Le métier d’artiste peut faire vivre seulement lorsque les instances de prise de décision s’y impliquent activement. Dans d’autres pays , c’est possible parce que les artistes ont tout ce dont ils ont besoin. Au Burundi, les artistes font toujours face à de nombreux défis. Cela ressort d’un entretien accordé au journal Le Renouveau, le jeudi 9 janvier 2025, par Arthur Banshayeko (Arthur Ban) , artiste chanteur très expérimenté aussi dans les pièces de théâtre.
« J’avais des problèmes de prise de parole en public, l’art m’a aidé à développer mon estime de soi. C’est ce qui m’a motivé à embrasser la carrière d’artiste », a indiqué M.Banshayeko. Il a fait savoir qu’il fait toujours le théâtre et la musique mais, avec des équipes différentes. « Pour manier les deux à la fois, il suffit simplement de se programmer. Tout est facile à faire si on respecte son organisation », a-t-il expliqué.
Voler de ses propres ailes
« Pour le théâtre, la production est assurée par mon organisation (Umunyinya asbl) ou toute autre organisation qui a besoin de la production. Dans ce cas, je n’ai pas de problèmes de moyens. La conjoncture économique que traverse le Burundi depuis quelques années peut effectivement influer sur mon accès aux frais de production, mais tout ne repose pas sur moi quand il s’agit du théâtre. Par contre, mon premier album que je lance en février 2025 est le produit de mes efforts financiers bien que j’ai eu le soutien de quelques amis. J’avoue que les moyens de production sont un vrai casse-tête. Je pense que c’est d’ailleurs pourquoi l’album vient de me coûter trois ans de travail», a-t-il dit.
Le soutien de la part des institutions s’avère nécessaire
Pour parvenir à vivre grâce à l’art, les artistes ont besoin d’être soutenus matériellement ou moralement. « Le métier d’artiste peut faire vivre , mais au Burundi, je pense que cette question est à débattre patiemment. Je me souviens que l’Université du Burundi avait ouvert le département des Arts de la scène, il est disparu à la 3e promotion. Je viens de passer quatorze ans à Bujumbura, je peux compter le nombre de manifestations culturelles qui se sont passées au Palais des Arts. Donc, ce n’est pas facile mais, il y a ceux qui s’en sortent », a-t-il déclaré.
La musique, facteur de sauvegarde de la culture burundaise
« Oui, je suis en train de finaliser mon premier album « Urugendo » qui sort en février. L’album est un effort de contribution à la pérennisation de la musique burundaise, en particulier et de la culture burundaise en général. L’album est composé essentiellement de deux rythmes : «Umutsibo» et «Amaká», et écrit en Kirundi « propre » (propre parce que je n’ai pas simplement parlé dans mes chansons, mais j’utilise un langage qui berce l’esprit, qui donne envie d’apprendre plus le Kirundi, ses tournures, ses expressions, sa poésie, etc). Mon album est un éloge à la vie. Je chante que la vie est belle, chère et sacrée », a indiqué M.Banshayeko.
Concernant la Vision 2040-2060, notre interlocuteur a fait savoir que les artistes ont un grand rôle à jouer. « Ils ont une part énorme parce que, premièrement, ils sont capables de disséminer les objectifs de la Vision dans les communautés et inciter la population à se l’ approprier. Ensuite, ils doivent être les architectes et ouvriers du 21è siècle. L’objectif est la sauvegarde et la promotion du patrimoine culturel et naturel. S’ils ne produisent pas d’œuvres capables de porter notre drapeau le plus loin possible et prendre assez d’espace à l’étranger, l’objectif ne sera pas atteint », a-t-il ajouté.
Plusieurs défis sont à relever
Parmi les défis auxquels les artistes font face, M. Banshayeko cite entre autres, le manque d’espace dans les instances de prise des décisions pour bien suivre les politiques qui les engagent et leur mise en application. « Je n’ai pas encore vu d’artistes au ministère en charge de la culture », a-t-il souligné. Il a ajouté le manque de formations (Les artistes qui veulent avancer cherchent des formations au pays ou de la part de leurs pairs, ou à l’étranger), le manque d’espace de travail (absence de salles de spectacles, adaptées), difficultés à trouver les visas. «Je ne comprends toujours pas pourquoi certains ambassades traitent n’importe comment les artistes quand ils cherchent des visas. C’est terrible pour moi qu’un artiste ne trouve pas de visa, il devrait être un citoyen du monde» , a déploré Arthur Banshayeko.
Il a terminé en demandant aux décideurs de confier des responsabilités aux artistes dans les différentes institutions de prise de décision et qu’ils contribuent à la protection et la valorisation des œuvres artistiques. Il rêve de trouver un espace dans les secteurs clés de la vie du Burundi.
Olivier Nishirimbere