Avec le quota d’aumoins de 30% de représentation des femmes dans les institutions ou organes de l’Etat, au Burundi, on est parvenu à briser la tradition qui a toujours considéré la femme comme un être humain que Dieu a créé pour le plaisir de l’homme, l’accompagner, enfanter, obéir à l’homme aveuglement et exécuter les travaux ménagers et champêtres, seulement. Même s’il existe encore un pas à franchir, en ce qui concerne les barrières juridiques et culturelles, force est de remarquer que les mentalités qui font de la femme un être inférieur à l’homme disparaissent progressivement. Les femmes s’investissent davantage aujourd’hui dans les domaines longtemps réservé aux seuls hommes. Aussi, les femmes restent au cœur des équilibres familiaux en ce sens qu’elles jouent un rôle central en matière de santé, de développement et d’éducation. D’où leur autonomisation est un des facteurs indispensables de paix, de progrès social, économique et environnemental.
Selon Fortin Pallerin, professeur dans la Faculté de médecine et des sciences de la santé au Canada, l’autonomisation de la femme est un processus de prise de conscience et de développement de compétences par lequel des femmes acquièrent une capacité d’agir de façon autonome, à la fois individuellement et collectivement, et peuvent donc s’émanciper du pouvoir et de l’influence qu’exercent les hommes sur elles ( wikipedia.org). C’est aussi un processus de renforcement des capacités des individus ou des groupes d’individus de faire des choix et de les concrétiser par des actions leur permettant d’atteindre des résultats allant dans le sens souhaité.
La tradition africaine en général et burundaise en particulier, a toujours exclu la femme en la considérant comme un être humain qui n’est capable que de faire des enfants et d’exécuter les travaux ménagers ou champêtres. La femme n’avait ni la parole ni le droit à l’héritage de ses parents. Elle était aussi exclue dans les institutions traditionnelles. Elle devait porter en grande partie tous les fardeaux de la famille, comme le souligne l’Organisation non gouvernementale, Foncaba, spécialisée dans le renforcement des capacités de la société civile en Afrique.
La même organisation trouve que la guerre civile qu’a connue le Burundi depuis l’assassinat du président Melchior Ndadaye en 1993 a non seulement créé des problèmes à toute la population, mais elle a aussi exacerbé le sort de la femme avec l’augmentation de la violence sexuelle et du nombre de femmes chefs de ménage dû au veuvage, à la pauvreté, aux déplacements et aux regroupements massifs et forcés des populations vers les camps de fortune, etc.
Même si certaines de ces conséquences ci-haut citées, ne sont pas encore entièrement éradiquées, la crise de 1993 au Burundi a participé à améliorer les rapports homme-femmes dans la sphère politique. « Ainsi, la Constitution de 2005 a fixé à au moins 30 % la représentation féminine à l’Assemblée nationale et au Sénat. Ce qui veut dire que les politiques qui ont été élaborées après cette crise ont montré la volonté d’améliorer le sort de la femme », souligne la Foncaba.
Certaines barrières culturelles franchies
Avec la participation ou la représentativité des femmes dans les instances gouvernementales, les politiques électorales ou démocratiques élaborées depuis 2005 constituent une preuve qu’il y a une évolution au Burundi. Elles permettent aux femmes de franchir certaines barrières culturelles en ce sens qu’aujourd’hui la femme s’exprime en public, participe activement dans des foras politiques, etc. Partant, le courage et la ténacité de la femme engagée en politique influencent les autres femmes en les rendant ouvertes et indépendantes d’esprit, en plus d’éveiller leur conscience pour participer et démontrer leur capacité dans les secteurs de la vie du pays qui étaient réservés aux hommes.
Ainsi, la représentation de la femme dans les instances de prises de décision a mis au grand jour ses capacités et ses compétences. D’où elles méritent des encouragements et des félicitations, comme l’a fait le président de la république du Burundi, Evariste Ndayishimiye, lors de la célébration de la Journée internationale de la femme, édition 2022, sous le thème: « la femme au centre du développement agricole et de la protection environnementale ». Le Chef de l’Etat a en effet saisi l’opportunité pour saluer la bravoure, le courage et la détermination qu’incarne la femme burundaise, avant d’interpeller les hommes et toute la population à continuer à défendre les droits de la femme car l’histoire a déjà prouvé à suffisance sa performance notoire et ses capacités.
