Face aux effets du changement climatique et à l’insécurité des revenus agricoles, le gouvernement burundais se prépare à lancer une politique d’assurance pour protéger les producteurs et stabiliser le secteur agricole. Plus d’un doute de son opérationnalisation au Burundi. D’autres évoquent des défis malgré les atouts de cette nouveauté dans un pays où plus de 90% de la population vit de l’agriculture. Pour le secrétaire exécutif de l’Arca (Agence de régulation et contrôle des assurances), Joseph Butore, doter les agriculteurs d’un filet de sécurité contre les pertes liées aux catastrophes naturelles, maladies des cultures et autres imprévus est nécessaire pour développer ce secteur.
L’agriculture est le pilier de l’économie burundaise. Selon les données provisoires du recensement général de la population, le Burundi compte 2 335 995 ménages agricoles. Pour Dénis Ndagijimana, expert et directeur de programmation au ministère des finances, le secteur d’agriculture contribue dans la production nationale avec plus de 30% du PIB (Produit intérieur brut). Toutefois, les agriculteurs ne sont pas assurés et certains doutent encore de la possibilité d’avoir une assurance agricole au Burundi. « Le constat de la microfinance Inkinzo est que depuis que l’assurance est au Burundi, aucune société d’assurance ne pense à l’agriculture », regrette Philémon Itangigomba, l’administrateur directeur général de la microfinance Inkizo. A ces inquiétudes, Joseph Butore rassure. « L’assurance agricole est possible au Burundi, mais les modalités de son opérationnalisation seront clarifiées par une étude de faisabilité qui est déjà en cours d’élaboration grâce à un appui consistant de la Banque mondiale », explique-t-il.

L’assurance agricole, une nécessité
Selon Joseph Ndayishimiye du Capad (Confédération des associations des producteurs agricoles pour le développement), l’assurance agricole est un outil qui va permettre aux agriculteurs d’être assurés. « C’est un instrument qui viendra compenser les pertes auxquels les agriculteurs souscrits à cette assurance feront face lors de l’exploitation agricole ». Même son de cloche de la part de Dénis Ndagijimana, expert et directeur des programmations au ministère des finances. « Il y a réticence d’investir dans ce secteur car on doute sur la capacité de remboursement du capital investit dans ce domaine raison pour laquelle l’assurance agricole est une nécessité ».
Le cadre légal n’est plus un défi
Joseph Ndayishimiye évoque le manque d’une loi régissant l’assurance agricole au Burundi et les textes d’accompagnement. A ces inquiétudes, Joseph Butore reconnaît que les agriculteurs sont ignorés dans certains établissements financiers. La raison est que les microfinances estiment qu’il est difficile d’accorder un crédit à un agriculteur alors que ce domaine n’est pas couvert par une assurance. Fort heureusement, sur la question du cadre légal M. Butore tranquillise. « Le cadre légal que nous tirons d’abord dans le Code des assureurs qui prévoit la mise en place d’une assurance agricole à travers une loi sur la microassurance. La loi est en cours d’élaboration ».
Pourquoi, les agriculteurs doivent souscrire à l’assurance ?
L’administrateur directeur général de la microfinance Inkinzo donne les raisons pour lesquelles les agriculteurs doivent souscrire à l’assurance. « L’assurance est là pour recevoir les transferts des risques des agriculteurs. Il affirme qu’il n’y a pas d’autres organes qui reçoivent les risques des clients. « Il faut se confier à l’assurance pour transférer le risque. L’assurance a une importance de rassurer les banques, afin qu’elles financent l’agriculture. Une fois que l’agriculture est financée, vous comprenez que l’étendue même cultivée grandira, la capitale engagée augmente et si c’est bien appliquée, la production augmente aussi », explique-t-il.

Comme l’indique Philémon Itangigomba, il y a beaucoup de risques qui poussent les agriculteurs à souscrire à l’assurance. Il y a notamment les effets de sécheresse, les risques de l’excédent des pluies pour les cultures qui ne sont pas adaptés à une pluie abondante. Il y a aussi les risques liés aux attaques des rongeurs. A cela s’ajoute dans une certaine mesure, la chute de grêle.
Les agriculteurs appelés à avoir la confiance aux assurances
Le transfert des risques permet la continuité des activités. M. Itangigomba affirme que le gouvernement a un rôle majeur à jouer. « C’est lui qui définit le cadre même du travail. Par exemple, ajoute M. Itangigomba, en cas d’un catastrophe d’ampleur national, aucune société ne peut pas tenir. « Il faut que ça devienne, dans ces circonstances, un problème national et c’est au gouvernement d’intervenir soit directement si les moyens le permettent, soit par les partenaires de l’Etat ». Et d’ajouter : « l’agriculteur peut ne pas être à mesure de supporter le poids de l’assurance. Le gouvernement peut subventionner, afin que le petit, le moyen et même le grand agriculteur puisse supporter la prime d’assurance». L’autre chose, nous savons que le taux d’intérêt actuellement est élevé. « Ce n’est pas évident qu’en investissant en agriculture au taux de 15 ou 16%, on pourra gagner. Là, le gouvernement peut aider à avoir des crédits bonifiés et il aura à jouer un rôle clé avec les banques, pour avoir un financement et que les crédits agricoles soient donnés à des taux réduits ».
Il appelle les agriculteurs à avoir confiance en assurance et puis à lui confier les risques auxquels ils peuvent s’exposer. « Autre chose, c’est d’écouter les techniciens du ministère de l’agriculture pour pratiquer l’agriculture modernisée ».
L’assurance agricole face à certains défis
Tous les interlocuteurs affirment que l’assurance agricole au Burundi fait face à divers défis. Joseph Ndayishimiye du Capad évoque notamment les maisons d’assurance qui n’ont pas la volonté de travailler avec les petits agriculteurs ne disposant pas assez de moyens. L’autre défi est lié à l’exigüité des terres pour les petits agriculteurs. Il converge avec Joseph Butore qui affirme que les agriculteurs sont ignorés dans certains établissements financiers parce que les banques et les microfinances estiment qu’il est difficile d’accorder un crédit à un agriculteur alors que ce domaine n’est pas couvert par une assurance.

Quant à l’administrateur directeur général de l’assurance Inkinzo, l’autre défi est la complexité de la mise en place d’une assurance agricole. « C’est une activité qui demande beaucoup d’acteurs, beaucoup d’intervenant notamment les agriculteurs, les assureurs, les banquiers, le gouvernement et les bailleurs de fonds ».
La volonté politique est là
Le secrétaire exécutif de l’Arca et Denis Ndagijimana saluent la volonté et l’engagement du gouvernement du Burundi à développer l’agriculture. Toutefois, ils trouvent que chaque acteur doit apporter sa pierre à l’édifice car, le secteur de l’agriculture doit être promu pour soutenir la mise en œuvre des objectifs de la Vision 2040-2060. M. Ndagijimana salue la volonté politique manifeste. la raison est que le Burundi a placé le secteur agricole au cœur de l’atteinte de la plupart des objectifs de la Vision 2040-2060.
Moïse Nkurunziza