Les (VBG) violences basées sur le genre se font parler d’elles au Burundi depuis longtemps. Elles sont restées et restent une réalité et une préoccupation au sein de la société burundaise. Afin de comprendre les formes et tous les contours des violences sexuelles et basées sur le genre, nous nous sommes entretenus avec le conseiller conjugal et sexuel, Beny Ndayishimiye. Il nous a indiqué que, pour mettre fin à ces violences, différentes institutions doivent conjuguer leurs efforts.
D’après M. Ndayishimiye, les violences basées sur le genre sont définies comme étant tout acte fait envers une femme ou un homme sans son consentement. Pour bien comprendre ces violences, M. Ndayishimiye énumère et explique les violences les plus fréquentes au Burundi et leurs dimensions. Il s’agit des violences psycho émotionnelles, physiques, sexuelles, économiques, etc. Selon lui, les victimes peuvent être des femmes ou des hommes.
Pour ce qui est des violences psycho-émotionnelles, il indique que c’est une violence faite à travers des injures, des propos humiliants, dénigrants, méprisants, dévalorisants. Ces violences touchent le cœur et le cerveau de la victime. Quand quelqu’un est toujours injurié par son conjoint qu’il est invalide, qu’il ne vaut rien, qu’il est capable de rien, etc, c’est une violence psycho émotionnelle. C’est-à-dire que sa valeur ou sa dignité est touchée et violée.
Selon notre interlocuteur, un autre cas de violation psycho-émotionnelle s’observe quand quelqu’un pose un acte ou réalise une activité pour l’intérêt du foyer et que son conjoint la rend toujours nulle, sans même un minimum de remerciement ou d’encouragement. « C’est-à-dire que toute sa force, sa peine, tout son effort est violé ».
Quand aux violences physiques, c’est quand un homme ou une femme est battue. « Les violences physiques ne se limitent pas seulement sur les gifles, aux coups et blessures, elles sont aussi basées sur le fait que quelqu’un est forcé de faire beaucoup de travaux supérieurs à sa force. Il donne un exemple d’un homme qui chasse tous les domestiques pour que sa femme exécute tous les travaux ménagers seule ou un homme qui force son épouse d’exécuter des travaux qui demandent beaucoup de force, alors qu’elle est enceinte.
Parlant des violences sexuelles, M. Ndayishimiye souligne qu’elles sont de plusieurs dimensions. Mais, ajoute-t-il, la plus fréquente au Burundi est celle liée à forcer son conjoint à faire les actes sexuels sans son consentement. « On appelle ça des actes sexuels violents parce qu’ils ne sont pas faits dans un esprit de consentement. Il s’agit tout simplement d’un viol sexuel ».
Concernant les violences économiques, notre interlocuteur souligne qu’elles sont beaucoup plus basées sur le fait qu’un des conjoints utilise ses avoirs et les avoirs de son conjoint, du moins les richesses de la famille, dans des activités qui ne s’inscrivent pas dans l’intérêt ou dans le développement du foyer, sans lui en avoir parlé ou informé. Les violences économiques se remarquent aussi quand le mari empêche son épouse à aller travailler alors qu’elle a son diplôme, toutes les compétences et les capacités de travailler. « Quand un homme exige sa femme de rester à la maison pour faire uniquement des enfants, préparer la nourriture, faire la propreté de la maison, etc, c’est aussi une forme de violence économique ».
Un faux repère conjugal, une des causes
D’après M. Ndayishimiye, les causes de violences sont de différentes dimensions. Il y a les causes d’ordre psychologique qui découlent du fait que l’auteur a été blaisé au niveau psycho émotionnel ; par exemple quelqu’un qui n’a pas été aimé par la société, ses voisins, ses parents, etc.
Avoir un faux repère conjugal est aussi une des causes des violences, comme le souligne M. Ndayishimiye. Les parents sont le repère de leurs enfants au niveau conjugal. Ils sont un miroir des valeurs conjugales pour leurs enfants. « C’est-à-dire, par exemple, que quand un enfant voit son papa battre sa maman tous les jours, il croit que c’est comme ça que doivent vivre les couples. Il prend cela comme un idéal conjugal, et à son tour, il fera de même envers sa femme. Cela montre que son esprit a gravé une fausse information à partir de celui qui avait la responsabilité de lui être un bon repère d’ordre conjugal ».
