Le Burundi commémore, le samedi 6 avril 2024, le 30e anniversaire de l’assassinat du président Cyprien Ntaryamira. Le journal Le Renouveau a approché certains interlocuteurs qui ont souligné qu’avec la discipline, qui était son mot d’ordre, il faut couper court avec les mauvaises habitudes comme les malversations économiques, l’injustice, la corruption pour que le pays chemine vers son développement.
« Cyprien Ntaryamira était un homme sage, intelligent et jeune mais, on n’a pas eu la chance de profiter de cette sagesse. Malgré la période difficile qu’ils traversaient, les Burundais allaient enfin avoir un président car après la décapitation de tous les leaders du pays, enfin un chef d’Etat allait aider les Burundais à retrouver la paix », a souligné Olivier Nkurunziza, président du parti Uprona.
Feu président Ntaryamira est un président qui a succédé au président Melchior Ndadaye démocratiquement élu, et qui avait été assassiné. Pour lui, ce n’était pas du tout facile d’être président de la République car cela a été le résultat d’après une négociation. Cyprien Ntaryamira était un président de consensus de tous les partis politiques alors en conflit au Burundi. Il était un président de confiance pour tous les Burundais qui connaissaient sa sagesse étant donné qu’il a occupé différentes fonctions du pays au ministère de l’Agriculture, a-t-il ajouté.
La discipline a une grande signification
Etant donné que lors de son investiture, son mot d’ordre était « la discipline », le président du parti Uprona a précisé que feu président Ntaryamira avait fait une analyse, et a remarqué que le gros des problèmes relevait de l’indiscipline. «Il y avait des tueries, des barbaries partout, et il n’y avait aucune autorité au niveau du pays ».
Dans un pays, la discipline veut dire le respect de la hiérarchie, de l’autorité, des droits de l’Homme. C’est pour cette raison qu’il a lancé un appel aux Burundais pour qu’ils sachent qu’il y a de l’autorité. Aussi, en retablissant de l’ordre, les gens respectent l’autorité. Egalement, il savait que « discipline » est le mot d’ordre dans l’armée. Sans discipline, il était difficile de pouvoir dialoguer, redresser le pays. Une société sans discipline est une société sans avenir. Partout, on a toujours besoin de la discipline qui aide à tout faire, d’après M.Nkurunziza.
Feu président Ntaryamira a passé deux mois au pouvoir. Pour Olivier Nkurunziza, il est difficile de l’évaluer car le pays était dans le chao total, mais, il a fait quelque chose parce qu’il avait commencé à faire des négociations, apaiser les esprits, voir comment installer un gouvernement. Bref, il avait jeté les bases, l’intention était bonne mais il n’a pas réalisé grand-chose car il n’a pas eu cette chance. Mais, on ne peut pas oublier que son discours contenait les lignes directrices que les Burundais devaient suivre dans le contexte d’alors.
Son dossier, une question un peu difficile et compliqué
En ce qui concerne la suite de son dossier trente ans après son assassinat, M.Nkurunziza a indiqué qu’il s’agit d’une question un peu difficile et compliqué car il y a des ramifications. D’abord, M.Ntaryamira a été assassiné avec son homologue rwandais Juvénal Havyarimana dans un autre pays.
Après cet assassinat, d’autres problèmes ont surgi au Rwanda comme le génocide. Durant cette période, on n’a pas pu faire des investigations mais, il ne faut pas abandonner, il faut toujours continuer pour que le Rwanda s’y implique afin que les Burundais connaissent les vrais motifs de l’assassinat de leur président, selon Olivier Nkurunziza. « Notre président est tombé en piège des conflits qui existaient au Rwanda avant le génocide. Cela implique beaucoup de réflexions, de paramètres. Celui qui a été assassiné n’était pas une simple personnes, c’est pour cette raison que le Burundi doit le rappeler pour que la justice soit faite pour la famille, mais aussi pour le pays, afin que la vérité soit connue ».
Avec la discipline, éviter les mauvaises habitudes
D’après le président du parti Uprona, le mois d’avril est un mois où le Burundi a des souvenirs très douloureux ayant occasionné beaucoup de morts notamment l’assassinat du président Ntaryamira, la crise de 1972. Les Burundais doivent garder le mot d’ordre de feu Ntaryamira d’avoir la discipline. Cette dernière aide à développer le pays, respecter la hiérarchie, et être un serviteur du peuple.
