Horrible montagnes de déchets, une menace à l’eau du lac Tanganyika
L’administration à la base demande que ce dépotoir soit clôturé en attendant qu’il soit délocalisé vers la zone Muzinda dans la commune Rugazi en province de Bubanza comme c’est prévu. C’est dans le but de protéger la population de cette localité contre des maladies liées à l’insalubrité et préserver la biodiversité.
Ce sont des odeurs nauséabondes qui accueillent les passants et des essaims de mouches qui grouillent partout. dans le dépôt d’ordures situé dans la zone de Buterere en mairie de Bujumbura.
A cette décharge publique, il y a des déchets de toute sorte, des déchets organiques et non organiques. Les camions qui collectent les déchets dans différents quartiers de la ville de Bujumbura arrivent un à un. Les ouvriers ont hâte de les décharger. Malheureusement, ils n’ont aucun kit de protection bien qu’ils travaillent dans des saletés qui dégagent des odeurs nauséabondes. De l’autre côté, des hommes, femmes et enfants sont en train de fouiller dans les ordures dans l’espoir d’y trouver quelque chose à manger ou à vendre.

Un gagne-pain pour les uns
« Ici je ramasse des plastiques, du charbon, de la nourriture, des bouteilles en plastique, des objets métalliques, tout ce qui peut être vendu. Je vis, je nourris et je paie du minerval de mes enfants grâce à cet endroit », a fait savoir Aline Ngendakumana habitant de la cellule Mugaruro, une femme qui était en train de ramasser des objets dans ce dépotoir. Pour elle, cet endroit n’est pas un dépotoir, c’est chez Sion. « Je considère cet endroit comme chez Sion. Quand on ramasse un petit seau rempli de charbon, on le vend pour 2 500 FBu. On peut même ramasser de la nourriture comme la patate douce, pomme de terre, de l’huile et on le fait cuire pour nos enfants. C’est notre gagne-pain», insiste-elle.
Demandant à cette femme si elle n’a pas d’inquiétude pour sa santé qui peut être menacée suite à ces odeurs que dégagent ces déchets, elle dit que rien ne lui arrivera: « Cela fait 13 ans que je ramasse des objets dans ce dépotoir. Je ne suis jamais tombée malade, ni moi ni ma famille. Moi, mon mari et mes enfants vivons grâce à ce dépotoir», dit-elle.
L’administration plaide pour la clôture du dépotoir
Le chef de zone Buterere, Serges Hategekimana a informé que les camionnettes qui viennent jeter des déchets à ce dépotoir détruisent les routes de communication. Il a salué quand même les travaux de canalisation qui sont en train d’être effectués par l’Obuha (Office burundaise de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction) afin de protéger ces routes. Il a signalé aussi que les immondices ne peuvent pas cohabiter avec la population d’où déménager ce dépotoir serait important pour leur bien-être.
Cet administratif demande que ce dépotoir soit clôturé en attendant sa délocalisation car il met en danger la santé de la population de Buterere : « Dans la zone de Buterere s’observent souvent les épidémies comme le choléra, la dysenterie, le Mpox et d’autres maladies liées aux mains sales. Tant que ces hommes, femmes et enfants y entrent et sortent comme ils veulent, la santé de la population de Buterere est menacée », a-t-il souligné.
M. Hategekimana a fait savoir que l’association dénommée Youth Boom a essayé de rassembler les femmes qui ramassent des immondices à ce dépotoir afin de leur apprendre différents métiers notamment tresser, coiffer les dames. Malheureusement, seule 40% ont accepté d’y aller mais les autres que le chef de zone qualifie de paresseux ont préféré continuer cette vie de fouiller les déchets.

Que dit l’expert
Dr Jean Nsabimana, professeur à l’Université du Burundi et expert en risques hydro-géologues a indiqué que même s’il y a la population qui vit aux dépens de ce dépotoir, celui-ci cause un grand problème à la santé publique notamment les problèmes de respiration dus aux gaz dégagés mais également aux feux brulés tout au long de la journée.
Au niveau du dépotoir même, a-t-il expliqué, il y a des matières organiques et quand ils sont pourris dégagent des déchets, par les écoulements qui sont canalisés directement au niveau du lac Tanganyika. Cela constitue un impact au niveau de la biodiversité notamment des plantes aquatiques qui naissent et qui deviennent un souci au niveau du lac mais également les argues. Et quand ces plantes pourrissent, ils consomment l’oxygène de l‘eau et ça peut causer un impact négatif à la biodiversité du lac Tanganyika notamment aux poissons qui vivent dans l’eau polluée. Et on sait que la ville de Bujumbura est alimentée par le lac Tanganyika à plus de 90% de l’eau utilisée, donc ça deviendrait un problème au niveau de la santé publique à Bujumbura.
Des solutions à envisager
On voit qu’il y a des maisons aux alentours et les habitants ressentent beaucoup de problèmes par rapport à ceux vivant un peu loin.
Selon Dr Nsabimana, on devrait interdire les constructions tout près du dépotoir. On peut également prendre des mesures comme c’est prévu de déménager ce dépotoir vers Bubanza, ce qui serait un avantage pour la population de Buterere mais également pour celle de la ville de Bujumbura en général. Mais il faut également penser à sélectionner les matières organiques à part, les plastiques mais également les matières métalliques.

On lance un cri d’alarme au gouvernement pour qu’on mette en avant une sélection. Mettre les matières organiques à coté, ça pourrait aider. A partir de ces derniers, on peut fabriquer des engrais organiques pour la fertilisation des champs.
Pour les déchets plastiques, on a déjà vu que la ville de Bujumbura, le Burundi en général commence à avoir des industries qui s’intéressent au recyclage de ces déchets plastiques. Le pays va gagner non seulement en devises en arrêtant d’amener les matières premières à l’étranger, mais aussi on va utiliser les matières premières recyclées sur place.
Concernant les déchets en verre, la Brarudi et d’autres industries devraient envisager la sélection pour conserver les bouteilles en verre. Ces dernières qui sont déjà cassées, on doit les mettre ensemble pour le recyclage. Ça serait un atout pour le pays. On gagnerait beaucoup plus.
Des déchets, une opportunité pour les uns
Le directeur de l’environnement, eau et assainissement, Christian Nimubona a indiqué que les déchets en pastiques ne sont plus un problème mais une opportunité pour ceux qui ont déjà compris. C’est pour cela qu’il encourage les sociétés qui ont déjà commencé à s’impliquer dans la bonne gestion de ces déchets. Cette autorité plaide pour la sélection de ces déchets.
Pour les déchets en plastiques, M. Nimubona a affirmé que les sociétés qui collectent ces plastiques collaborent avec le ministère de l’environnement afin de les aider à trouver des contrats de travail. Et ledit ministère fait en sorte que ces sociétés exercent leur travail en respectant les lois et en protégeant l’environnement.
Christian Nimubona a souligné que la ville de Bujumbura doit être propre avec zéro déchet: « On veut que la ville de Bujumbura soit une ville qui attire les touristes et fait entrer les devises. On a une bonne santé quand on vit dans un endroit propre. Les plastiques polluent l’environnement et cette pollution engendre les effets du changement climatique. Rendre propre la ville, aidera à la bonne santé de la population de la ville et au développement du pays», a-t-il martelé.
Eliane Nduwimana