Femme, épouse, mère et coach de football, Martine Nimbona gère toutes ces responsabilités car selon elle, chaque chose doit se faire en son temps. Mme Nimbona, jeune en âge, ne l’est pas autant dans sa carrière professionnelle. Ayant commencé sur des terrains des quartiers à Ngagara, elle se retrouve aujourd’hui en train d’entrainer des jeunes filles et garçons dans divers clubs dont, Ikirezi FC. Gravissant les échelons, elle participe aujourd’hui dans des formations et rencontres des coachs au niveau international et elle se dit fière de pouvoir aider cette jeunesse qui veut se lancer dans la carrière de football.
Elle est née en 1983 dans une famille de 6 enfants dont elle est la cadette. Elle est de la province de Bubanza dans la commune Gihanga. Elle a fréquenté ses études primaires à l’école officielle de Bubanza avant de les poursuivre à Bujumbura à Ngagara au quartier7. Elle continue l’école secondaire au Lycée du Saint Esprit. Pour ce qui est de sa formation supérieure, elle a fait l’université du Burundi, la faculté des Lettres et sciences humaines, dans le département des Langues et littérature anglaise. Elle est actuellement enseignante à l’Ecofo Ngagara Q4 où elle dispense les cours d’Anglais, Swahili et civisme. Au moment où elle passe la majeure partie de la journée à l’école avec ses élèves, elle profite de la fin des cours pour encadrer les filles dans le domaine du sport. Elle est responsable d’une équipe de football appelée Ikirezi FC à Ngagara mais les entraînements se font au terrain de l’Ecole technique secondaire (ETS Kamenge). Elle fait savoir que ses joueuses participent à des compétitions de la deuxième division au niveau de la fédération de football du Burundi.
Seule fille footballeuse parmi les garçons, elle encaisse les coups
Elle a commencé à jouer dans les équipes réservées aux garçons comme Inter FC de Ngagara. Parfois on la chassait de leurs équipes car ils voulaient jouer entre garçons, d’autres fois elle était acceptée. C’est à ce moment qu’elle a commencé à demander aux responsables de ces clubs de créer des équipes féminines. «Je suis même allée jusqu’à les recruter moi-même. Par la suite, elle a découvert que dans le quartier III Ngagara , il y avait une équipe de filles. Comme Dorothée Birihanyuma et Josias Nkundizera, encadreurs de l’équipe Ikirezi FC gagnaient de l’âge, on m’a donnée la responsabilité de conduire l’équipe et j’ai continué à entrainer les nouvelles venues ». C’est en 2012 qu’elle commence à participer dans des formations pour entraineurs. Après une longue expérience, elle est devenue elle-même formatrice. C’est à ce moment qu’on a commencé à l’envoyer à l’étranger pour former les autres. Elle a même eu l’occasion de partir au Cameroun deux fois consécutives en 2012 et 2014 pour partager l’expérience avec les autres coachs et par la suite devenir formatrice des autres. Elle est par la suite partie en Allemagne pour suivre des formations dispensées par la Bundes Leagua. De cette formation, elle a appris comment concilier football et développement du pays.
A la question de savoir comment elle a commencé à jouer au football, Mme Nimbona dit que ce sport est surement sa vocation depuis son plus jeune âge. « J’ai commencé à jouer sur des terrains de quartiers avec les garçons. Je me retrouvais étant la seule fille à jouer à ce sport dans ma localité. J’étais mal étiquetée, voire découragée. Parfois, certains garçons me chassaient », dit-elle. Avec un rire, elle se rappelle que certains la retirait même du terrain en lui conseillant de quitter ces équipes de garçons. Mais elle voulait à tout prix jouer au foot et les filles de son âge n’avaient pas d’équipe dans leur quartier. Rappelons que le football de quartier est toujours réservé aux garçons.
Son entrée au sein d’Ikirezi FC, un exploit
Arrivée à l’Université, les horizons s’éclairent. Ceux qui l’avaient détectée commencent à la recruter. Avec la création d’Ikirezi FC par des parents soucieux d’encadrer les jeunes, Martine Nimbona trouve sa vraie place. Elle se rappelle de deux noms, Dorothée Birihanyuma et Josias Nkundizera. Des parents qui voulaient protéger les enfants contre la délinquance et qui ont soutenu le club Ikirezi FC. Elle s’est retrouvée petit à petit dans des comités d’organisation des compétitions. Elle a ensuite été choisie pour devenir la capitaine d’Ikirezi FC. Je suis par la suite devenue la responsable de ce club.
