Dans un entretien nous accordé dernièrement, par Fidèle Cishahayo, médecin généraliste à la clinique Prince Louis Rwagasore, revient sur les dangers de l’automédication, une pratique en vogue dans nos sociétés mais qui présente beaucoup de conséquences sur le court, moyen et long terme. Il suggère une sensibilisation pour éradiquer cette habitude de la plupart de la population.
« L’automédication est le fait de prendre soi-même des médicaments sans ordonnance médicale ou consultation au préalable pour dénicher la maladie ou la genèse de la gêne chez un patient », telle est la manière dont Fidèle Cishahayo, médecin généraliste à la clinique Prince Louis Rwagasore et formateur national du programme de prévention et contrôle des infections, définit cette pratique.
En expliquant que les médicaments sont des produits chimiques et que bien qu’ils guérissent les maladies, ils constituent aussi un destructeur à petit feu de l’organisme, Il fait savoir que cet inconvénient des médicaments est encore plus marqué quand ces derniers sont mal pris. Il présente quelques risques parmi plusieurs que l’automédication peut occasionner :
La résistance aux antimicrobiens
L’une des conséquences de l’automédication, c’est la résistance aux antimicrobiens. « Les antimicrobiens, comme la ciprofloxacine et l’amoxicilline, sont des médicaments qui traitent les maladies causées par des bactéries. Quand ils sont mal pris, ils peuvent devenir inefficaces dans l’avenir car lorsqu’on n’a pas rempli toute la dose nécessaire ou on les a pris n’importe comment, les bactéries qui causent le trouble vont génétiquement adopter une forme plus résistante au médicament. Pire encore, ces bactéries nouvellement métamorphosées se multiplient comme toute bactérie et sont contagieuses. C’est ainsi que dans le futur, on pourrait se retrouver avec des pathologies détectées mais qu’on ne pourra malheureusement pas soigner », avertie M. Cishahayo. Avant de l’illustrer en nous donnant un exemple d’un patient qu’on a détecté une infection urinaire à qui tous les antibiotiques qu’on lui a prescrits se sont avérés inefficaces. Il a fallu lui trouver une intervention plus spécialisée.
L’interaction médicamenteuse et ses conséquences
M. Cishahayo précise aussi que l’automédication peut occasionner une interaction médicamenteuse ou une incompatibilité entre médicaments. « Il existe des médicaments qui ne sont pas compatibles entre eux où lorsqu’ils sont associés, l’un empêche l’action de l’autre. Il a des médicaments incompatibles à certaines méthodes contraceptives et annihilent leur effet dans le corps de la femme. Ce qui fait que des fois, la femme conçoit sans le savoir », explique M. Cishahayo.
Aggravation d’autres maladies comme l’hépatite et l’insuffisance rénale
M. Cishahayo fait savoir que la procédure normale dans le traitement des maladies prévaut un diagnostic avant tout. Le médecin doit connaitre, au préalable, l’état de santé du patient avant de lui fournir une ordonnance car il existe des médicaments qui aggravent certaines maladies. « Les médicaments contre la douleur, comme le paracétamol, sont interdits aux personnes qui ont des problèmes de foie. Ce sont des médicaments qui détruisent le foie. On les appelle des hépatotoxiques. On peut souffrir de l’hépatite sans le savoir, en prenant le paracétamol, on va l’aggraver encore plus. Un médecin ne peut pas te prescrire du paracétamol sans être sûr que tu n’as pas de problème au niveau du foie mais à la pharmacie si. C’est ce qui est déplorable. D’autres organes internes comme les reins sont aussi fragilisés par ces types de médicaments. En prenant ces médicaments n’importe comment, on peut facilement aggraver une insuffisance rénale », a indiqué M. Cishahayo.
La nécessité d’une sensibilisation à tous les niveaux
M. Cishahayo recommande une sensibilisation renforcée au sein de la population. « Nous devons travailler ensemble pour éradiquer cette pratique. On sensibilise aujourd’hui pour dire l’importance de se faire soigner. Les agents de santé communautaire doivent sensibiliser dans les quartiers et, nous, nous le faisons ici à l’hôpital. Il faut sensibiliser les patients, leurs entourages, les pharmaciens, tout le monde. », a-t-il martelé.
Il conclut en lançant un cri d’alarme à l’encontre des propriétaires des pharmacies afin de privilégier les valeurs d’humanisme plutôt que de vouloir faire du commerce et cela commence par engager des pharmaciens qualifiés et les exiger à ce que les médicaments ne soient délivrés que sous prescription médicale.