté sauf pour les postes collinaires. Néanmoins, en se référant à l’effectif de la population burundaise, les femmes sont plus nombreuses que les hommes. Pour cela, nous aimerions que ce quota soit revu à la hausse étant donné que les femmes ont une capacité de leadership, a-t-elle ajouté.
Changer de mentalités
Le rôle de la femme dans le développement du pays est incontournable. A cet effet, la femme doit plaider pour sa participation active dans toutes les activités des partis politiques afin d’être représentée avec un taux remarquable et satisfaisant dans les élections à venir. « En se focalisant sur la vie politique de la femme, nous allons plaider à ce qu’il y ait des facilités dans toutes les contraintes rencontrées par les femmes tout en insistant sur les représentativités dans les différentes institutions ainsi que les postes non électifs », d’après Mme Nduwimana.
Au niveau du parti Kaze FDD, la femme est suffisamment représentée à la satisfaction étant donné que la présidente de ce parti est une femme, le bureau national est composé de 14 membres dont 6 femmes. Aussi, au niveau des représentants communaux, la femme est représentée à un niveau considérable.
Pour Mme Nahimana, nul n’ignore que la politique est la porte d’entrée dans différentes postes de prise de décision. Ainsi, elle interpelle les femmes à changer de mentalités, et ne plus se considérer comme une personne qui doit seulement s’occuper des travaux champêtres ou ménagers mais, elle doit développer en elle le leadership et se sentir capable de prendre des décisions, savoir bien s’organiser pour mieux gérer les activités familiales et politiques.
Les femmes doivent avoir une vision poussée
Etant donné que les femmes sont nombreuses par rapport aux hommes, notre appréciation, sur le quota de 38 % est satisfaisante dans la mesure où l’Etat a respecté le quota d’au moins 30% prévu dans la Constitution du Burundi estime Mme Nduwimana. Avec l’effort du gouvernement et notre plaidoirie aux organes de prise de décision, le quota sera rehaussé jusqu’à atteindre un pourcentage appréciable, ce qui est notre souhait. A cet effet, d’après toujours la présidente de l’Afepabu, il faut qu’il y ait la conscientisation des femmes pour avoir une vision poussée dans la participation politique. Les femmes nommées aux postes de prise de décision doivent être exemplaires et servir de modèles dans l’accomplissement de leurs missions.
L’Etat veut qu’il y ait l’équilibre des genres quand il y a des nominations dans les postes de prise de décision. Il doit aussi y avoir un changement de mentalités mais également, une bonne collaboration avec le ministère en charge du genre dans la vulgarisation des instruments de défense des droits de la femme, c’est-à-dire les textes et lois, mener une campagne de plaidoirie dans la vulgarisation de l’agenda comment défendre la traduction des textes et lois en langue nationale pour les faire connaître à la population en général, et aux femmes en particulier. Une sensibilisation à l’endroit des jeunes filles s’avère nécessaire pour qu’elles s’intéressent à la politique, et promouvoir la masculinité positive.
Respecter les dispositions de la loi
Mme Nduwimana conseille, aux partis politiques de respecter les dispositions de la loi sur ces derniers qui garantissent la participation de la femme dans les instances de prise de décision. « Il existe un bon nombre de femmes, membres des partis politiques mais elles sont moins représentées dans les organes dirigeants pour certains partis ». Avis partagé par la présidente du parti Kaze FDD, « pour certains partis politiques, sur les listes électorales, la femme est placée sur une position qui ne lui permet pas de décrocher les postes politiques ».
Aux femmes, Patricie Nduwimana a conseillé d’adhérer aux partis politiques qui leur permettront d’accéder aux postes, instances de prise de décision. Les filles sont invitées à faire des études dans tous les domaines pour pouvoir y accéder.
Pour rehausser le quota, Générose Nahimana a indiqué qu’il faut réviser et revoir les textes et lois, et donner une considération importante à la femme. « Les femmes doivent sérieusement étudier pour qu’il y ait la femme qu’il faut à la place qu’il faut. C’est un combat qui continue, et il faut que le gouvernement et les hommes s’y impliquent ».
Un pas significatif
Du côté de la société civile, Venuste Muyabaga, président de l’AFJ-Berintahe, l’Accord d’Arusha prévoit que la femme devrait participer à hauteur d’au moins 30% dans les postes de prise de décision. Au début, « nous avons constaté que ce quota a été timidement respecté car le changement d’une telle mentalité prend du temps et de force. Heureusement qu’aujourd’hui, même les 30 % sont largement dépassés dans la mesure où les femmes occupent des postes considérables et beaucoup d’entre elles sont des responsables de haut niveau. Il s’agit d’un pas significatif et la société civile ne fait que s’en réjouir ».
Pour M.Muyabaga, la première force de l’homme est de reconnaître sa faiblesse étant donné que cette dernière se remarque parfois dans la conduite ou la gestion des biens publics. « Les femmes seraient elles aussi, de si bones gestionnaires que les hommes. Pour cela, il est très bénéfique de placer les femmes d’autant plus qu’on aura moins de débacles économiques, une réussite du point de vue de la gestion par rapport aux hommes, bien que l’homme ne veut pas libérer cette place. C’est un atout majeur pour les femmes ».
Lutter pour leurs droits
Il faut songer à agrandir le nombre ou le pourcentage de la participation de la femme car si elle sait bien gérer le foyer, elle n’éprouvera pas de difficultés à gérer l’institution qui lui est confiée. Le défi majeur est cette résistance de l’homme, et il est souhaitable de rehausser ce quota pour que la femme puisse participer pleinement aux postes de prise de décision.
Venuste Muyabaga a aussi précisé que l’apport de la femme est prépondérant parce que, face à cette résistance de l’homme, c’est la femme qui doit y opposer une autre force résistante. Deux forces sur un même terrain produisent une résistance.
A cet effet, les associations féminines doivent tout faire afin de lutter pour leurs droits. « Il faut que la femme s’y implique, montre ce qu’elle peut, ainsi, elle fera valoir ses pouvoirs, et les hommes comprendront que la femme est également capable et l’associeront dans la gestion de la chose publique. Aussi longtemps que la femme est ignorée dans les postes de prise de décision, moins nous atteindrons les résultats escomptés. En tant que société civile, nous nous orientons vers cette augmentation du quota de la femme dans les organes de prise de décision », a-t-il précisé.
Tenir compte de l’équilibre au niveau des partis politiques
Selon toujours M.Muyabaga, en se basant sur les différentes élections qui ont eu lieu, et en considérant les listes que les partis politiques présentent, moins de femmes sont présentées comme candidats. Peu de partis politiques présentent la femme à la tête de liste, et c’est un autre degré à franchir, qui est la base de l’établissement de cet équilibre pour que la femme soit considérée au même pied d’égalité que l’homme. Les partis politiques devraient se réorganiser, revoir la copie pour qu’en présentant les listes, ils tiennent compte de cet équilibre. « Il faut une participation massive des femmes, et cela prouvera que le pays est engagé dans cette parité. Il existe des pays qui ont réussi de ce côté et on devrait s’en inspirer ».
Pour lui, le statut social inférieur de la femme est un prétexte qu’il faut lever et aller vers le réalisme. Avec la mondialisation, on a besoin de résultats. La femme peut et doit avoir le droit de participer à toutes les instances de prise de décision au niveau national.
Yvette Irambona