
Président burundais, Evariste Ndayishimiye, devant la tribune de l’Assemblée générale de Nations unies (Photo site de Présidence)
A l’occasion du la 78e session générale des Nations unies, le président de la république du Burundi, Evariste Ndayishimiye a prononcé un discours. Il a bien accueilli la décision de l’Assemblée Générale de créer un Bureau des Nations unies pour la jeunesse et a félicité le Secrétaire général Antonio Guterres qui a proposé cette idée phare dans le cadre de son rapport sur le Programme commun. Suivez l’intégralité du discours.
Nous rendons d’abord grâce à Dieu le Tout Puissant pour avoir guidé nos pas et permis qu’on se retrouve dans cette belle ville cosmopolite de NewYork. Excellence Monsieur Dennis Francis, Président de la 78e session de l’Assemblée Générale des Nations unies ;
Excellences Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement;
Monsieur le Secrétaire Général des Nations unies ;
Distingués Délégués ;
Mesdames et Messieurs, tout protocole observé !
Permettez-moi d’exprimer mes sincères remerciements à l’endroit du pays hôte les Etats Unis d’Amérique et de son peuple, en particulier les autorités et la population de l’Etat de New-York, pour l’accueil très chaleureux et l’hospitalité légendaire réservés à ma propre personne et à la délégation qui m’accompagne.
De prime abord, je voudrais réitérer mes condoléances les plus attristées aux peuples marocain et libyen, qui sont aujourd’hui endeuillés par des catastrophes naturelles dont les dégâts humains et matériels sont innombrables. Que Dieu réconforte les familles durement éprouvées.
Qu’il me soit permis d’adresser mes chaleureuses félicitations à Son Excellence Monsieur Dennis Francis, pour sa brillante élection à la présidence de la 78e session de l’Assemblée Générale des Nations unies.
Monsieur le Président, le Burundi vous assure de sa pleine coopération et vous adresse ses meilleurs vœux de succès dans l’exercice de votre mandat. Il me plaît également de rendre un hommage mérité à Monsieur Csaba KOROSI, votre prédécesseur, pour son travail remarquable au cours de son mandat.
Monsieur le Président,
Excellences, Mesdames et Messieurs,
L’heure est venue de reconstituer un monde paisible et favorable au progrès. Nous devons cultiver la confiance, la compréhension mutuelle et la solidarité. C’est pour cela que nous saluons le thème qui nous anime aujourd’hui, « Reconstruire la confiance et raviver la solidarité mondiale : Accélérer l’Agenda 2030 et ses objectifs de développement durable vers la paix, la prospérité, le progrès et la durabilité pour tous ».
Excellences Mesdames Messieurs;
Alors que nous nous rassemblons chaque année en pareille instance et même dans d’autres circonstances aussi importantes les unes que les autres, le monde continue à être confronté à de graves menaces existentielles devenant ainsi malheureusement de plus en plus instable et vulnérable. Alors que la confiance et la solidarité sont des valeurs qui devraient caractériser les relations entre nos Etats, elles sont fragilisées car nous les avons domestiqués et recréés à notre image selon nos intérêts. Nous devons les libérer pour qu’elles soient des valeurs partagées.
Elles doivent retrouver leur sens originel perdu de manière fracassante d’abord avec la colonisation et l’expansion des autres idéologies égoïstes qui veulent que les pays moins développés soient enfoncés davantage au profit des pays riches. En réalité, la colonisation a raté son tournant car elle aurait pu créer une solidarité par la rencontre des cultures et des savoir-faire et par un partenariat mutuellement bénéfique à la place d’un partenariat de dépendance.
La confiance et la solidarité ont ensuite perdu leur sens premier avec les effets du néocolonialisme caractérisés par l’ingérence multiforme dans les affaires intérieures des Etats en développement, par l’injuste rémunération des matières premières et par les fortes exigences imposées par les institutions de Bretton Woods. De l’aide au développement, ainsi appelée il y a quelques années, au partenariat pour le développement aujourd’hui en usage, les termes prolifèrent mais semblent être tous autant imprégnés de mauvaise foi.
Effectivement, les termes prolifèrent pour voiler cette hypocrisie alors que les ressources mises en action pour espérer des rendements économiques susceptibles d’assurer la relance, elles, régressent. Il est important aujourd’hui, Monsieur le Président, de transcender les besoins et les intérêts des Etats qui sont souvent divergents, voire difficilement conciliables.
La solidarité internationale doit veiller à ce que tous les pays puissent interagir entre eux sur un même pied d’égalité. La solidarité internationale que nous souhaitons ne cherche pas à homogénéiser mais plutôt à être une passerelle entre les différences et même les divergences, reliant les uns aux autres par des relations mutuellement respectueuses et bénéfiques.