Selon notre interlocuteur, l’auteur lui-même des VBG peut avoir été fréquemment battu au cours de son enfance. Cela engendre le fait de projection. « C’est-à-dire qu’un homme peut battre sa femme pensant qu’il est en train de se venger contre sa maman ou son papa qui lui a fréquemment battu au cours de son enfance ». Une autre cause de violence est l’influence du groupe. « De nature, il était bon, mais l’influence du groupe lui montre que sa virilité d’homme est basée sur le fait de taper sa femme ».
D’après notre interlocuteur, les violences des femmes envers leurs conjoints ne sont pas fréquentes au Burundi. Seulement elles s’adonnent à la violence pour se venger. « C’est-à-dire qu’elles encaissent chaque fois les différentes violences, psychologiques ou physiques, qu’elles subissent de la part de leurs maris et quand ça arrive à une étape de paroxysme, ça explose. Elles deviennent ainsi féroces. C’est là où vous allez entendre qu’une femme a blessé son mari avec un couteau ou lui a versé dessus de l’eau bouillante, etc ».
Les conséquences ne sont pas moindres
D’après M. Ndayishimiye, les gens qui subissent de telles violences sont blessés au niveau physique, de leur dignité et au niveau émotionnel. Concernant les violences sexuelles, il laisse entendre qu’il peut y avoir des blessures ou des infections mais qu’il y a aussi des fois où les violences sexuelles sont suivies par l’infertilité. « C’est-à-dire que, pour une femme par exemple, chaque fois qu’elle fait des rapports sexuels forcés, au fur du temps, ça devient dégoûtant pour elle et la libido ou l’excitation peut s’implanter. Du moins, il peut y avoir un disfonctionnement sexuel ».
Une autre conséquence est qu’une femme qui est souvent violée développe un auto-dégoût, elle perd l’estime de soi. « Pour dire que, quand elle a été violée physiquement et psychologiquement, elle sent qu’elle n’a plus de valeur. Du coup, elle peut déprimer, avoir des formes des traumatismes sévères ou développer des maladies psychosomatiques, c’est-à-dire les migraines ou des crises de l’estomac, qui ne sont jamais guéries, etc ».
S’exprimant sur ce qu’il faut faire pour aider les victimes des VBG, notre interlocuteur indique que les femmes ou les hommes violés ont besoin d’un accompagnement psychosocial. « Il faut qu’il y ait une politique d’accompagnement psychosocial ou un plan d’action d’accompagnement psychosocial au niveau de la communauté. Il serait aussi pertinent de mettre sur place des centres d’écoute pour les victimes des violences et petit à petit le viol peut diminuer si une fois les victimes brisent le silence».
Un travail transversal
A la question de savoir si les VBG peuvent être éradiqués, le conseiller conjugal et sexuel indique que c’est possible et que c’est un travail transversal. C’est-à-dire qu’il doit être fait par plusieurs secteurs et dans le cadre de l’éducation. « L’Etat, différentes institutions publiques et privées, les églises, l’administration, le côté juridique, la police, les psychologues, les médecins, etc, doivent conjuguer des efforts pour affronter ce problème ». Selon lui, il faut que les gens soient sensibilisés parce qu’il y a des gens qui font des violences sans le savoir ou croient que c’est l’idéal conjugal.
Vu que les violences se trouvent un peu partout, il propose également qu’il y ait une sensibilisation musclée pour contribuer au changement de mentalité de la population. « Il faut du moins éduquer les gens sur les différentes formes de violences et comment les éviter ».
M. Ndayishimiye trouve qu’il faut aussi que tout le monde soit impliqué dans la lutte contre ce fléau. « Certes la machine a déjà démarré mais il reste à accélérer le fonctionnement. Donc, une politique qui trace un cadre de travail de complémentarité entre toutes les institutions pour donner un impact remarquable au changement s’avère indispensable ». Les victimes doivent couper court avec « que dira-t-on » et briser le silence. Pour M. Ndayishimiye, le côté juridique doit être aussi rigoureux. C’est-à-dire punir sérieusement tous les gens qui s’adonnent à la violence.
Astère Nduwamungu