Un enjeu important
Dans son étude, menée en 2016 dans différents secteurs de la vie nationale, sur la participation de la femme dans les instances de prise de décision et son inclusivité dans les processus de paix et de sécurité, l’Association des femmes rapatriées du Burundi (Afrabu) relève que la participation des femmes, surtout en politique, est un enjeu important afin d’instaurer une véritable représentativité de la femme dans les instances dirigeantes politiques et de permettre aux femmes de jouir de leurs pleins droits. Cette participation dans les instances de prise de décisions est un élément nécessaire à la vitalité d’une démocratie qui est venue à point nommé car elle rend la démocratie plus vivante, même si cette représentativité n’est pas encore satisfaisante. « Cette participation est une notion difficile à cerner car une vision purement quantitative est insuffisante. Donc, le chemin est long et jonché d’embûches pour que les femmes burundaises puissent participer de manière paritaire et à la vie politique du pays ».
A y regarder de prêt, on constate qu’au Burundi, on a déjà marqué un grand pas en ce qui concerne la représentation de la femme. En plus du Parlement, il existe aussi d’autres institutions où la femme n’a pas été oubliée. Il s’agit notamment des institutions des corps de défense et de sécurité où, comme on peut le lire sur le site internet de la Force de défense nationale du Burundi (FDNB), par exemple, on voit que cette institution a déjà pris les devants dans la promotion de l’intégration du genre même si la représentativité n’est pas encore suffisante. Le nombre de femmes qui intègrent la FDNB ne cesse en effet de croître chaque année. A titre d’exemple en 2018, la FDNB a recruté un effectif de 64 filles sur un total de 1 874 garçons. En 2020, c’était 79 filles contre 1 308 garçons alors qu’en 2021, on a enregistré un effectif de 118 filles sur un total de 1 156. Cela prouve que les femmes ont compris leur contribution à la FDNB.
Briser les barrières juridiques et culturelles
La femme burundaise joue un grand rôle, au même titre que l’homme, dans le développement du pays à travers la réalisation de différentes activités génératrices des revenus. Elle essaie de tout faire pour vivre et faire vivre sa famille. Différents textes légaux burundais confèrent aussi une place de choix au sexe féminin du fait que la femme est une actrice incontournable dans tous les secteurs de la vie nationale. Dans le cadre de l’élimination des inégalités liées au genre et de l’inclusion féminine dans le secteur socio-économique, plusieurs actions ont été déjà menées. On citerait, à titre d’exemple, la mise en place d’une Politique nationale genre 2012-2025 qui a conduit à la mise en place de la Banque d’investissement et de développement pour la femme (BIDF).
Malgré les différentes actions menées et tout le combat pour son autonomie financière, la femme n’a pas encore atteint totalement le degré d’intégration dans le secteur socio-économique, les chances à l’épanouissement économique n’étant pas encore égales à celles des hommes.
Aussi l’épanouissement de la femme burundaise se heurte à certains défis liés, entre autres, à la pauvreté, à l’exploitation, à la privation du droit à l’héritage, etc. Pour ainsi dire que l’épanouissement de la femme est encore limité, surtout en ce qui concerne les terres et la gestion des biens familiaux. A titre d’exemple, pour avoir sa propre parcelle, la femme doit l’acheter. Tout cela montre que le cadre légal burundais n’offre pas à la femme une place de choix en ce qui concerne l’héritage.
Ainsi, comme le démontre un rapport de l’Institut des statistiques et d’études économiques du Burundi (Isteebu) sur l’enquête démographique et de santé, édition 2017, 21% seulement de femmes en union rémunérées décidaient principalement de l’utilisation de l’argent qu’elles gagnaient. Il faut donc parvenir à briser les barrières juridiques et culturelles au Burundi.
Mouvement associatif
A l’heure où nous sommes, les femmes ont déjà compris qu’il ne faut pas attendre tout de leurs maris. Dans le but d’être autonome financièrement, certaines ont créé des associations et d’autres ont adhéré dans des coopératives. Les femmes sont aussi actives dans la réalisation de différentes activités génératrices de revenus comme le petit commerce, l’entrepreneuriat, la fabrication des bijoux, des colliers et des bracelets et bien d’autres activités. Ce qui les rend beaucoup plus autonomes financièrement.