« Chaque chose en son temps »
A propos de la gestion de son temps, Mme Nimbona dit que le matin, elle est habituellement à l’école. Les après midis, et les week-ends, elle consacre quelques heures depuis 15heures, pour occuper les jeunes filles de son club Ikirezi FC. Pour ce qui est du partage des responsabilités d’être coach, femme, mère et épouse, Martine Nimbona dit que tout dépend de comment l’on s’organise. « Jusqu’à maintenant, je n’ai rien perdu à cause du football ». Elle indique que chaque tâche a son temps. Surtout qu’il faut se donner corps et âme et parfois se sacrifier. S’il faut parler de spécificité en tant que femme coach, elle dit que chacun a sa personnalité. « À la maison, je suis une maman et une épouse. Au terrain je suis coach. Certes, il y a des rassemblements et associations auxquels je ne peux pas adhérer faute de temps mais j’essais de me consacrer au maximum à ce qui est plus important ». Elle avoue qu’il faut vraiment se donner et bien organiser son temps. Pour le foot féminin, elle dit qu’il faut surtout être auprès de ces filles pour mieux les encadrer. Ce qui n’est pas le cas pour les garçons qui peuvent se charger de leurs entrainements. Et surtout que ces filles ont elles aussi des tâches chez elles. Elle soutient qu’avant tout elle se concentre à l’éducation de ces jeunes en les sensibilisant à aimer l’école.
Notre interlocutrice conseille aux jeunes qu’une fille burundaise doit savoir qu’elle a des responsabilités à la maison et qu’elle doit du respect à ses parents. Elle doit être une fille de vision. En plus, elle rappelle que tout sport doit s’accompagner de la discipline. Elle leur conseille de continuer leurs études malgré leur succès dans le sport. Le football peut les conduire loin, elle recommande que les filles jouent avec courage et détermination car si demain elles ne jouent plus, elles peuvent contribuer au développement du football burundais et ailleurs de par leur expérience.
Et s’il fallait qu’elle choisisse entre sport et autres tâches, Martine Nimbona trouve qu’elle aime tout ce qu’elle fait, que ce soit le foot ou l’enseignement. Pour elle, être auprès de ces jeunes que ce soit à l’école ou au terrain de foot, tout revient à leur éducation. «On ne les enseigne pas que le foot. Elles reçoivent d’autres leçons de morale qui les aident à aller de l’avant. C’est entre autres le patriotisme, le respect d’autrui et la discipline en toute chose ».
Quant à l’instauration des écoles se concentrant sur le football, elle dit que l’exemple de l’école créée à Ruyigi est bon. Elle soutient le fait que le sport soit soutenu par l’éducation scolaire. Mais elle recommande que cela s’étende aussi sur les filles. Car le Burundi a besoin des joueuses, compétentes et intelligentes. Si un jour une fille devenait responsable, elle mettrait en valeur le football en général car garçons et filles œuvrent tous pour un même objectif dans le foot. Elle dit qu’elle privilégierait les formations à la recherche des entraineurs qualifiés. Pour elle, multiplier les compétitions aide les joueurs à se perfectionner et à gagner de l’expérience en se comparant à d’autres joueurs plus forts qu’eux. Sans oublier qu’i faut que selon l’âge, les joueurs doivent jouer en catégories. Cela aide à savoir comment entrainer tel joueur selon l’âge car on ne peut pas mettre dans une même catégorie des jeunes de 17ans avec ceux de 25 ans.
Aux jeunes elle leur conseille d’évoluer avec le temps. Le football évolue aussi, que ce soit au niveau des joueurs ou au niveau des entraineurs. « Si tu te conduis mal, tu n’arrives pas loin. Il faut alors privilégier la discipline en tout», «dit-elle». Si l’on pouvait construire des stades et des centres connus pour encadrer les jeunes qui ont cette vocation et du talent mais qui rencontrent des situations difficiles de pauvreté dans leurs familles selon Mme Nimbona. Les jeunes de ce genre arrivent loin et hissent haut le drapeau national. L’Etat devrait tout faire pour encourager ces jeunes, dit notre source.
Blandine Niyongere