Excellences, Mesdames, Messieurs,
La confiance et la solidarité devraient être le socle sur lequel s’épanouissent les relations internationales exemptes d’inégalités et de conflits. C’est par ailleurs à cette fin qu’au Burundi nous nous attelons, d’abord au niveau national, à cultiver et à renforcer cet idéal au sein de notre peuple. Ainsi, après des années d’instabilité, le processus de vérité et de réconciliation entamé au Burundi porte aujourd’hui des fruits remarquables car les Burundais sont désormais animés d’un même idéal dans la poursuite des objectifs de développement durable.
C’est à ce titre que nous appelons les pays amis et partenaires à accompagner l’action du Gouvernement burundais et nous encourageons vivement les investissements étrangers. Cependant, le triste constat est que l’aide publique au développement qui devrait appuyer les efforts du gouvernement à la recherche du bien-être des citoyens, s’est peu à peu effondrée au profit des financements destinés aux acteurs non étatiques servant les intérêts géopolitiques et économiques inavoués de certains Etats « bailleurs».
La solidarité internationale devrait dans l’évidence inciter les pays développés à contribuer concrètement aux efforts de développement socio-économique des pays les moins avancés. La morale d’un dicton kirundi, «ntawutungira mu boro», qui signifie que « la prospérité n’est durable que si elle est partagée »; nous rappelle qu’investir pour la prospérité de son prochain c’est garantir véritablement la sécurité et la durabilité du progrès de soi.
Cela souligne, Monsieur le Président, l’urgence de repenser et de renforcer le partenariat mondial qui passe, à notre avis, par l’allègement de la dette, l’augmentation substantielle des ressources consacrées à la lutte contre la pauvreté, le renforcement de la coopération sud-sud, le partage des technologies et de l’innovation ainsi que l’élargissement des accords commerciaux.
Excellences, Mesdames, Messieurs,
Malgré tous ces défis, le Burundi reste déterminé et nous sommes confiants que cette Assemblée générale contribuera à restaurer la confiance envers mon pays et impulsera un renouveau en ce qui concerne la solidarité internationale. Le gouvernement et le peuple burundais ont une réelle et ferme détermination à optimiser les dividendes de la paix et de la réconciliation si chèrement acquises. Pour cela, notre cheval de bataille est la promotion de la bonne gouvernance et la lutte contre toute forme d’injustice.
En effet, nous nous sommes engagés dans un combat sans relâche pour la bonne gestion de la chose publique et grâce à cette lutte acharnée, le Burundi a fait des progrès significatifs en matière de démocratie, de bonne gouvernance et d’amélioration du climat des affaires ; devenant ainsi un lieu sûr pour les opportunités d’investissement et d’activités économiques diverses. En plus de cela, des efforts considérables sont consentis dans les secteurs de production qui sont créateurs d’emplois de masse et porteurs de croissance.
Dans ce cadre, mon gouvernement s’efforce de valoriser particulièrement le secteur agricole qui mobilise une grande partie de la population burundaise. C’est pour cela que nous avons pris la décision de financer le secteur agricole par le biais du Programme national de subvention agricole qui subventionne les fertilisants, les semences sélectionnées et les produits phytosanitaires.
Notre action porte également sur le développement de la recherche dans le secteur agricole, la mécanisation et l’utilisation des technologies avancées pour la transformation agroalimentaire ainsi que les infrastructures rurales. Pour ce faire, un Pacte national pour l’agriculture a été élaboré et vise la mise en place de deux agropoles autour de quatre filières rentables dans une courte période ainsi qu’une Zone spéciale industrielle agricole.
Nous voulons impliquer sur ce front les opérateurs économiques burundais et les investisseurs étrangers. Dans ce cadre et pour mettre en œuvre ce plan, les réglementations appropriées du nouveau Code des investissements sont aujourd’hui très attrayantes. Compte tenu de son climat favorable à l’agriculture toute l’année, l’abondance de la main d’œuvre et la fertilité exceptionnelle de son sol, le Burundi est la meilleure destination pour quiconque souhaite investir dans le secteur agricole.
Excellences, Mesdames, Messieurs;
Dans d’autres secteurs, mon Gouvernement vient de mettre à jour le Code Minier afin de créer un environnement favorable aux investisseurs dans ce secteur dont le potentiel abondant en minerais demeure sous-exploité. L’ambition de mon gouvernement est de relever notre économie en exploitant les ressources naturelles pour faire du Burundi un pays émergent en 2040 et un pays développé en 2060. Pour gagner notre pari, nous mettons en avant-garde les jeunes et les femmes qui sont de réels acteurs du développement socio-économique à travers la promotion de l’entrepreneuriat, l’innovation et l’esprit de créativité.
