Dans cette période pré-électorale (élections de 2025), la consolidation de la culture de la paix incombe à plus d’un, notamment la société civile qui doit servir de pont entre différents acteurs politiques et la population. Certains leaders de la société burundaise œuvrant dans le domaine de la préservation de la paix reconnaissent le rôle indispensable de ces organisations. Ils nous parlent de leur rôle, des atouts et comportements favorables pour le Burundi, des défis qui existent encore et en proposent certaines solutions et suggestions.
A la veille des élections, le rôle de la société civile dans la consolidation de la paix et le renforcement de la culture de la paix est très imposant. Selon Isaac Bakanibona, représentant légal de l’Acopa-Burundi (Association pour la consolidation de la paix au Burundi), la société civile est appelée à jouer le rôle de premier plan par la mise en œuvre des actions et programmes d’éducation civique pour prévenir les conflits qui peuvent surgir avant, pendant et après les élections. « Elle doit aussi encourager les initiatives locales de consolidation de la paix, en encourageant des processus de réconciliation, en préconisant l’adhésion aux accords de paix et en mettant en place des capacités d’éducation pour la paix ». Même son de cloche pour Fabien Bimenyimana, président de l’Action pour la paix et le développement communautaire (Aadeco). M. Bimenyimana qualifie d’indispensable la contribution de la société civile dans la consolidation de la culture de la paix. « Ces organisations sont composées de membres et ces derniers se trouvent dans les coins et recoins du pays. Elles [Organisations de la société civile, NDRL] se sont engagées à sauvegarder la culture de la paix et à asseoir le développement durable au Burundi ».
Sauvegarder la paix, un devoir pour la société civile
Bimenyimana dit que le renforcement et la sauvegarde de la culture de la paix est un devoir et un impératif, surtout dans cette période pré-électorale de 2025. « A la veille des élections, il y a des enseignements préparatifs destinés à la population. Nos sociétés éduquent la population à la tolérance et à la cohabitation pacifique entre toutes les couches politico-sociales ». Il trouve que la société civile doit fournir beaucoup d’efforts pour le bon déroulement des élections de 2025, surtout que ces dernières ont certaines particularités. « Il s’agit des premières élections législatives et communales qui se dérouleront différemment avec les présidentielles.
Il s’agit également des premières élections démocratiques qui seront organisées en se conformant aux nouvelles délimitations territoriales ». Pour toujours garantir la paix au Burundi, M. Bimenyimana trouve qu’il faut que les élections prochaines soient plus démocratiques et inclusives. Il encourage les femmes et filles à concourir et à occuper les instances de prise de décision. La société civile est invitée à toujours assurer l’équilibre et à montrer à la population le comportement à adopter avant, pendant et après les élections. Charles Ciza, président et représentant légal de l’Action Batwa pour le développement intégral et l’assistance aux vulnérables (ABDIAV), s’explique. « Durant la période pré-électorale par exemple, il faut que la société civile enseigne la population sur les bienfaits des élections démocratiques et la bonne gouvernance ». M. Bimenyimana rappelle aussi que si la société civile ne joue pas pleinement son rôle, le pays sombre dans des moments difficiles. Ici, il fait référence à la crise politico-sécuritaire de 2015.
La tolérance et la solidarité, entre autres facteurs favorables à la paix
Pour nos interlocuteurs, le faut que les Burundais acceptent de vivre ensemble malgré la diversité politique, ethnique, sociale ou culturelle constitue un atout. Ils affirment que la cohabitation pacifique est la base du développement pérenne et profitable à tout Burundais. Sans la cohabitation pacifique, renchérit M. Bimenyimana, la vision du Burundi pays émergent en 2040 et pays développé en 2060 n’est pas possible. « Pour réussir ce combat, il faut que les Burundais acceptent de vivre en parfaite harmonie et tournent le dos contre toutes sortes de divisions.
Quant au représentant légal de l’Acopa Burundi, il faut également qu’il y ait respect des droits de l’Homme, la promotion de la culture démocratique, la tolérance, la solidarité, la résolution pacifique des conflits ainsi que la non discrimination. Même son de cloche pour Charles Ciza qui demande également la promotion de la culture burundaise. « La lutte contre la discrimination est le rôle de tous et de chacun dans l’édification d’une société tournée vers un avenir radieux ».
