Dans le cadre de la célébration de la Journée internationale de la femme, le quotidien Le Renouveau du Burundi a effectué une descente, le mardi 1er mars 2022, dans les communes Mutimbuzi et Gihanga. Le but était de s’enquérir de la situation de l’implication de la femme rurale dans le développement agricole. Nous avons constaté que l’appui intellectuel, technique et financier serait une valeur ajoutée pour que les femmes bénéficient des dividendes de leur production agricole.
Nous sommes vers 11 heures du matin sur la colline Kivoga de la commune Mutimbuzi, trois femmes sont dans un champ caféicole, Godeliève Ndayizigiye, une de ces femmes nous raconte. « Nous sommes en train de préparer le sol pour planter du haricot dans un champ caféicole. Nous choisissons d’y planter les cultures intercalaires car, le café prend une grande période pour donner ses récoltes. Pour ce faire, nous faisons recours aux cultures de courte durée afin d’avoir de quoi se nourrir en attendant la récolte du café ».
Mme Ndayizigiye a fait savoir que les femmes sont les piliers du développement car, ce sont elles qui s’occupent de la production agricole et pastorale : « Je suis convaincue que la femme s’implique activement dans la production agricole. Depuis le matin, je me réveille très tôt pour aller puiser de l’eau. Je dois m’occuper des enfants qui s’apprêtent pour l’école. Je m’assure également qu’au retour à la maison, ces enfants aient de quoi se nourrir. Après, je me rends dans les champs tout en retournant souvent à la maison pour continuer à préparer le repas de midi. Après-midi, je pense déjà au dîner .Toutefois, je dois et réserve le temps de retourner dans les champs », ajoute-t-elle.
Le travail de la femme, parfois invisible mais incontournable
Mme Ndayizigiye a déploré, le fait, que, bien que le travail effectué par la femme ne soit pas considéré à juste titre, celle-ci ne se repose pas durant les heures de la journée. Selon Mme Ndayizigiye l’agriculture et l’élevage ne donnent pas sa productivité satisfaisante sans l’implication de la femme. Quand elle ne s’occupe pas des déchets ménagers, explique-t-elle, les caniveaux seront bouchés et les maladies liées au manque d’hygiène deviennent une menace à la population. Dans ce cas, la femme donne sa part non- négligeable dans la protection de l’environnement.
Dans la vallée de Rukoko de la commune de Gihanga, Lyduine Ndayishimiye et Jeannine Nkurunziza font le désherbage d’unchamp rizicole. Elles expliquent l’immensité de leur travail : Nous nous réveillons très tôt le matin pour aller chercher des tâches dans ces champs. « Nous percevons l’argent selon l’espace sarclé. Nous pouvons avoir entre 3000 et 5000 FBu par jour.» Ces dames sont pieds nus et leurs habits tout mouillés. Elles affirment qu’elles attrapent souvent les maladies de la peau causées par les mauvaises conditions de travail. Elles précisent que l’argent qu’elles perçoivent contribue dans la croissance de la richesse de leurs familles.
Selon elles, « Une femme est la source du développement. Elle s’occupe de l’agriculture et de l’élevage, piliers du développement de la population ». « Je ne me repose pas toute la journée pour faire vivre ma famille. Presque tous les travaux ménagers et champêtres reviennent à moi. Je ne me plains pas parce que je suis consciente qu’une vraie femme est au centre de l’épanouissement de sa famille en particulier et de tout le pays en général », signale Mme Ndayishimiye.
La femme devrait bénéficier des dividendes de sa production agricole
Les femmes qui se sont entretenues avec Le Renouveau du Burundi indiquent qu’elles s’impliquent activement dans la production agricole. Malheureusement, ajoutent-elles,« nous ne bénéficions pas réellement des dividendes de notre production agricole.» : Lyduine Ndayishimiye nous fait part de la taille de son travail mais aussi de sa déception : « C’est moi qui suis chargée de repiquer et de sarcler le riz. Je m’arrange pour chercher l’engrais chimiques pour avoir une bonne production. Mais, quand il est temps de récolter, mon mari peut même vendre toute la récolte sans me consulter. La gestion de l’argent qu’il perçoit revient à lui. A l’heure où je vous parle, je ne sais pas où il est. J’ai entendu parler qu’il cohabite avec une autre femme qui a récolté une grande quantité de tomates. Ce qui est bizarre, c’est qu’à maintes reprises, il affiche ce genre de comportement. Il revient quand il a fini de bousiller tout l’argent ».
