Malik Jabir a marqué l’histoire du football burundais par son talent prodigieux et ses statistiques ravissantes. Avec ses corners magiques et ses coups-francs cadrés dans la lucarne, il faisait toujours trembler les gardiens. Né le 7 août 1962 à Ngagara, le monde du sport burundais célèbre les 60 ans d’une de ses légendes, ceux de Fazir Malikonge dit Malik Jabir. Un nom qui résonne dans toutes les têtes, que l’on soit fan du ballon rond ou pas.
Dans une interview accordée au quotidien, « Le Renouveau » le jeudi 22 septembre 2022, Malik Jabir a parlé de sa carrière scolaire et sportive. « J’ai difficilement intégré l’école primaire protestante de Buyenzi (Adep) car, ma passion était largement dominée par le football, qui était la grande occupation des jeunes de la zone urbaine de Kamenge. Mais, par la grâce de Dieu, j’ai eu le certificat de fin d’études primaires avant d’embrasser le cycle secondaire au Centre scolaire Zaïrois. Après deux ans d’enseignement du degré secondaire, j’ai choisi la section de Pédagogie générale que j’ai poursuivie avec succès jusqu’en 6è année des humanités. J’ai passé l’examen d’Etat en 1983 mais, malheureusement, je n’y ai pas réussi. C’est ainsi que j’ai pris la décision d’abandonner l’école pour m’occuper du football uniquement. Seulement, je pourrais dire que tout ce que je suis devenu en football, c’était grâce aux championnats interscolaires que nous disputions à notre époque », a-t-il indiqué.
L’image d’un Ghanéen
Essayant d’expliquer l’origine de son nom, notre interlocuteur a fait savoir que son vrai nom est Fazir Malikonge. « Le nom de Malik Jabir m’a été collé par les journalistes de mon époque qui regardaient les matchs. Ils disaient que je jouais de la même façon qu’un attaquant ghanéen des années 70 qui portait le même nom. Jusqu’à maintenant, très peu de gens savent que mon vrai nom est Fazir Malikonge », a-t-il précisé.
Beaucoup de trophées avec le club
Vital’O
En ce qui concerne sa carrière sportive, Malik Jabir a souligné qu’après avoir sillonné le football des jeunes, il a signé un contrat avec l’équipe Rapide FC de la deuxième division où il n’a pas passé beaucoup de temps parce que cette équipe a été fusionnée avec Bata FC qui deviendra plus tard Vital’O. Il a alors joué pour Vital’O où il a gagné beaucoup de trophées au niveau national. Dans sa tête, a-t-il indiqué, il ne pourra jamais oublier le derby entre les mauves et blancs de Vital’O et les noirs et blancs d’Inter FC, qui, à chaque fois, relevait le niveau du jeu et créait une ambiance au stade Intwari (Ex-Prince Louis Rwagasore) et dans les différents quartiers de Bujumbura mairie.
Pour les compétitions internationales, Malik Jabir a disputé beaucoup de matchs comptant pour la ligue des champions mais aussi ceux des clubs vainqueurs de coupes même s’il ne se souvient plus du nombre de buts qu’il a marqués. Toutefois, il se dit être fier d’avoir joué la finale de la ligue des champions contre Africa Sport d’Abidjan (Côte d’Ivoire).
Un homme aux corners et coups-francs magiques
Connu comme roi des corners, selon Patrick Sota, un des anciens journalistes, les gardiens de buts tremblaient toujours quand ils étaient tirés par Jabir Malik. La majorité de ses buts étaient marqués sur des corners entrant ou ses coups-francs dénommés « malawi ». La balle pouvait ainsi aller directement dans la cage sans être déviée par qui que ce soit.
Dix -huit ans de carrière sportive
Pendant les dix-huit ans de sa carrière (de 1975 à 1993) dans le domaine du football, M.Jabir indique que le match contre Tonnerre de Yaoundé reste gravée dans sa mémoire et surtout le but qu’il a marqué à la 88è minute du jeu où il a surpris les Camerounais qui croyaient que les Burundais ne savaient pas jouer. « Le but que j’ai marqué contre Tonnerre de Yaoundé a fait pleurer les Camerounais et a soulevé tous les spectateurs burundais qui étaient au stade », a rappelé Jabir.
