Le ministère ayant la santé dans ses attributions vient de lancer les activités d’une organisation internationale dénommée « DKT international ». Cette organisation non gouvernementale dont le siège est à Washington s’occupe essentiellement des questions liées à la santé sexuelle et reproductive. Se trouvant dans une trentaine de pays à travers le monde et dont le réseau de distribution se retrouve dans plus d’une centaine de pays, plus d’un se demande la valeur ajoutée qu’elle va apporter au Burundi surtout pour atteindre les objectifs de la vision 2040-2060. Dans une interview exclusive, le directeur pays et représentant légal de « DKT international », le docteur Dholly Senga éclaire l’opinion nationale sur certaines questions importantes.
Le Renouveau (L. R) : DKT international vient de lancer ses activités au Burundi. Pour ceux qui ne connaissent pas votre organisation, pouvez-vous leur expliquer brièvement « DKT international » ?
Docteur Dholly Senga (Dr Dholly) : DKT est une ONG [Organisation non gouvernementale, NDLR] qui s’occupe essentiellement des questions de la santé sexuelle et reproductive dont le siège est à Washington. Elle se retrouve dans une trentaine de pays à travers le monde mais le réseau de distribution se retrouve dans plus d’une centaine de pays. Nous avons une vision. Il faut que nous soyons dans un monde où les grossesses sont désirées et qu’une personne vit pleinement en bonne santé et qu’elle soit libre de choisir une méthode contraceptive.
L. R : Quelles sont les principales priorités dans votre domaine d’intervention ?
Dr Dholly : Effectivement, notre mission est de procurer aux individus, surtout les couples, une aide et des solutions en matière de planification familiale, de protection contre les infections sexuellement transmissibles. Nous le faisons à travers une stratégie que nous appelons marketing social. Nous utilisons des méthodes de communication pour amener aux gens un changement positif de comportement sexuel. Cela a tendance à ramener les gens vers la responsabilité pour qu’ils puissent avoir des comportements responsables en matière de santé sexuelle. Nous allons faire beaucoup de communication en matière de planification familiale. Nous allons aussi améliorer la qualité des services à travers les formations qui seront organisées en partenariat avec le ministère de la Santé.
L. R : La population burundaise est majoritairement chrétienne. En plus de la culture de pro-nataliste, certaines croyances ne privilégient pas les méthodes contraceptives. Comment allez-vous affronter ces défis ?
Dr Dholly : Les indicateurs qui nous ont été fournis par le ministère ayant la santé dans ses attributions montrent la réalité des choses. On ne peut pas faire la politique d’Autriche quand il y a des femmes qui sont en train de mourir. Personne ne va pratiquement pas être content quand une femme meurt après avoir donné naissance. Aujourd’hui, il se remarque une recrudescence des grossesses non désirées dans la population jeune. Il se remarque également le problème lié aux maladies sexuellement transmissibles surtout chez les jeunes. Ce sont des réalités qui ne peuvent pas nous laisser indifférents. Chacun est libre et responsable de choisir les méthodes contraceptives propres à ses convictions.
Les interventions en matière de planification familiale ont montré beaucoup d’avantages par rapport à la santé de la mère, celle de la famille, à l’éducation des enfants, à l’environnement, etc. Ces interventions permettent au pays de pouvoir diminuer la dépendance démographique. Il y aura alors beaucoup de jeunes qui auront des facilités d’accès à la meilleure éducation. Plus tard ces jeunes auront accès à la meilleure éducation et deviendront très actifs sur le marché de travail.
Aujourd’hui, le Burundi a une vision d’être émergent en 2040 et développé en 2060. La réussite de cette vision passe effectivement par une intervention efficace en matière de la planification familiale car, cette dernière permet au pays de bénéficier, dans quelques années, de dividendes démographiques.
L. R : Lors du lancement de vos activités, il a été indiqué que 5 provinces uniquement seront la première cible de vos interventions. Pourquoi le choix de ces provinces parmi les 19 que compte actuellement le Burundi ?