Quant à Godeliève Ndayizigiye, elle précise qu’elle éprouve beaucoup de difficultés pour avoir une bonne production faute d’engrais chimiques et de capacité techniques : « Au début de la saison culturale, je me sacrifie pour avoir des semences sélectionnées. Mais, comme je n’ai pas de moyens financiers pour acheter des engrais chimiques mais également des capacités techniques pour une bonne gestion des terres cultivables, je récolte une quantité insuffisante », nous apprend-elle.
Pour qu’elles jouissent pleinement des dividendes de leur production agricole, nos sources ont interpellé le gouvernement de les soutenir à travers des formations des appuis techniques et financiers. Cela pourrait les faciliter à avoir des connaissances suffisantes sur l’amélioration du rendement agricole.
Elles interpellent les associations féminines de s’approcher des femmes rurales pour savoir leurs préoccupations en ce qui concerne leur autonomisation : « Il est déplorable que beaucoup d’associations féminines qui ont des capacités intellectuelles et financières se regroupent souvent dans les centres urbains et ignorent les préoccupations de la femme rurale. Des fois, elles reconnaissent leur rôle quand les élections ou la célébration de la Journée internationale de la femme approchent. Nos sources s’indignent du comportement de ces associations quand elles s’activent pour mobiliser la femme rurale pour répondre auxdits événements. « L’épanouissement de la femme ne se fait pas en une journée, mais, c’est tout un processus », font-t-elles un clin d’œil.
Une équité de genre
Christophe Bigirimana, secrétaire exécutif permanant de la commune Gihanga, indique que dans cette commune, la femme participe activement dans le développement agricole. Les femmes se réunissent en associations et investissent surtout dans l’agriculture et l’élevage. « Comme on cultive beaucoup le riz dans cette commune, on constate que les femmes sont présentes dans la production et la commercialisation de cette denrée alimentaire. La récolte et les dividendes sont partagés sans considération de genre. Nous avons des associations féminines et d’autres mixtes. Le constat est que lorsqu’ils produisent, ils partagent équitablement sans considération de sexe. Même au niveau de la commercialisation, ce sont surtout les femmes qui sont sur terrain par rapport aux hommes », dit M. Bigirimana.
Notre interlocuteur a profité de l’occasion pour démentir les informations selon lesquelles,dans cette commune, les hommes pratiquent la polygamie quand ils ont en poche l’argent provenant de la récolte du riz. « Dans le temps, cette pratique de polygamie était une réalité. Mais elle était pratiquée par des non-natifs de Gihanga. Nous avons même fait des séances de sensibilisations sur toutes les collines pour que les couples qui vivent en union illégale puissent régulariser leurs mariages », dit M. Bigirimana.
Il fait également savoir qu’en participant activement au développement agricole, les difficultés ne manquent pas chez les femmes de même que chez les hommes. La question d’intrant est actuellement un casse tête. Mais, malgré tout, ils essaient de s’adapter à la situation en contractant des crédits auprès des institutions de microfinance et des voisins. Il conclue en conseillant aux femmes de s’impliquer beaucoup plus dans le développement agricole car, dans notre pays, l’agriculture est le pilier du développement.
La femme est le pilier du développement
Selon Joseph Mujiji, représentant de la coalition des hommes contre les violences à l’égard des femmes, la femme burundaise est le pilier du développement agricole mais aussi de la protection de l’environnement.
« C’est bien que le thème du 8 mars intitulé ainsi : «La femme au centre du développement agricole et de la protection de l’environnement » pense à elle et nous espérons qu’il y aura beaucoup de moyens qui seront mis à sa disposition pour qu’elle améliore ses connaissances », dit-il.
Notre interlocuteur précise que la femme est le pilier du développement dans tous les secteurs. Au niveau du ménage, c’est elle qui fait tout le travail et elle est à la base de toute la production vivrière. Elle entretient la production industrielle et fait en retour le commerce de ces produits. Dans le commerce informel, la femme occupe plus de 80% mais, aujourd’hui, nous voulons qu’elle soit dans le secteur formel et qu’on mette des moyens pour qu’elle ait accès aux moyens de production qui permettent d’améliorer davantage la production agricole et la protection de l’environnement.
Au-delà des normes sociales pour reconnaître le travail de la femme
Selon M.Mujiji, quand la femme produit, elle a accès aux champs mais, ce n’est pas elle qui bénéficie du produit de la vente. C’est l’homme qui va affecter l’argent dans la consommation de l’alcool un secteur non productif et qui met en arrière le pays. Ce dernier est un facteur de sous développement et va tuer l’outil humain de production. «Or, si on donne cet argent à la femme, elle va investir, améliorer la production agricole et la vie des ménages. Pour dire que les hommes perdent une grande partie des moyens financiers en investissant là où il ne fallait pas. Il faut donc que la femme ait accès à l’information qui lui permettrait d’améliorer le développement agricole et l’aspect environnemental. On devrait mettre à sa disposition l’outil qui permet d’éviter d’être la prédatrice de l’environnement notamment dans l’économie du charbon », dit-il. Il ajoute que la femme est la première gestionnaire des moyens financiers et de la terre, car elle sait faire la rotation de la terre.
