La Commission vérité et réconciliation (CVR) a lancé officiellement les mardi 4 et mercredi 5 avril 2021 dans les provinces de Muyinga et Kirundo, les cérémonies d’exhumation des restes humains des victimes de la crise qui a secoué le Burundi en 1972 et d’audition des témoins. Ces cérémonies ont été rehaussées par le deuxième vice-président de l’Assemblée nationale, Abel Gashatsi et les députés et sénateurs, les gouverneurs, les administrateurs communaux et bien d’autres. M. Gashatsi a fait savoir que ce n’est pas l’ethnie qui tue mais plutôt la mauvaise gouvernance. Le président de la CVR, Pierre Claver Ndayicariye, fait savoir que la commission a jugé bon de commencer par la crise de 1972 pour que les témoins qui vivent encore ne disparaissent pas sans révéler la vérité.
Le deuxième vice-président de l’Assemblée nationale, Abel Gashatsi a rehaussé de sa présidence les cérémonies d’ouverture solennelle de l’exhumation des restes des victimes de la crise et d’audition des témoins sur les fosses communes et les tranchées dans lesquelles beaucoup de corps humains ont été jetés. Ces cérémonies se sont déroulées le mardi 4 avril 2021 en commune Mwakiro de la province de Muyinga plus précisément en zone Kiyanza. Il a salué le travail déjà accompli par la CVR et consolé les familles qui ont perdu les leurs en leur disant que ce n’est pas l’ethnie qui tue mais la mauvaise gouvernance. «Ceux qui sont morts ont été tués injustement et de façon dangereuse. Ils ont été victimes de la mauvaise gouvernance de ce moment sinon l’Etat doit protéger son peuple. Nous encourageons la CVR et tous ceux qui sont en train de travailler en franche collaboration avec cette commission pour que la vérité soit connue. Par conséquent, nous en profiterons pour éduquer les jeunes générations sur le passé qui a emporté beaucoup d’innocents pour qu’ils ne suivent pas ce mauvais exemple. Cela nous aidera aussi à reconstruire notre cher pays », a indiqué M. Gashatsi.
Une vérité qui n’a aucune intention de semer la haine
Pierre Claver Ndayicariye a fait savoir que l’activité qui est en train d’être menée par la CVR est une mission lui confiée par le gouvernement. « L’exhumation de ces restes des victimes de la crise de 1972 n’a aucune intention de semer la haine entre les Burundais. C’est plutôt pour faire connaitre aux gens surtout aux jeunes générations ce qui s’est passé pour que cet acte ignoble ne se reproduise jamais dans notre pays. Nous avons travaillé sur les atrocités de 1972 pour que les témoins qui vivaient dans ce temps ne disparaissent pas sans toutefois révéler la vérité. Par exemple en province de Bururi, nous avons eu la chance de parler avec les forces de l’ordre et certains administrateurs communaux qui étaient au service en 1972 ainsi que les veuves qui ont perdu leurs maris ; ils nous ont révélé comment le scenario s’est déroulé. Nous allons par après entamer les cas de 1988 et ceux de 1993 », a-t-il déclaré. Il a précisé que la CVR a détecté 8 fosses communes en commune Mwakiro dont deux vérifiées et confirmées et six vides. Simon Semapfa, un témoin âgé de 86 ans que nous avons rencontré sur la colline Musenga de la zone Kiyanza dans le parc de la Ruvubu a fait savoir qu’il a été utilisé pour creuser ces fosses communes en 1971. « Nous avons creusé ces fosses communes soi-disant que ce sont des tranchées que les soldats allaient utiliser lors des manœuvres pour se préparer contre les Murere comme on nous le disait, mais nous avons découvert par après que c’était pour y enterrer les victimes de la crise. Ceux qui ont été jetés ici provenaient des autres communes ou provinces. Ceux de notre commune étaient conduits en commune Buhinyuza», a indiqué M. Semapfa.
Une fosse commune devant une maison d’habitation
La même activité a été menée le mercredi 5 mai 2021 en commune Busoni de la province de Kirundo. La fosse commune qui a été visitée se trouve sur la colline Gisenyi dans une parcelle d’un certain Viateur Sezibera où plus de quarante victimes ont été jetées en 1973 tel que l’ont annoncé deux sexagénaires que nous avons rencontrés sur la sous-colline Mpinga. «Le président de la République est venu par hélicoptère et a ordonné que les cadavres soient d’abord réduits en morceaux avant d’être enterrés», a indiqué Ferdinand Murindahabi, un des témoins âge de 63 ans qui nous a raconté l’histoire.
Quant à Jean Marie Vianney Sinzinkayo, un témoin de 60 ans, il a fait savoir que les chefs leur disaient que le pays était attaqué par les rebelles provenant du Rwanda mais en réalité c’était des Hutu qui avaient fui le pays en 1972 qui revenaient pour récupérer leurs propriétés. « Ces tueries terribles ont eu lieu en 1973 au mois d’avril sous une forte pluie. Les soldats ont ouvert le feu sur une quarantaine de personnes et les cadavres étaient jetés le long de la route. Il y a beaucoup d’autres qui ont été conduits en zone Murehe et qui ont disparu. Les hutu qui rentraient du Rwanda ont été accusés de rébellion et ont été sauvagement tués. D’autres ont été menottés pour être conduits au cachot de la commune Vumbi et ont fini par être tués», a-t-il dit. Heureusement, il y a des rescapés qui ont été sauvés grâce aux travaux qu’ils exerçaient pour les chefs.
Toutes les personnes qui sont intervenues lors du lancement de ces cérémonies d’exhumation et d’audition des témoins ont prodigué des conseils surtout aux jeunes générations de s’atteler aux travaux de développement au lieu de suivre ce mauvais exemple.
Olivier Nishirimbere
Olivier Nishirimbere
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Olivier Nishirimbere est un journaliste qui traite souvent des sujets en rapport avec le sport, la culture, l'art et loisirs.