Des obstacles ne manquent pas
Charles Ciza, représentant de l’ABDIAV, une organisation non gouvernementale regroupant les Batwa (un groupe minoritaire longtemps discriminé), dit que les obstacles persistent. Le premier obstacle pour les Batwa réside dans le caractère discriminatoire de certaines lois en vigueur au Burundi. « Certaines lois sont discriminatoires surtout contre les Batwa ». Ici, Charles Ciza fait référence aux quotas éthiques dans les instances de prise de décisions. « La loi burundaise reconnaît 60% pour les Hutu, 40% pour les Tutsi et 0% pour les Batwa ». Il demande au moins 10% destiné aux Batwa. Il invite les responsables des partis politiques de revoir les textes réglementaires de leurs partis afin de réserver la place aux Batwa. « Les Batwa ne voient clairement pas leur rôle dans les élections. Ils adhèrent au sein des partis politiques et militent. Après les élections, ils sont jetés comme des torchons. Des exemples ne manquent pas. Sur tout le territoire burundais, aucun chef de zone, ni administrateur communal ou gouverneur de province choisi parmi les Batwa ».
Bakanibona trouve que les obstacles à la paix et de la réussite de la vision du pays émergent en 2040 et pays développé en 2060 sont presque les mêmes car, affirme-t-il, il n’y a de paix sans pains. « Pas de paix sans développement et vice-versa. Ces obstacles sont notamment les conflits électoraux, le manque de la culture démocratique chez certains leaders des partis politiques, la manipulation politicienne, la corruption et le non engagement effectif de la population en général pour la promotion de la paix et d’un développement durable », détaille M. Bakanibona. Pour réussir la vision Burundi, pays émergent en 2040 et développé en 2060, l’organisation des autochtones émet certaines recommandations. « Il faut qu’il y ait un plan stratégique qui détaille le plan du développement des Batwa. C’est ce plan qui permettra à cette catégorie de la population, d’avoir des références sur lesquelles elles doit commencer ». La dévaluation de la monnaie burundaise et la pauvreté des ménages sont aussi de véritables obstacles, selon le président de l’Apadeco. M. Bimenyimana remarque également que des Burundais qui vivent toujours en exil après avoir fui différentes crises qu’a connues le pays, constituent un autre défi. L’autre problème est lié aux déroulements des élections.
Il sied de signaler également que, selon M. Bakanibona, les changements climatiques, la prolifération des armes légères à petit calibre et les conflits armés dans la sous-région peuvent aussi être des obstacles.
Que faut-il encore pour que la culture de la paix se consolide davantage ?
Pour que la culture de la paix se consolide davantage, l’Acopa Burundi donne également certaines solutions. « Il faut favoriser le dialogue, la réconciliation nationale, la réforme de certaines institutions publiques et politiques, la lutte contre l’impunité et la corruption ainsi que le renforcement de la culture démocratique pour favoriser un développement durable ».
Pour garantir la culture de la paix, le président de l’Apadeco conseille aux Burundais à former des partis politiques solides et inclusifs. Il plaide pour s’abstenir à toute sorte de violences et à privilégier l’usage du langage unificateur.
Moïse Nkurunziza
Qu’est-ce que la culture de la paix et ses huit piliers selon l’Onu
Selon l’Organisation des Nations Unies (Onu), la culture de la paix peut être définie comme l’ensemble des valeurs, des attitudes, des traditions, des comportements et des modes de vie, fondés sur huit piliers à savoir:
- a) Le respect de la vie, le rejet de la violence, la promotion et la pratique de la non-violence par l’éducation, le dialogue et la coopération ;
- b) Le respect des principes de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique des États et de la non-intervention dans les questions qui relèvent essentiellement de la juridiction nationale de tout État quel qu’il soit, conformément à la Charte des Nations Unies et au droit international ;
- c) Le respect de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales et leur promotion ;
- d) L’engagement de régler pacifiquement les conflits ;
- e) Les efforts déployés pour répondre aux besoins des générations actuelles et futures, en matière de développement et d’environnement ;
- f) Le respect et la promotion du droit au développement ;
- g) Le respect et la promotion de l’égalité des droits et des chances pour les femmes et les hommes ;
- h) Le respect et la promotion du droit de chacun à la liberté d’expression, d’opinion et d’information ;
- i) L’adhésion aux principes de liberté, de justice, de démocratie, de tolérance, de solidarité, de coopération, du pluralisme, de la diversité culturelle, du dialogue et de la compréhension à tous les niveaux de la société et entre les nations; et encouragés par un environnement national et international favorisant la paix.
Source : Onu, « Déclaration et Programme d’action sur une culture de la paix », résolution 53/243, p. 2, Assemblée Générale, 93è session, 1999.