Le tourisme constitue aujourd’hui, au niveau mondial, un des secteurs efficaces et favorables pour atteindre les objectifs de croissance durable, réduire le chômage et la pauvreté dans les pays. Il est compté parmi les secteurs clés et prometteurs pour un développement durable dans les dimensions économique, sociale et environnementale. Pour le cas du Burundi, le directeur général de l’Office national du tourisme, Georges Nimubona, souligne qu’il regorge d’innombrables attraits et potentiels touristiques. Il propose des actions à mener pour le rendre plus attractif, drainer des millions de visiteurs et générer des recettes dont le pays a besoin pour son développement.
D’après le directeur général du tourisme au Burundi, ledit secteur regorge de 127 sites touristiques. En termes des recettes relatives aux touristes étrangers, il indique que les données de 2016 montrent que le Burundi occupait la cinquantième place par rapport aux autres pays africains, malgré que ces sites sont un peu nombreux. « A cette époque, au niveau africain, l’Afrique du Sud, l’Egypte et le Maroc occupaient respectivement la première, la deuxième et la troisième place tandis que le Burundi occupait la cinquantième (50è) place avec 2 millions de dollars, selon l’International tourist arrivals and tourism receipts by country of destination ».
Selon M. Nimubona, la même source montre qu’au niveau de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), la Tanzanie vient en tête avec 2339 millions de dollars américains en 2017, suivie du Kenya et de l’Ouganda avec respectivement 926 et 918 millions tandis que le Burundi occupe toujours la dernière place dans cette région avec 2 millions de dollars américains. « Pour l’année 2021, les chiffres montrent que le Burundi est toujours en dernière position avec 16 millions de dollars des recettes, 300 millions pour le Rwanda, 800 millions pour l’Ouganda, 1 milliard pour le Kenya et 1,8 milliards pour la Tanzanie ». Il informe, en outre, qu’en 2019, on dénombre 2 629 417 touristes et visiteurs enregistrés et qu’en 2020, on a enregistré 578 608 seulement. « Cette diminution a été due à la pandémie de la Covid-19. Pour l’année 2021, on n’a pas encore fait les statistiques ».
Les défis ne manquent pas
Parlant des défis auxquels se heurte le secteur du tourisme au Burundi, le directeur général du tourisme souligne qu’ils sont de quatre catégories. Le premier est lié au manque de cadre légal qui régit le secteur du tourisme. Le deuxième défi est d’ordre institutionnel. C’est-à-dire que les ministères se chevauchent dans la gestion des sites touristiques. « Différents sites touristiques appartiennent à différents ministères : ministère en charge de l’environnement ; le ministère de l’Intérieur, de la Sécurité publique et du Développement communautaire, etc ».
Le troisième défi réside au niveau de l’aménagement des sites touristiques. « C’est-à-dire que la direction générale du tourisme au Burundi ne peut pas aménager tous les sites touristiques alors que nombreux d’entre eux sont dans les mains des autres institutions ». Le dernier défi réside au niveau de la professionnalisation du secteur du tourisme. « Cela pour dire que ce dernier connait un manque criant de guides touristiques professionnels. En plus de cela, aucune école ou université ne fait sortir des lauréats qualifiés en la matière ».
Doter le Burundi du code touristique
Pour essayer de trouver une solution aux défis auxquels le secteur du tourisme fait face, Georges Nimubona trouve qu’il est important que le Burundi soit impérativement doté d’un code du tourisme. Cela parce que, les grandes orientations et les cadres de concertation et de gestion du tourisme ne sont pas codifiés. C’est entre autres la règlementation en rapport avec l’aménagement et la protection des sites touristiques au Burundi; la règlementation en matière de fonctionnement des agences de transport des touristes ; la règlementation en ce qui concerne la caution financière pour les tour-opérateurs, les réceptifs et les agences de voyage; la règlementation sur les conditions d’agrément d’un établissement de formation touristique et d’hôtellerie; la règlementation relative aux agences de transport des touristes; la règlementation de la profession de guide touristique; etc.
