
« L’échec à concevoir un enfant peut provoquer une grande souffrance chez le couple et d’autres problèmes comme l’anxiété »
Quand un couple cohabite pendant une année, il a l’espoir d’avoir un enfant. Selon les médecins, après cette période, si le couple cohabite sans utiliser un contraceptif et qu’il ne parvient pas à avoir un enfant, on peut dire qu’il est infertile. L’infertilité n’est pas seulement un problème de femme. Elle est plus fréquente chez l’homme que chez la femme. Selon les témoignages des couples victimes, dans la société, le couple infertile vit la stigmatisation, la discrimination et la dévalorisation que ce soit par sa famille ou ses voisins. Les psychologues quant à eux, conseillent aux couples infertiles de ne pas se focaliser sur le problème, de ne pas se laisser influencer par les pressions sociales et agir selon leurs propres désirs.
S.N. habite la province de Muyinga. Dans un témoignage accordé à la rédaction du journal, elle indique qu’elle s’est mariée à l’âge de 28 ans et elle a eu son premier enfant après 6 ans de mariage. Pendant cette période, elle vivait la stigmatisation et la discrimination de la part de sa belle famille et de ses voisins. Elle était accusée d’être infertile. Sa belle famille l’accusait d’adultère et d’utiliser les contraceptifs injectables pour ne pas tomber enceinte. Ses voisins aussi la maltraitaient. Quand elle donnait à manger aux enfants de ces derniers, on soupçonnait qu’elle avait l’intention de les sacrifier pour qu’elle soit fertile. Son mari faisait semblant de comprendre la situation mais, suite à l’influence de sa famille, ce dernier développait de l’aversion contre son epouse. Il rentrait tard la nuit avant de causer avec d’autres femmes au téléphone.. Il ne voulait pas non plus faire les rapports sexuels avec sa femme, car il considérait cela comme une perte de temps. Quand elle a consulté un médecin gynécologue, on lui a dit que ses trompes sont obstruées et on lui a fait 4 séances d’hydrotubation. C’est par la suite qu’elle a commencé à s’adonner à la prière pour implorer le bon Dieu et après 3 mois, elle est tombée enceinte.
Obstruction des canaux génitaux, une des causes
Dans un entretien qu’il nous a accordé, Dr Gilbert Nibitanga gynécologue obstétricien et spécialiste en fertilité a fait remarquer qu’au Burundi, le constat est que 40% des couples infertiles ont comme cause d’origine masculine et 40% d’origine féminine. D’autres parts 10% des couples ont des causes inexpliquées, les autres 10% ont des causes qui sont partagées.
Concernant les causes de l’infertilité chez l’homme, Dr Nibitanga a fait savoir que cela peut arriver si l’homme présente une anomalie de la production des spermatozoïdes. L’autre cause est quand il y a une anomalie de la qualité et de la quantité des spermatozoïdes. La troisième cause est due à l’obstruction des canaux génitaux de l’homme. Dans ce cas, les spermatozoïdes ne peuvent pas sortir et monter dans le canal génital de la femme.
Concernant l’infertilité féminine, Dr Nibitanga a indiqué qu’il faut d’abord considérer l’âge de la femme pour savoir à quel niveau elle peut être fertile. Plus l’âge avance, plus la fertilité de la femme baisse.
Parlant des causes de l’infertilité féminine, notre interlocuteur a fait savoir qu’il y a des causes qui sont dues au système nerveux central, c’est-à-dire quand il y a eu perturbation des hormones centrales. D’autres causes sont dues à l’utérus. Quand l’utérus a des fibromes, ces derniers peuvent boucher les trompes ou bien empêcher que les spermatozoïdes arrivent au niveau des trompes.
Selon toujours notre interlocuteur, d’autres causes sont appelées l’endométriose. C’est-à-dire quand les tissus qui se trouvent au niveau de la cavité utérine se sont implantés au niveau des ovaires. « Il peut arriver aussi que le col ne soit pas réceptif aux spermatozoïdes, cela veut dire que le couple peut faire des rapports sexuels normalement alors que le col n’est pas réceptif. Les malformations génétiques constituent également l’une des causes majeures de l’infertilité », a précisé Dr Nibitanga.
Le traitement dépend de la cause
Notre interlocuteur a fait savoir qu’on peut soigner l’infertilité en utilisant les moyens qui sont disponibles dans notre pays. Et d’ajouter que le traitement dépend de la cause. « Si par exemple l’infertilité féminine est due à l’ovulation, on peut donner à la femme les médicaments qui peuvent provoquer l’ovulation. Si on constate que la femme a des fibromes, on peut les opérer. Si on constate qu’il y a les facteurs cervicaux, on peut utiliser l’insémination intra utérine pour soigner le couple », a-t-il expliqué.
Dr Nibitanga a fait savoir que la prévention dépend également de la cause. Il y a des causes qui sont évitables. Par exemple en évitant les infections, on peut se prévenir contre l’infertilité qui est due à l’obstruction des canaux génitaux. On peut également éviter l’infertilité causée par le tabagisme, l’alcoolisme et l’obésité. Il faut éviter également d’avoir plusieurs partenaires sexuels.
Consulter un médecin
Il a toutefois conclu en conseillant que quand un couple tente d’avoir un enfant pendant une année sans succès, la première chose est de consulter un médecin. L’homme et la femme ensemble peuvent aller consulter un médecin pour les examiner et demander ce qu’il faut faire afin de trouver une solution à leurs problèmes.
La femme est plus touchée que l’homme
Le psychologue Aline Nishemezwe fait savoir que l’infertilité a des conséquences psychologiques sur le couple. L’échec à concevoir un enfant peut provoquer une grande souffrance chez le couple et d’autres problèmes comme l’anxiété. L’autre problème est la baisse de l’estime de soi. Cette situation affecte donc directement l’auto estime puisqu’ils l’interprètent comme un échec pour lequel ils sont responsables. La culpabilité est grande et l’image qu’ils ont d’eux mêmes se détériorent. Ils considèrent que leur corps ne fonctionne pas normalement. L’autre problème est le déclenchement d’un processus de deuil. D’autres problèmes sont l’insomnie, les troubles alimentaires. « Il y a également la baisse de la libido, donc le stress engendré par le désir d’enfant peut influer sur le désir sexuel. Celui-ci baisse et réduit par conséquent la fréquence des rapports sexuels et en conséquence les chances de concevoir », a-t-elle signalé.
Dans la société, notre interlocutrice a précisé que les couples infertiles vivent la stigmatisation, la discrimination et la dévalorisation que ce soit par la belle famille ou celle de la femme. Pour le couple, la femme souffre beaucoup par rapport à l’homme car les accusations sont pour la plupart de fois dirigées contre les femmes.
Ne pas stigmatiser le couple infertile
Mme Nishemezwe conseille aux couples infertiles de ne pas se focaliser sur le problème, de ne pas se laisser influencer par les pressions sociales et agir selon leurs propres désirs. Il faut que le couple pratique également des activités de loisir, leur vie ne doit pas tourner uniquement autour du désir d’enfant. Elle les invite également à demander de l’aide auprès des spécialistes psychologues ou des psychiatres. Le psychologue aide le couple à s’accueillir et s’accepter lui-même et à se prévenir contre les troubles ou les problèmes psychologiques liés à l’infertilité. La conception devient comme conséquence de ce processus d’aide psychologique en complémentarité avec celui du médecin gynécologique, a-t-elle fait remarquer.
A la société, elle conseille d’éviter de pointer du doigt la femme en l’accusant d’être à l’origine de l’infertilité et d’éviter également de stigmatiser le couple infertile.
Emélyne Iradukunda