En effet, nous misons surtout sur la jeunesse car il n’existe pas d’arme plus efficace que la jeunesse dans la lutte contre la pauvreté et dans la prévention des conflits. En tant que Champion de l’Union africaine pour l’Agenda jeunesse, paix et sécurité, je saisis cette occasion pour plaider pour une meilleure inclusion et une participation effective des jeunes dans les programmes de développement de nos Etats respectifs. A cet égard, j’ai bien accueilli la décision de l’Assemblée générale de créer un Bureau des Nations unies pour la jeunesse et je félicite le Secrétaire général Antonio Guterres qui a proposé cette idée phare dans le cadre de son rapport sur le Programme commun.
C’est de cette manière que la confiance intergénérationnelle et la solidarité pourront réellement être sources de paix et de sécurité pour le développement durable. Partisan de la non-discrimination des jeunes et des femmes, le Gouvernement burundais a fait le choix de mettre à profit leurs nombreux talents et connaissances et de promouvoir leur autonomisation économique.
Ainsi, dans la volonté d’accélérer la mise en œuvre de l’Agenda 2030, la gratuité scolaire au Burundi depuis 2005 a permis à la fille burundaise d’avoir droit à une éducation de qualité et à se préparer ainsi à la participation active dans la vie nationale. Depuis deux décennies, le Burundi a amélioré les rapports homme-femme dans l’arène politique en fixant à au moins 30% la représentation de la femme à l’Assemblée nationale et au Sénat. Ce taux avoisine aujourd’hui 50% au Parlement, au gouvernement et dans les postes de responsabilité.
Désireux de ne laisser personne derrière dans son élan de développement socio-économique, le gouvernement du Burundi ne ménage aucun effort pour promouvoir l’émancipation et l’autonomisation de tous les groupes spécifiques de sa population. Dans cette optique, la communauté des Batwa, longtemps victimes de la discrimination bénéficie aujourd’hui d’une politique de discrimination positive dans les systèmes éducatifs et de santé et d’habitat. La gratuité des soins de santé pour les enfants et les femmes enceintes a également contribué à l’amélioration des conditions de vie des femmes en général et des familles batwa en particulier.
Monsieur le Président,
Excellences, Mesdames et
Messieurs,
J’ai pris mon temps pour vous relater la situation de mon pays pour vous montrer que le Burundi est bien remis sur les rails, ce qui lui vaut sa place dans le concert des Nations. C’est un pays qui vient de surmonter les situations difficiles de son histoire mais qui dispose de tous les atouts pour aller très loin dans le développement. En réalité, si aujourd’hui le Burundi est une charge pour des partenaires au développement, demain la situation pourra changer si on parvient à obtenir un capital de démarrage conséquent pour sortir définitivement de la catégorie des pays moins avancés.
Monsieur le Président ;
Excellences, Mesdames, Messieurs,
Nous voulons un monde meilleur mais celui-ci se heurte à une multitude de conflits auxquels nous devons opposer collectivement unité et fraternité. Des pays en difficulté ont besoin de nous tous. C’est donc dans un esprit de solidarité qu’au sein de la Communauté est-africaine que je préside, nous avons initié une série d’actions en vue du retour à la paix et à la sécurité dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC).
Le Burundi participe également aux opérations de maintien de la paix et de la lutte contre le terrorisme en République Centrafricaine (RCA) et en Somalie, ce qui témoigne de la volonté du peuple burundais à contribuer dans l’avènement d’un monde meilleur et plus solidaire. Ainsi, en réitérant mon appel à la solidarité internationale pour la pacification de l’Est de la RDC, le Burundi réaffirme son soutien indéfectible aux processus de paix de Luanda et de Nairobi ainsi qu’à l’Accord-cadre pour la Paix, la sécurité et la coopération pour la République Démocratique du Congo et la Région dont le Mécanisme régional de suivi est présidé par le Burundi.
A ce sujet, si nous insistons sur la restauration de la confiance entre les Etats, nous devrions parvenir ensemble à condamner certains pêcheurs en eaux troubles qui attisent les conflits et se livrent à la déstabilisation d’autres Etats. Osons le dire, l’instabilité politico-sécuritaire des pays du Sud surtout en Afrique, vient de la volonté des puissances qui veulent guider les politiques intérieures des pays en développement.
L’Afrique, en particulier, étant devenue le terrain d’affrontements géopolitiques de grandes puissances, elle enregistre toujours des années de retard en termes de développement économique. Et, c’est ce déficit économique qui devient la cause des conflits internes qui enfoncent encore nos pays dans l’extrême pauvreté. En même temps que nous nous insurgeons contre les ingérences extérieures dans les affaires des Etats, nous condamnons aussi la résurgence des changements anticonstitutionnels de pouvoirs qui constituent un sérieux revers au niveau des acquis démocratiques enregistrés depuis plusieurs années en Afrique et dans le monde.
