Différents acteurs impliqués dans la gestion et le respect des normes et de qualités des produits fabriqués par l’industrie burundaise viennent de passer trois jours d’intenses activités. L’objectif est de sensibiliser au respect des normes mais aussi de montrer les défis auxquels les produits dits « made in Burundi » sont confrontés ainsi que les solutions envisagées. Sans en être exhaustif, les défis sont très nombreux. Cependant, le directeur général du Bureau burundais de normalisation (BBN), Jérémie Ngezahayo a tranquillisé en assurant que les politiques et les stratégies de modernisation et d’opération du BBN ont été développées avec une liste de solutions à l’appui mais que seuls les moyens financiers manquent pour les mettre en œuvre.
Plusieurs défis handicapent actuellement la compétitivité des produits « made in Burundi ». Le professeur de l’Université du Burundi et ex-ministre en charge de l’Agriculture Sanctus Niragira, a évoqué cinq défis majeurs. Il s’agit du manque de capital suffisant qui permet de réussir l’économie d’échelle. « Plus le capital est minime, plus les coûts deviennent très élevés et, dans ce cas, il y a tendance à majorer les prix des produits fabriqués, ce qui peut même occasionner la chute de l’entreprise ». L’autre défi est le fait que beaucoup des industriels burundais veulent travailler chacun en solo. « Il y a beaucoup d’entreprises qui produisent de l’eau. Chaque entreprise a besoin d’une personne qui s’occupe de marketing, celui chargé du marketing et de l’assurance qualité. Malheureusement, avec autant du personnel, les outils utilisés ne peuvent pas permettre l’économie d’échelle ». Il a déploré que les Burundais n’ont pas encore compris le bien fondé de travailler en Coopératives alors qu’il s’agit d’une politique instaurée et mise en œuvre depuis les années 1960 par le prince Louis Rwagasore. « Qu’est-ce qui manque pour que les entreprises qui fabriquent les mêmes produits puissent mettre ensemble leurs capitaux et mener un travail macro et plus compétitif sur le marché régional et international ?» s’est interrogé M. Niragira.

Pour Balthazar Ndaboroheye, président de l’Association des industriels du Burundi (AIB), le producteur burundais reste confronté au manque de financements, de devises et de déficit d’énergie.
Le non respect des normes de qualité et la réputation négative des vrais maux
Le coordinateur du Programme de développement de l’entrepreneuriat rural (Proder) Côme Ntiranyibagira a souligné à gros traits le défi lié au respect des normes et de qualité. Outre ce défi de la qualité et de respect des normes, Sanctus Niragira a évoqué deux autres défis qui en vont de pair. Il s’agit du défi relatif aux infrastructures et aux matériels utilisés dans la production. Il a insisté sur l’état des infrastructures routières, la disponibilité de l’électricité ainsi que l’opérationnalisation des laboratoires. L’autre défi évoqué est que beaucoup d’entreprises manquent cruellement des experts en technologie et marketing ce qui explique, selon toujours M. Niragira, le non respect des normes et de qualité.
Pour aller toujours de l’avant, Sanctus Niragira a conseillé aux industriels burundais à éviter une réputation négative qui peut dominer tout un chantier bâti pendant plusieurs années et qui peut être à la base de la faillite de l’entreprise. « Il y a quelques années, le permis de conduire dit international délivrer par le Burundi était pris en considération en Belgique, ce qui n’est plus le cas. Ces permis ont été donnés à des gens et ils ont été à l’origine de plusieurs accidents routiers. Après inspection, la Belgique a constaté avec amertume qu’il y avait des détenteurs de ces permis qui en ont bénéficié frauduleusement ».
Le consommateur burundais n’est pas protégé
Interrogé par les journalistes, Paterne Nahimana, enseignant-chercheur à l’Université du Burundi et auprès de l’EANSI (East african nutritional sciencies institute) n’a pas mâché ses mots. Comme il l’a indiqué, le « made in Burundi » se heurte au défi de la réglementation stricte pour mieux appliquer les normes. Il a convergé avec M. Niragira qui trouve qu’il n’y a pas de traçabilité des produits d’amont en aval pour retirer du marché un produit contaminé ou présentant des effets néfastes sur la santé ou sur la biodiversité.
Paterne Nahimana a regretté que le consommateur burundais ne soit pas protégé. Il a illustré cela par un exemple de la France qui, un jour, un enfant est mort après avoir mangé de la pizza contaminé. Les services habilités ont dû faire leur travail pour repérer tous ceux qui avaient achetés cette pizza pour qu’ils soient transférés aux structures sanitaires pour des soins. « La pizza a non seulement été retirée du marché mais également, une inspection a été menée jusqu’à détruire des frigos où certains consommateurs avaient conservés ces pizzas ». D’autres défis sont liés au manque d’étiquette sur les produits fabriqués au Burundi et au respect des normes pour les emballages.

Le représentant de l’AIB a recommandé aux producteurs d’actualiser leurs compétences en s’inspirant notamment des résultats des travaux des institutions de recherche et de formation. Quant à Paterne Nahimana, il a conseillé aux industriels burundais d’utiliser des emballages appropriés et à éviter la réutilisation des emballages à usage unique. Il a également appelé au respect des normes lors du transport des produits fabriqués au Burundi. Pour aider à aller toujours de l’avant et pour s’assurer de la traçabilité du « made in Burundi », le BBN s’est engagé à nommer des points focaux dans tous les ministères, départements et agences concernés par la normalisation, à renforcer les comités techniques des agents en place et à inciter les entreprises publiques et privées à mettre en place des cahiers de charge détaillés de chaque produit.
Moïse Nkurunziza