Il déplore en outre le fait que le secteur du tourisme au Burundi est victime de tiraillement administratif. « Cela freine considérablement la mise en œuvre de certaines activités. Par exemple, la gestion des sites touristique est exercée par différentes institutions du ressort des différents ministères. A titre illustratif : L’Office Burundais pour la Protection de l’Environnement du ministère en charge de l’environnement gère toutes les aires protégées ; le ministère ayant le tourisme dans ses attributions gère les musées de Bujumbura et celui de Gitega, la pierre Stanley-Livingstone ainsi que le site de Traité de Kiganda. La Mairie de Bujumbura et les communes du ministère de l’Intérieur, du développement communautaire et de la sécurité publique gèrent les monuments, la source du Nil et les eaux thermales ».
Selon lui, un autre élément qui a fait marcher en arrière le tourisme au Burundi, c’est la suppression de l’office national du tourisme, l’Organe de l’Etat en charge de la promotion du produit touristique burundais. « L’office National du Tourisme (ONT) n’est plus. C’est-à-dire qu’au Burundi il n’y a plus d’institution technique et professionnelle en charge de la promotion du tourisme, contrairement aux autres pays du monde ».
Pallier au tiraillement administratif
Pour trouver une solution à ce tiraillement administratif, M. Nimubona propose qu’il y ait création d’une autorité burundaise de développement du tourisme. « Elle serait la bienvenue pour pallier la suppression de l’Office national du tourisme ». Selon lui, l’autorité burundaise de développement du tourisme est une Macrostructure qui s’inspirait du modèle des pays de l’Afrique de l’Est tels que Kenya et la Tanzanie.
D’après M. Nimubona, cette institution pourrait regrouper toutes les structures impliquées dans la gestion du secteur touristique à savoir : L’Office burundais du tourisme et de la culture chargé de la promotion et du marketing touristique ainsi que l’encadrement et la protection de la culture ; le Fonds de développement du tourisme, en charge de financer le secteur touristique, principalement en ce qui concerne la formation ; l’Institut statistique du tourisme qui se chargerait de la collecte, du traitement et de la publication des statistiques touristiques. Elle pourrait aussi regrouper l’Office Burundais pour la protection de l’environnement (OBPE), qui s’occupe de la protection de tous les parcs nationaux, les réserves naturelles et d’autres zones à vocation touristique ainsi que l’Institut burundais de formation touristique (IBFT), qui aurait pour mission de développer les ressources humaines hautement qualifiées pour l’industrie hôtelière, à travers la formation, la recherche et la consultance.
Comme le souligne M. Nimubona, cette structure posséderait aussi des atouts et des attributs. « Même si la structure n’a pas de rang de ministère, elle est proche des centres de décision. Elle est aussi conforme aux structures du tourisme qui sont en place dans les pays de la Communauté est-africaine CEA et elle pourrait donc faciliter l’harmonisation des stratégies, politiques, lois et standards au sein de la CEA ».
Valoriser les sites touristiques
Avec l’autorité burundaise de développement du tourisme, le directeur général du tourisme au Burundi trouve que le rôle de l’Etat deviendrait celui de régulateur et de suivi-évaluation de la gestion et la rentabilité des sites touristiques. « Dans ce cas, l’exploitation des sites touristiques sera octroyée aux investisseurs locaux (les sociétés de l’Etat, les banques commerciales et autres investisseurs privés) et les Investisseurs étrangers stratégiques, techniques et financiers justifiant d’une expérience reconnue et d’une bonne réputation ».
Cependant, ajoute-t-il, des contrats doivent être signés entre l’Etat et ces investisseurs. Ainsi, ces derniers de s’acquitter des redevances fiscales selon la loi fiscale burundaise. « Un avantage à tout cela est que les sites touristiques seraient mis en valeur et génèreraient des revenus aussi aux investisseurs qu’à l’Etat. Il y aura aussi création d’emplois. Les recettes touristiques jusqu’ici éparpillées seront canalisées et collectées par l’Office Burundais des recettes (OBR)».
