Les régions naturelles du Burundi étaient nombreuses et ne datent pas de l’époque coloniale. Elles datent du Burundi précolonial c’est-à-dire dans les années 1930, lorsque le pouvoir colonial belge a voulu réorganiser l’administration pour les ramener à neuf régions naturelles (Imbo, Mumirwa, Mugamba, Buyenzi, Buyogoma, Bweru, Bututsi, Moso et Kirimiro). Leur signification se fonde sur plusieurs critères, c’est-à-dire naturel, environnemental, historique mais aussi des critères liés à l’économie et à la société.
« Ainsi, par exemple, la région naturelle de Bututsi est une région où il y avait beaucoup de gens vivant d’élevage parce que la catégorie sociale des Batutsi était une catégorie à prédominance pastorale. Ils vivaient de l’élevage bien qu’ils avaient aussi des cultures. L’appellation est liée en quelque sorte à une situation à la fois économique et sociale », a indiqué Emile Mworoha, ancien professeur d’histoire à l’université du Burundi.
La région de Mugamba quant à elle, est une région à température fraîche, assez basse et son appellation se réfère aussi au nom de vache. Ainsi, il y a un rapport entre l’appellation de cette région avec l’élevage du bétail.
En ce qui concerne la région de Kirimiro, elle se réfère aux activités culturales, c’est-à-dire là où il y a beaucoup de cultures qui sont en quelques sortes abondantes. C’est la même chose pour la région de Bweru pour laquelle on avait de bonnes récoltes.
Limiter les étendues
Par l’importance de la géographie, il y a la région des Mumirwa, une région de grandes collines avant de pénétrer les plateaux centraux. Elle a été forgée avec l’époque coloniale. Avant l’époque précoloniale, Mumirwa était dans la même région de l’Imbo.
Pour ce qui est de la région de l’Imbo, elle avait une certaine particularité et des échanges très importants avec la cour. Elle a été intégrée dans le royaume du Burundi au début du 20e siècle.
M.Mworoha a précisé que ces différentes régions naturelles étaient comme de grandes provinces parce que dans l’organisation politique, le Mwami avait sa cour à Muramvya, un domaine particulier pour lui. Ces régions ont été remodelées avec la colonisation belge pour les rendre soit-disant plus fonctionnelles c’est-à-dire en limitant leurs étendues. La région de Buyogoma, intégrée au 19e siècle sous le roi Ntare Rugamba, avait comme chefs, les frères de Mwezi Gisabo.
Pour le moment les régions naturelles sont au nombre de 11. Il y a Imbo, Mumirwa, Mugamba, Buyenzi, Buyogoma, Bweru, Moso, Bututsi, Buragane, Kirimiro et Bugesera.
Diversité du paysage burundais
Jean-Marie Sabushimike, professeur à l’Université du Burundi, département des Sciences géographiques de l’environnement et de la population, a indiqué que même si le Burundi a des dimensions géographiques modestes en termes de superficie, il se caractérise par une très forte diversité de ses paysages. « Ces paysages doivent s’expliquer d’une manière précise sur le plan scientifique. Rien ne s’est construit au hasard».
M.Sabushimike est revenu sur le topo séquence partant de l’Ouest vers l’Est en quittant le lac Tanganyika et ses plaines, pour monter les Mumirwa qui se raccordent brutalement aux plaines de l’Imbo dans beaucoup de cas, pour atteindre les lignes faitières constituées par une chaîne de montagnes de direction méridienne Nord-sud depuis Cibitoke jusqu’à Mabanda sur la frontière tanzanienne. Au Centre, nous avons des plateaux centraux qui ont été à l’abri de ce que nous appelons la révolution tectonique du lift occidental africain qui est à la base de cette grande fracture qui a marqué l’Afrique orientale, a-t-il souligné.
Jean-Marie Sabushimike a rappelé qu’auparavant, il y avait une surface d’aplanissement qui couvrait le Burundi, le Katanga, le Rwanda jusqu’en Ouganda. La tectonique du lift occidental africain est intervenu il y a environ 20 millions d’années, avec la mise en place du lac Tanganyika seulement il y a 12 millions d’années. « Bref, au niveau des plateaux centraux, on a un paysage qui a valu du Burundi, le pays des milles collines ».
Effet du changement climatique
Les dépressions de l’Est (Kumoso, Buragane) sont des paysages très remarquables sur le plan touristique et dominés par le massif de Nkoma là où l’on parle de la Faille des Allemands. Au Nord, il y a le Bugesera, une vaste dépression batolitique taillée en roches granitiques. « Ce qui est plus intéressant est que plus on change, plus on remarque le changement du système hydrographique et du climat. Il y a ce qu’on appelle les régions naturelles éco climatiques qui sont les régions des basses terres comme les plaines de l’Imbo. Il fait chaud avec des crêtes intermédiaires des Mirwa pour atteindre la région des crêtes beaucoup plus fraîches et les plateaux centraux et, les températures sont moyennes, autour de 18°-20°. Quant aux dépressions, il fait encore chaud avec des menaces de sécheresse souvent dans le Moso et le Bugesera.
Pour M.Sabushimike, le paysage burundais peut paraître stable mais il change beaucoup aujourd’hui avec le changement climatique. « Ce sont ces montagnes qui glissent aujourd’hui, avec des cours d’eau qui détruisent la ville de Bujumbura et des inondations qui provoquent des déplacements massifs des populations.», a-t-il précisé.
Yvette Irambona