Les crocodiles, les primates, les reptiles, les oiseaux, etc, telles sont les catégories des animaux qui peuplent le parc national de la Rusizi. Les activités agricoles, le braconnage, les feux de brousse, l’insuffisance du personnel de garde, l’agrandissement du cimetière, etc., telles sont les menaces qui pèsent sur la biodiversité dudit parc, avons constaté lors de notre reportage du mercredi 6 novembre 2024, dans le parc national de la Rusizi dans le secteur parmelaie situé sur la colline Kibaya, zone Buringa en commune Gihanga.
Le Parc national de la Rusizi s’étend sur une superficie de plus de 10000 ha et se trouve au nord du lac Tanganyika, dans la région naturelle de l’Imbo. Il est plutôt connu pour sa biodiversité. Ce parc est divisé en 2 secteurs: secteur delta et secteur palmeraie. Le secteur palmeraie abrite des faux palmeraie appelés « Urukoko » ou « Umuko », qui est une espèce endémique qu’on ne peut trouver que sur ce site dans toute la région.
Des écosystèmes en voie de disparition
Prospérine Rukundo, un des forestiers du secteur palmeraie a indiqué que les espèces animales qu’on peut trouver sur ce site sont notamment des hippopotames, des crocodiles, quelques primates, etc. D’autres animaux sont en voie de disparition. Ce sont notamment les éléphants, les buffles, les girafes, les panthères de même que les lions ont déjà disparues. Parmi les espèces végétales qu’on y trouve, il s’agit des faux palmeraies «Rukoko », « ibidiridiri ainsi que des herbes qui ont des propriétés médicinales comme « igugu ».
Mme Rukundo a fait savoir que les gardes ou guides forestiers du secteur palmeraie travaillent dans des conditions difficiles: « Nous sommes d’abord en nombre insuffisant car la garde de tout ce site d’une superficie de plus de 5000 ha est confiée à 4 gardes. Nous sommes incapables de couvrir tout cet espace. Nous demandons à l’OBPE d’engager d’autres gardes». Parmi les autres défis auxquels ces derniers font face, Prospérine Rukundo cite un manque d’outils de travail (bottines, imperméables, uniformes de travail) et un manque d’outils de protection parce que, selon elle, on ne peut pas courir derrière un malfaiteur qui a une machette ou un fusil alors qu’on a un simple bâton. Et d’ajouter « Ces malfaiteurs, des fois nous battent car ils sont plus nombreux que nous ». Ces gardes confirment qu’ils se retrouvent toujours dans les conflits avec les gens qui s’attribuent des terres à cultiver à l’intérieur du parc. Elle a poursuivi que les pêcheurs viennent la nuit pour pêcher les poissons parce que ces gardes forestiers ne travaillent pas pendant la nuit.
Soleil Ntihabose, une des cultivateurs qui disent détenir des terrains à cultiver dans ce parc expliqué que ce terrain elle exploite appartenait à ces parents depuis 2009. Pour elle, elle ne comprend pas pourquoi aujourd’hui, l’OBPE (Office burundais pour la protection de l’environnement) veut les expulser disant que ces terrains appartiennent au parc. « Je suis née et grandit ici et ces terrains appartenaient à nos parents. Pourquoi l’OBPE veut nous chasser dans nos terrains», conclut-elle. Cette population qui se sent lesée demande que les délimitations du parc soient déterminées. Pour éviter les plaintes, cette population suggère qu’elle soit présente lors de la mise en place des limites du parc.
Plus de 2000 ménages sont en conflit avec l’OBPE
L’administrateur de la commune Gihanga, Léopold Ndayisaba a confirmé que plus de 2000 ménages sont en conflit avec l’Office burundais de la protection de l’environnement. Comme il le précise, il y a beaucoup de terres appartenant à la population qui sont devenues les propriétés du parc. La population se lamente comme quoi le parc a touché ses intérêts. Donc cette population continue à cultiver dans les terres du parc. Les cultivateurs qui se réclament propriétaires des terre spoliés par l’OBPE ont porté plainte à la plus haute autorité et il y a même une commission qui a été mise en place récemment pour faire l’identification de ces personnes qui sont lésées pour chercher des solutions.
L’administrateur de Gihanga nie qu’une autorité peut s’arroger le droit de dégrader, de menacer le parcs’il y a celle qui le fait, le fait en sa propre personne parce que nul n’est au dessus de la loi.
Des avantages économiques et non économiques
Ir Innocent Banigwaninzigo, chercheur environnementaliste et président de l’association « Twese hamwe dukingire ibidukikije » «Ensemble pour la protection de l’environnement » a fait savoir que le parc national de la Rusizi est trop dégradé par les activités anthropiques notamment des activités agricoles, les activités d’exploitations en ce qui est du cimetière de Mpanda, le braconnage, les feux de brousse, etc. Toutes ces activités sont interdites par le décret de 2011 qui a mis en place ce parc.
M.Banigwaninzigo a précisé que ce parc présente des nombreux avantages pour le pays. Il donne l’exemple des chercheurs en provenance des universités internationales qui viennent faire des recherches sur les espèces de ce parc, ils passent des jours au pays et font entrer les devises dans le trésor public. Et ils vont acheter les articles vendus aux alentours du parc, donc ces vendeurs en profitent aussi.
Un autre avantage cité par cet environnementaliste est que ça fait un honneur pour le pays d’avoir un patrimoine inscrit sur la liste des patrimoines mondiaux. Un autre avantage non économique est que le parc abrite certaines espaces végétales et animales du jamais vu sur d’autres sites.
Des solutions à envisager
D’après Banigwaninzigo, l’Etat devrait délocaliser le cimetière de Mpanda vers un autre endroit qui n’est pas dans ce parc pour protéger les espèces végétales et animales qui abritent cet endroit. Il ajoute que l’OBPE et l’administration locale devraient travailler en synergie afin de suspendre toutes les activités anthropiques qui menacent les écosystèmes qui se trouvent dans ce parc. Selon lui, c’est le ministère ayant en charge l’environnement qui devrait réagir et demande secours au ministère de la Défense pour protéger ce parc qui est une richesse pour le pays. En travaillant en synergie, il espère qu’on peut inverser la tendance avant qu’il ne soit pas tard.
L’environnementaliste Banigwaninzigo suggère également une réunion afin de rappeler les administratifs l’importance de protéger ce parc.
Il est prévu, ce mardi 12 novembre 2024 à Gihanga, une réunion de toutes les parties prenantes dans ce conflit lié à la délimitation du parc.
Eliane Nduwimana