Séverin Nijimbere, docteur ingénieur, expert en gestion des sols et enseignant-chercheur à l’Université du Burundi, tire la sonnette d’alarme. Il dénonce une menace grandissante qui pèse sur les sols du pays, un patrimoine naturel vital pour l’avenir de ses habitants. Selon l’expert, la dégradation est un phénomène complexe et multifactoriel qui nécessite une action immédiate et concertée.

Séverin Nijimbere est clair : « Nos sols sont menacés. » Il insiste sur le fait que la dégradation du sol n’est pas un simple problème, mais un ensemble de phénomènes complexes qui se divisent en trois grandes catégories. Chacune d’elles a des conséquences spécifiques, souvent irréversibles. Le spécialiste souligne que les activités humaines sont les principaux coupables de cette situation alarmante.
L’érosion, une plaie qui s’étend
Severin Nijimbere évoque en premier lieu l’érosion. Il la définit comme le déplacement du sol par l’eau, le vent, la gravité ou les outils utilisés pour le travail du sol. Au Burundi, l’érosion hydrique est un problème majeur, exacerbé par des pratiques agricoles inadéquates. Le spécialiste pointe du doigt le labour sur les terres très pentues, les constructions anarchiques et le déboisement massif comme les principaux facteurs aggravants.
Il détaille les différents types d’érosion, allant de l’érosion en nappe, qui enlève une fine couche de sol, à l’érosion en ravin, beaucoup plus spectaculaire et dévastatrice.
Une dégradation invisible, mais dévastatrice
Le professeur Nijimbere poursuit son analyse en abordant la deuxième catégorie : la dégradation, stricto sensu. Il explique qu’« elle se produit quand le sol est dégradé sur place sans déplacement de matériau. ». Selon lui, cette forme de dégradation est tout aussi pernicieuse, car elle affecte les propriétés intrinsèques du sol.
M. Nijimbere liste plusieurs sous-types de cette dégradation : « il y a d’abord la dégradation physique, qui se traduit par une diminution de l’épaisseur de la couche humifère, le compactage et l’aridification. Vient ensuite la dégradation chimique qui affecte aussi les sols arables, qui comprend l’acidification, la salinisation, mais aussi le déficit ou l’excédent en éléments nutritifs. Enfin, la dégradation biologique, qui se caractérise par la réduction du contenu du sol en matière organique et de la biodiversité de la macrofaune».
Le fardeau des activités humaines
La troisième et dernière catégorie, qualifiée de dégradations diverses, est directement liée aux activités humaines. «Elle regroupe des états de dégradation résultant des seules activités humaines, avec ou sans déplacement de matériel» insiste M. Nijimbere. Cette catégorie comprend des problèmes majeurs tels que l’urbanisation et les constructions anarchiques qui imperméabilisent les sols. Il évoque aussi l’exploitation minière à ciel ouvert et la pollution par des produits radioactifs.
En conclusion, Séverin Nijimbere rappelle que la lutte contre la dégradation des sols est un défi complexe et essentiel. «Il est urgent d’agir pour préserver cette ressource indispensable à notre sécurité alimentaire et à notre environnement» a-t-il affirmé, lançant un appel à la mobilisation générale pour la protection de ce bien commun.
Pour une gestion durable des sols tropicaux des collines, particulièrement du Burundi, M. Nijimbere conseille aux exploitants agricoles, d’agir simultanément sur plusieurs axes à savoir, la lutte contre l’érosion, la correction de l’acidité du sol, l’enrichissement du sol en matières organiques, la fertilisation minérale ou organo-minérale pour redresser les teneurs en nutriments et l’agroforesterie pour garder les équilibres écologiques.
Jean Marie Ndayisenga