Dr Dholly : Ces cinq provinces pilotes ont été choisies en fonction des indicateurs qui nous ont été présentés par le ministère de la Santé. Nous n’allons pas nous limiter dans ces cinq provinces. La particularité de DKT est d’élargir la gamme des produits en matière de la santé de la reproduction au bénéfice de la population burundaise. Nous avons toute une game de contraceptifs à longue durée. Par exemple, nous avons 4 types différents m’intra utérins, 3 types d’implants hormonaux, 4 types de pillules orales, 3 types différents d’injectables. Nous avons 8 types différents de préservatifs. Donc tout cela pour donner le maximum de choix possibles aux individus pour qu’ils puissent se protéger contre les IST.
L. R : Vous dites que vous allez élargir vos activités dans d’autres provinces, cependant, lors du lancement des activités de DKT international, le ministère de la Santé a spécifié que votre mandat s’étend sur une période de 4 ans. Etes-vous optimiste que vous pourrait réussir le pari dans cette période ?
Dr Dholly : Nous travaillons en fonction des activités inscrites sur un agenda de 4 ans. Nous espérons qu’après l’échéance, nous pourrons reconduire le programme. Nous avons un mode d’économie qui est durable, soutenable. Donc à travers nos activités de distribution de pharmacies et de cliniques, nous espérons que le pays va s’approprier de cette stratégie. Plus tard, nous allons couvrir tout le Burundi.
L. R : Vous avez lancé vos activités dans un domaine qui n’est pas vierge, c’est-à-dire qu’il y a d’autres acteurs qui y travaillent. Quelle est la plus value que vous apportez ?
Dr Dholly : C’est vrai, il y a des partenaires techniques et financiers qui travaillent dans le domaine de la santé de la reproduction, mais il y a encore des efforts à fournir. Nous venons compléter ce que les autres sont en train de faire depuis pratiquement plusieurs années. Nous apportons une autre approche qui n’est pas celle de la gratuité ni commerciale mais une approche de marketing social. C’est –à-dire que nous distribuons des produits et les fonds recouvrés sont injectés pour communiquer à travers tous les canaux pour amener la population à comprendre que la pro-natalité est bien mais qu’il faut la contrôler. La raison est que le Burundi a une forte densité de la population.
En dehors, il y a les grossesses post-partum [Le post-partum, qui désigne les 6 semaines suivant la grossesse et l’accouchement, est la période où la mère retrouve son état initial d’avant la grossesse, NDLR]. Ces grossesses affaiblissent d’avantage la mère.
L. R : Le Burundi est sur le chemin d’atteindre le niveau émergent en 2040 et développé en 2060. Comment vos interventions vont contribuer à l’attente de cet objectif ?
Dr Dholly : Les interventions à travers le monde ont démontré que si un pays s’imprègne de façon efficace les programmes de planification familiale, il tend vers le développement. Aujourd’hui, le Burundi s’est fixé comme objectif que, d’ici quelques années, il puisse diminuer l’indice de fécondité. Nous pouvons contribuer à travers nos interventions à la réduction de cet indice. La vision est que d’ici, deux décennies, une femme peut mettre au monde trois enfants. Nous pensons que DKT puisse amener des gens à pouvoir adopter le comportement positif en faveur de la planification familiale. Nous allons impliquer tout le monde pour récolter la dividende démographique. Nous allons aussi impliquer l’homme car, au Burundi, il est considéré comme un obstacle à l’accès à la planification familiale étant donné que la femme a tendance à se référer à son partenaire pour la prise de décision. Nous pensons qu’impliquer l’homme dans la planification familiale c’est aussi apporter une grande part des solutions.
Dans la formation sanitaire en province de Kirundo que nous avons dernièrement visitée, plus de 100 femmes accouchent chaque mois. Par contre, environ 20 d’entre elles étaient inscrites sur le programme de planification familiale. Quand nous allons voulu savoir le pourquoi, la réponse est que les femmes doivent rentrer poser la question à leurs maris. Quand elles reviennent, elles sont enceintes d’une autre grossesse post-partum.
Propos recueillis par Moïse Nkurunziza