Parmi ses grandes figures de référence en football, il a cité les attaquants dont le Brésilien Edson Arantes Do Nascimento dit Pélé, le Portugais Eusebio da Silva Ferreira, le Camerounais Roger Milla et le Congolais Jean Adelard Mayanga.
Un attaquant à la vareuse numéro
4 au dos
« Il n’y a pas de secret dans ce numéro 4 que je portais, dit-il. Seulement, les autres joueurs s’emparaient directement des autres maillots et il restait le numéro 4. J’ai jugé bon de porter ce numéro et ça ne me posait pas de problèmes », a-t-il dit. Gaucher imparable, Jabir était rapide et adroit comme le témoigne Patrick Sota, un des membres de l’Association des journalistes des sports (AJSB) qui l’a beaucoup assisté. Il a toujours évité le corps à corps et savait échapper aux tacles violents. Dans la zone de vérité, la balle au pied ou une balle en chandelle venue du gardien ou de ses coéquipiers, atterrissait sur son pied gauche, il savait la reprendre de volée pour l’expédier au fond des filets.
Les défenseurs qui lui faisaient
trembler
« Dans le temps, explique M. Jabir, il y avait des équipes qui avaient de très bons défenseurs », dit-il. Il a cité Kazadi Mwilambwe pour le club Fantastique FC, Dibwe Mutamba pour Inter FC, feu le prénommé Athanase pour le club Prince Louis, etc. Il se souvient des matchs qu’ils ont joués contre Zamalek d’Egypte et Tonnerre de Yaoundé. « Je n’oublierai jamais l’équipe de Swaziland (Mbabane Swallows) que nous avons battue sur un score de 6 buts à 0. Dans ce match, j’ai marqué 4 buts à moi seul », a-t-il déclaré. Il raccrochera les crampons en 1993 pour travailler à la Douane. Il rejoindra plus tard l’équipe Halleluya FC dans le cadre du sport de loisir.
Un faible niveau par rapport
au football de notre époque
S’agissant de la comparaison entre le football actuel et celui de leur époque, Malik Jabir a fait remarquer que le niveau a sensiblement baissé. «Au paravent, les équipes cherchaient des entraineurs internationaux mais, pour le moment, elles se contentent des locaux. Selon mon point de vue, le mieux serait d’amener des entraineurs internationaux pour qu’ils puissent élever le niveau des entraineurs locaux en général et celui des équipes en particulier. L’intégration des anciens joueurs aussi dans le staff technique contribuerait à l’élévation du niveau des joueurs et des équipes. Pour le moment, il n’y a pas d’attaquants de haut niveau comme ce fut le cas avant. Dans le club Fantastique, tu voyais Indele ; tu vas à l’Inter FC, il y avait Muvala ; au Vital‘O, j’y étais ; au Prince Louis, il y avait Isidore, etc. C’est ça l’atout que le Burundi avait. Je recommanderais donc aux clubs de travailler en franche collaboration avec la Fédération de football du Burundi pour amener des experts qui peuvent facilement développer le football burundais et faire revenir cette terreur que les équipes burundaises semaient face aux équipes étrangères», a-t-il expliqué.
Une très grande rivalité entre
Inter Star et Vital ‘O
S’exprimant sur la rivalité qui existait entre les clubs Vital’O et Inter Star, elle date de très longtemps, Jabir précise qu’il y avait de grands patrons qui n’hésitaient pas de donner une grande enveloppe aux joueurs qui se comportaient très bien. Cet encouragement créait un esprit de combativité et constituait une motivation.
Une part incontournable
des anciens joueurs
Pour élever le niveau du football burundais, Malik Jabir a indiqué que la part des anciens joueurs est incontournable. « En tant qu’anciens joueurs, comme contribution, nous nous sommes mis ensemble pour encadrer un certain nombre d’enfants. Nous espérons que nous allons atteindre de bons résultats dans l’avenir», a-t-il signalé.
Il n’a pas manqué de prodiguer des conseils aux jeunes footballeurs d’aujourd’hui. Selon lui, ils doivent être disciplinés pour arriver loin dans la vie. Il invite les entraineurs à garder les joueurs dans le même club pendant longtemps pour acquérir une grande expérience. Il demande au gouvernement de construire des stades aux standards internationaux pour que nos équipes puissent jouer leurs matchs internationaux à domicile et de continuer à soutenir les équipes qui participent aux compétitions internationales pour amener des meilleurs résultats.
Olivier Nishirimbere