Une position géographique favorable
D’après le Directeur général du tourisme au Burundi, à côté de différents sites touristiques, un autre atout non moins important que possède le Burundi pour devenir une véritable destination touristique, c’est sa position géographique. Celle-ci fait qu’il soit une plaque tournante des organisations régionales comme la Sadec, l’EAC et CEEAC.
A l’image d’autres pays et grâce à cette position géographique, M. Nimubona propose qu’il y ait facilitation des voyageurs qui entrent dans le pays. En ce qui concerne les visas, il trouve qu’il faut qu’il y ait un visa électronique et un visa à l’arrivée à l’aéroport car ailleurs c’est ce qui encourage les voyageurs de fréquenter massivement le pays. « Que le visa soit disponible en ligne et à l’arrivée à l’aéroport. La Police de l’air et des frontières s’impliquerait pour faciliter l’obtention du visa. Comme ça, les voyageurs seront beaucoup plus motivés à visiter le Burundi et consommer nos produits touristiques».
Parlant du visa touristique unique de la CEA, Georges Nimubona déplore le fait que le Burundi ne l’a pas encore adopté contrairement au Kenya, au Rwanda et à l’Ouganda. « Ceci fait que le Burundi reste en arrière en ce qui est des recettes touristiques au niveau régional ». Selon lui, le manque de ce visa touristique unique empêche le Burundi de faire entrer dans son trésor publique les devises dont il a besoin alors que nos pays voisins sont en train d’en profiter. « Ce qui est important, c’est de stimuler la demande touristique pour faire venir un flux important de touristes dans le pays ».
Aménager davantage les sites touristiques
Concernant les sites touristiques, le directeur général du tourisme au Burundi indique qu’il existe 127 sites identifiés et que bien qu’ils soient diversifiés, ils ne sont pas bien aménagés pour répondre aux attentes des consommateurs, du moins des touristes et visiteurs. « La plupart d’entre eux accusent un manque criant des infrastructures de base pour satisfaire quelques besoins fondamentaux des touristes. Bien plus, il faut repeupler nos parcs et autres réserves naturelles en espèces animales afin de les rendre plus attractifs ». Comme solution, il propose que l’aménagement et l’exploitation des sites touristiques soient confiés aux investisseurs privés pour leur mise en valeur et que l’Etat veille à ce que la protection de l’environnement soit bien préservée. « Comme ça, les investisseurs cherchant du profit feront tout pour rentabiliser les sites qu’ils exploitent. Les taxes seront collectées et le trésor public augmentera ».
Toujours dans le cadre de rentabilisation des sites touristiques, M. Nimubona plaide pour la formation et renforcement des capacités du personnel du secteur touristique. « Un personnel expérimenté et compétent est plus qu’une nécessité pour répondre aux attentes des touristes afin de stimuler leur goût de retourner au pays visité. Comme il n’y a pas assez d’écoles et universités à vocation touristiques, des formations et renforcement des capacités en faveur du personnel œuvrant dans le secteur touristique, aussi au pays qu’à l’extérieur du pays, revêt un caractère prioritaire pour le développement du pays. On citera entre autres la formation à l’intention des guides touristiques du personnel hôtelier, etc ».
D’après le directeur général du tourisme au Burundi, le secteur du tourisme est parmi les secteurs porteurs de croissance économique. D’où il propose que le Gouvernement puisse concentrer ses efforts pour l’investissement dans le secteur du tourisme. « Les solutions ont été déjà proposées, il reste aux autorités politiques du pays de prendre les choses en main pour développer ce secteur. Ainsi, une étude complète de l’impact du tourisme sur l’économie nationale s’avère aussi indispensable avant tout engagement », a indiqué M. Nimubona.
En définitive, on se rappellerait que parmi les sites touristiques plus attractifs que comptent le Burundi figurent le monument Stanley et Livingstone, les eaux thermales de Mugara, la source du Nil la plus méridionale, les chutes de Karera, les lacs du Nord du pays, le sanctuaire des tambours sacrés à Gishora, les parcs nationaux de Ruvubu et Kigwena, etc.
Astère Nduwamungu
Département de la documentation
Service de rédaction