La Commission vérité et réconciliation (CVR) a animé, le jeudi 25 avril 2024 à Bujumbura, une conférence publique autour du thème : « Mois d’avril au Burundi: la vérité au service de la réconciliation ». Les Burundais devraient tirer des leçons dans l’histoire sombre qu’a connue le pays.
« Nous sommes au mois d’avril, une période au cours de laquelle les opinions sont Régulièrement agitées depuis les années 1972-1973. Sous la première et la deuxième république, il était dangereux même de prononcer le chiffre 72. Certains Burundais traumatisés préféraient à la place l’inverser en disant 27 », a laissé entendre Pierre Claver Ndayicariye, président de la CVR à l’entame de la conférence publique dont l’objectif était d’éclairer les Burundais et à les aider à sortir de la peur, de la torpeur et de l’angoisse laissée pendant longtemps par la date du 29 avril 1972.
Dans ses explications, le président de la CVR a fait savoir qu’autour de la date du 29 avril, de nombreux citoyens étaient atteints de peur, dans certaines écoles à régime d’internat, les élèves étaient interdits de sortie. « Dans certaines localités du pays, certaines personnes se rasaient la tête en signe de deuil ou allaient faire clandestinement des ablutions dans les rivières pour une « levée de deuil » symbolique », a-t-il poursuivi, avant de mentionner qu’il y avait même des Burundais qui fuyaient vers les pays voisins dans la crainte d’une éventuelle attaque. Selon les témoignages collectés, a-t-il dit, ce phénomène s’est passé en particulier dans le Sud du pays.
« La Commission vérité et réconciliation a senti l’obligation et la nécessité de s’exprimer aujourd’hui pour éclairer l’opinion sur la vérité qu’elle a trouvée à propos de ces faits observés à l’approche de cette date du 29 avril », a ajouté M. Ndayicariye.
Le recensement réalisé permet de mettre le nom sur la victime et sur l’auteur
Le patron de la CVR a précisé que cette commission a déjà amorcé une autre étape. Il s’agit d’un recensement qui a été planifié et réalisé dans les trois provinces de Cankuzo, Bururi et Rumonge en vue de connaître autant que possible lespersonnes assassinées, les disparues, les personnes qui ont déjà accordé le pardon et les personnes qui ont sauvé d’autres, etc.
Comme résultats du recensement, dans la province de Cankuzo, 262 personnes assassinées et disparues ont été recensées dont 238 Hutus, 22 Tutsis et 1 de l’ethnie Twa. A Bururi, parmi 4 014 cas recensés, il y a 3 787 Hutus, 242 Tutsis, 9 Twas et une personne dont l’éthnie n’a pas été identifiée. Les cas de tuerie ou disparition identifiés dans la province de Rumonge s’élèvent à 2 339 dont 2 134 Hutus, 186 Tutsis, 14 Twas et 5 dont l’identité ethnique n’a pas été révélée. L’avantage de ce recensement, d’après M. Ndayicariye, est qu’il met le nom sur les victimes et sur les auteurs des crimes.
« Le mensonge et la solidarité ethnique négative ont tué des milliers des citoyens innocents »
« La vérité déjà trouvée par la commission doit être comprise et acceptée comme une vérité au service de la vie, de la réconciliation et de la paix. La méconaissance de la vérité plonge les Burundais dans la globalisation, la confusion et la peur panique permanente », a-t-il renchéri, en interpellant les Burundais à ne plus avoir peur de la vérité, mais plutôt à avoir peur du mensonge. Car, « le mensonge et la solidarité ethnique négative ont tué des milliers des citoyens innocents dans notre pays ».
Les participants ont eu l’occasion de poser des questions, mais aussi de donner des contributions. Il a été signalé que les moments tragiques auxquels le Burundi a traversé ont été causés par une mauvaise gouvernance, un groupe de gens qui cherchaient à satisfaire leurs propres intérêts. Pour ce faire, les Burundais d’aujourd’hui et surtout les leaders devraient tirer des leçons dans l’histoire du passé, en privilégiant tout ce qui peut renforcer la cohésion sociale et protéger le peuple burundais.
Claude Hakizimana