Il a conclu que les normes sociales et culturelles doivent libérer la femme pour qu’elle soit actrice au développement et le pilier réel du développement aussi.
La femme face aux changements climatiques
Claphe Christine Ntunzwenimana, vice présidente et porte-parole du Collectif des associations et ONGs féminines (Cafob) précise que la femme burundaise s’occupe en majorité des travaux champêtres. Elle participe au développement du pays parce que, plus de 80% de la population burundaise vit de l’agriculture. C’est elle qui fait le labour et satisfait les besoins du ménage. Quelque fois, elle est accompagnée de son époux. Notre interlocutrice a indiqué que la femme burundaise participe également à la préservation de l’environnement compte tenu des tâches qu’elle accomplit en passant par son rôle de productrice et d’éducatrice. Elle intervient à la protection de l’environnement car, la femme burundaise s’occupe de la préparation de la nourriture et elle a besoin du bois de chauffage. Donc, elle doit veiller à ce que l’environnement ne soit pas menacé. Elle doit aussi surveiller l’agriculture en faisant face aux changements climatiques pour avoir de quoi nourrir sa famille.
Concernant les difficultés auxquelles fait face la femme burundaise pour participer au développement agricole, notre interlocutrice signale que le plus grand obstacle est la culture burundaise. « La femme burundaise est obligée de répondre à certaines obligations familiales. Elle cultive, produit, mais s’il s’agit de vendre la récolte pour subvenir aux besoins de sa famille, elle doit toujours demander l’autorisation de son mari. Il arrive même des fois où le mari refuse alors que c’est la femme qui a cultivé. Un autre obstacle est que les femmes exploitent des terres familiales ou de son mari pour finalement se retrouver sans rien. Donc la femme reste l’usufruitier qui travaille pour le bien de sa famille », a-t-elle dit.
Des avancées sont remarquables
Mme Ntunzwenimana fait remarquer que depuis qu’on a commencé à célébrer la journée internationale de la femme, il y a eu des améliorations en ce qui concerne la promotion des droits de la femme. « D’abord, il y avait des femmes qui ne connaissaient pas l’existence de cette journée. Actuellement, beaucoup de femmes sont au courant, et se sentent concernées par cette journée. Il y a eu aussi une prise de conscience de la population et des autorités concernant la protection des droits de la femme » a-t-elle dit avant d’ajouter que cette journée est une grande occasion pour les femmes de présenter leurs problèmes, de préparer leur avenir, de revendiquer leurs droits mais également de remercier le gouvernement pour les droits déjà accordés. Cette journée a aussi permis la naissance de plusieurs associations féminines. Ces dernières ont, en retour, beaucoup aidé pour que cette journée soit connue et célébrée.
Sensibiliser les femmes sur leurs droits
La vision du Cafob est de faire un Burundi paisible, prospère qui respecte les droits de la personne humaine et où les femmes ont les mêmes chances que les hommes et décident ensemble dans le futur. Le cafob assure donc la promotion des droits de la femme à travers des sensibilisations. « Nous sensibilisons les femmes sur les instruments juridiques et leurs droits et à travers des revendications. Nous avons des centres de prise en charge où les femmes qui ont des problèmes viennent nous voir. Nous essayons de les aider juridiquement et judiciairement. Nous assurons aussi la promotion des droits de la femme en les aidants à adhérer aux coopératives et à travailler ensemble. Nous avons beaucoup de projets qui interviennent dans la promotion des droits de la femme que ce soit en rapport avec la lutte contre les VBGs, (violences basées sur le genre) la sensibilisation et la vulgarisation de leurs droits. Pour les femmes qui ont subies des violences psychologiques, le Cafob les aide et les accompagne car, il dispose des services d’écoute », précise-t-elle.
Epargner pour l’avenir
Mme Ntunzwenimana lance un appel à toutes les femmes d’être actives et de travailler ensemble en se regroupant dans des associations ou coopératives. Elle les invite également à ouvrir des comptes dans des institutions de microfinance afin d’épargner pour l’avenir et subvenir à des événements incertains. Cela va les aider à contribuer au développement du pays et de leur famille. Notre interlocutrice invite également les femmes à envoyer leurs enfants à l’école. Pour les femmes qui n’ont pas eu la chance d’étudier, elle les invite à faire recours à l’alphabétisation des adultes, à découvrir de nouveaux horizons pour développer leur famille, leur communauté et leur nation.
Emelyne Iradukunda
Rose Mpekerimana