L’ordre constitutionnel et l’Etat de droit doivent primer avant tout. Mon pays réitère son ferme attachement au règlement pacifique des conflits par la voie du dialogue, de la coopération, de la concertation et de la négociation.
Monsieur le Président ;
Excellences, Mesdames et
Messieurs,
De façon générale, la paix, la sécurité et la stabilité dans le monde semblent céder le pas devant la guerre, le terrorisme et l’extrémisme violent, les crimes et les violences de toutes sortes. A ce sujet, au moment où la Mission de transition de l’Union Africaine en Somalie (ATMIS) se prépare à se retirer dans les prochains mois au terme de son mandat couronné de succès, je voudrais saluer le professionnalisme et le sacrifice des troupes engagées pour la paix en Somalie, dont le contingent burundais. Je saisis cette occasion aussi pour attirer l’attention de la communauté internationale sur les conséquences de la clôture hâtive de cette mission, ce qui risque de donner l’occasion aux groupes terroristes de se renforcer.
Monsieur le Président ; Excellences, Mesdames, Messieurs
Concernant la crise climatique, je salue les engagements déjà pris par les Etats, notamment à travers les différentes consultations internationales sur la question climatique pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et pour financer la protection de l’environnement, la résilience climatique et la transition verte des pays moins pollueurs. Nous souhaitons que ces engagements soient suivis par des actes concrets car l’échec de la mobilisation des 100 milliards de dollars par an depuis 2020 à travers l’accord de Paris, et annuellement jusqu’en 2025, met en danger les générations futures. Nous estimons que la COP28 qui se tiendra cette année à Dubaï, sera une excellente opportunité de transformer les promesses en réalités.
Sur l’intensification du phénomène migratoire, nous sommes tous conscients de son ampleur ainsi que des menaces de paix et de sécurité qui en résultent. En effet, ce mouvement qui inquiète les pays riches est la conséquence de la pauvreté car ces migrants en quête d’une vie meilleure quittent les zones démunies pour aller gagner la vie dans les zones plus nanties.
La réduction du phénomène migratoire passera nécessairement par l’adoption des mesures appropriées et concertées permettant aux jeunes d’améliorer leurs chances de trouver des opportunités de travail décent, d’emploi indépendant ou d’entrepreneuriat, notamment à travers la mise en place des programmes visant à atteindre les objectifs du développement durable à l’échelle nationale. Nous sommes interpeller à concentrer nos efforts pour un partenariat mondial qui vise la lutte contre la pauvreté sous toutes ses formes.Toutefois, dans l’attente d’une solution durable, les pays de transit et de destination devraient comprendre et réserver une assistance digne et humaine aux migrants et leur garantir la jouissance de leurs droits humains fondamentaux.
Le respect des droits de l’Homme est un sujet sur lequel nous consentons tous. Que ces droits soient universels et indivisibles pour tous ! Mon pays est toujours contre la discrimination, l’instrumentalisation des droits humains et leur traitement par deux poids et deux mesures.
Nous condamnons les Etats qui sous prétexte de protection des droits de l’Homme, en font un fonds pour s’ingérer dans les affaires intérieures des États. De même, nous sommes contre des résolutions politiquement motivées ciblant des Etats particuliers, ainsi que la mise en œuvre des mécanismes étouffant les Etats ciblés sans aucune forme de dialogue constructif.
Excellences, Monsieur le Président; Mesdames et Messieurs ;
Permettez-moi, avant de clore mon allocution, de réaffirmer notre attachement à la démocratisation du système multilatéral, y compris la réforme du Conseil de Sécurité des Nations unies ainsi que le système financier international pour les rendre plus représentatifs, justes et inclusifs et à même de s’attaquer plus efficacement aux défis émergents dans le monde. Le droit international reconnaît le principe de l’égalité souveraine de tous les Etats qui doivent en conséquence disposer des mêmes droits et des mêmes devoirs internationaux, y compris dans les secteurs sensibles de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Je remercie les Etats membres du Conseil de la Sécurité dont certains comprennent le souhait longtemps exprimé par l’Afrique.
Monsieur le Président,
Excellences Mesdames et
Messieurs;
En cette Journée internationale de la Paix, j’aimerais clore mon discours en rendant un vibrant hommage à nos vaillants soldats de la paix partout où ils se trouvent car ils défendent une cause universelle qui transcende toutes nos différences. Pour la paix, reconstruisons la confiance et ravivons la solidarité internationale.
Je vous remercie de votre aimable attention!
Source : www.presidence.gov.bi