Béatrice Nsabimana, est l’une des femmes qui s’occupent de la propreté des rues de la capitale économique du Burundi. Malgré le maigre salaire qu’elle reçoit, elle indique que ce travail lui permet de satisfaire certains de ses besoins notamment payer le minerval de ses enfants et contribuer dans la nutrition de sa famille. « Cela me permet d’aider mon mari à satisfaire les besoins de la famille. Donc, je suis fière de contribuer et d’appuyer mon époux à assurer la survie de ma famille », se réjouit-elle.
Même son de cloche chez Denise Nimbona, membre d’une association féminine qui s’occupe de l’agriculture et de l’élevage des poules et des porcs, en province de Bujumbura, commune Kanyosha. Elle salue les activités réalisées dans sa coopérative car elles permettent aux membres de satisfaire les besoins familiaux et d’être autonomes. Mme Nimbona indique que malgré certaines contraintes rencontrées dans la réalisation de leurs projets, elles comptent élargir leurs activités et marquer d’autres pas en matière de développement. « Nous voulons montrer que les femmes sont aussi capables de se développer sans le concours de leurs conjoints», dit-elle en substance. Quant aux avantages d’être membre d’une coopérative pour une femme, elle révèle en plus de satisfaire les besoins personnels et familiaux, la liberté financière de la femme la protège aussi contre les hommes mal intentionnés. « Donc, nous devons combattre pour avoir cette liberté », insiste-t-elle.
Les femmes sont aussi actives dans l’entrepreneuriat
Sur le plan entrepreneurial, les hommes ne sont plus les seuls à entreprendre. Les femmes y sont aussi déjà. Elles démontrent leurs capacités même si c’est un secteur qui demande une rigueur et des efforts énormes. Leur engagement, leur courage et leur détermination leur permettent de tenir et elles se donnent à fond pour réussir. Cela prouve qu’être une femme ne signifie pas qu’elles ont des limites d’entreprendre en matière de développement. Il suffit tout simplement de pousser loin et de savoir ce qu’on veut pour survivre et pour être autonome financièrement.
Malgré les efforts du gouvernement en ce qui concerne l’employabilité des femmes, certaines restent les bras croisés et tournent leurs regards vers leurs maris pour survivre et satisfaire leurs besoins. Heureusement qu’aujourd’hui, beaucoup de femmes burundaises ont déjà coupé court avec ce comportement et investissent pour être autonomes. C’est le cas de Solange Nikuze. Dôtée d’un diplôme de niveau licence et mariée, elle exerce le métier de couture depuis plus de huit ans, dans la zone urbaine de Kanyosha, commune urbaine Muha. Elle a appris ce métier après ses études universitaires et après avoir constaté qu’il est très difficile d’être embauché par le gouvernement. « Après mes études universitaires, je me suis mariée une année après. Tout était à la charge de mon mari. A un certain moment, je me suis dit qu’au lieu de rester les bras croisés il fallait faire quelque chose pour aider mon mari à assurer la survie de notre famille et j’ai appris à coudre », témoigne Mme Nikuze. Après avoir appris le métier, son mari l’a aidée à avoir une machine à coudre et elle s’est lancée dans cette activité jusqu’aujourd’hui. « Beaucoup de gens m’ont découragée. Mais avec le courage et la détermination, aujourd’hui j’ai déjà mon propre atelier avec cinq machines. J’ai embauché d’autres couturiers et nous avons pas mal de clients, surtout à l’occasion des fêtes nationales car les gens en association qui veulent des uniformes nous donnent des marchés», dit-elle. Mme Nikuze laisse entendre qu’aujourd’hui, elle est capable de subvenir à tous ses besoins et à ceux de sa famille.
Au Burundi, l’heureux constat est qu’actuellement les femmes ne ménagent aucun effort pour leur autonomisation. Cela se remarque dans tous les coins du pays et dans tous les secteurs où on rencontre des femmes ou des jeunes filles qui se sont créées de l’emploi en exerçant des activités génératrices de revenus. Elles se sont soit lancées dans l’agri-élevage, la broderie, la fabrication des objets à partir des matériaux de récupération, dans le commerce ou dans d’autres activités.
Certes, il existe encore des étapes à franchir pour que l’autonomisation de la femme soit effective. Mais il faut déjà encourager et féliciter celles qui ont déjà entrepris des initiatives dans la création des emplois. Toutes les filles et femmes ne devraient plus douter de leurs compétences pour saisir toutes les opportunités qui s’offrent à elles surtout en matière de développement.
Astère Nduwamungu
Département de la documentation
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