« Aujourd’hui avec la discipline, il faut qu’il n’y ait plus de malversations économiques, d’injustice, de corruption. Les Burundais doivent préserver la paix et travailler pour que le pays ne retombe plus dans les mêmes erreurs», souhaite-t-il.
Faire une enquête crédible pour identifier les auteurs de l’attentat
Isaac Bakanibona, représentant de l’Acopa-Burundi (Association pour la consolidation de la paix au Burundi), une association qui milite pour la consolidation de la paix et la réconciliation nationale s’exprime, lui aussi, à l’occasion de l’événement d’envergure nationale du 30e anniversaire de l’assassinat de feu Cyprien Ntaryamira.
M.Bakanibona appelle de tous ses voeux que la culture démocratique soit renforcée davantage. De plus, selon lui, les politiciens doivent rompre avec l’usage de la force pour atteindre leurs ambitions. « Il faut renforcer la culture démocratique pour éviter le retour aux évènements tragiques qui ont coûté la vie à pas mal de Burundais. Je lance un appel vibrant aux politiciens d’éviter l’usage de la force pour accéder au pouvoir par des voies inciviques et antidémocratiques », signale M.Bakanibona, avant de demander au gouvernement du Burundi et à la Communauté internationale de faire une enquête crédible pour identifier les auteurs de l’attentat ayant emporté la vie de feu président Ntaryamira.
Faire respecter cette « discipline » en cette période du processus électoral de 2025
Pour le représentant de l’Acopa-Burundi, malgré une amélioration progressive et significative au niveau national, la discipline prônée par feu président Cyprien Ntaryamira n’a pas été respectée dans tous les domaines de la vie nationale. Notre interlocuteur explique son point de vue en se basant sur des cas de violations des droits humains, de la corruption ou d’autres pratiques illégales qui se sont poursuivis après la mort de l’illustre disparu.
Pour garder l’héritage de feu Cyprien Ntaryamira en cette prochaine période du processus électoral de 2025, les leaders politiques, la société civile et les confessions religieuses doivent éviter des pratiques illégales susceptibles de compromettre le bon déroulement du processus. «Ils doivent renoncer aux discours qui incitent à la violence et à la manipulation. Ils doivent aussi respecter scrupuleusement les directives de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) dans la conduite de leurs activités. Enfin, ils doivent adhérer au principe selon lequel dans toute compétition, il y a toujours le perdant et le gagnant et restent tous les enfants de la même Nation », conseille-t-il.
« Feu Ntaryamira était un homme très organisé et patriotique »
«Le 6 avril 2024, les Burundais vont célébrer le 30e anniversaire de l’assassinat de leur ancien président Cyprien Ntaryamira, mort assassiné, à bord du jet présidentiel de son homologue rwandais. Ce fut une nouvelle foudroyante pour le peuple burundais, les membres du Frodebu et surtout son épouse, leurs enfants, et leurs proches ; sans oublier les familles des ministres Bernard Ciza et Cyriaque Simbizi, qui furent assassinés dans le même avion que Ntaryamira», a indiqué Jean de Dieu Mutabazi, président de l’ONPGH (Observatoire national pour la prévention et l’éradication du génocide, des crimes de guerre et des autres crimes contre l’humanité).
A cet effet, le président de l’ONPGH a précisé que Feu président Ntaryamira était un homme très organisé et patriotique. «Le peu de temps que j’ai siégé avec le président Ntaryamira au Comité directeur national du parti Sahwanya Frodebu m’a permis de découvrir un homme intelligent, et très organisé qui avait un sens élevé de patriotisme, et qui ne tôlerait pas le désordre», a-t-il mentionné.
La discipline, une valeur importante pour la réussite
Les générations actuelles et à venir, selon toujours M. Mutabazi, garderont de Feu président Ntaryamira le message qu’il a laissé qu’une société, une communauté, une Nation ou un pays qui veut se développer, doit cultiver le sens de la discipline; c’est-à-dire la discipline dans toutes les catégories socio professionnelles, notamment, les corps de défense et de sécurité, les écoles, au travail, etc. «Qui dit Discipline, dit ordre, qui dit ordre, dit la loi ou règlement, et enfin cela renvoie au sens de responsabilité. C’est pourquoi dans l’éducation d’un enfant ou même d’une personne adulte, on ne peut pas avoir le sens de responsabilité, si on n’est pas discipliné. La discipline est une valeur très importante pour une personne ou une société qui veut réussir», a expliqué M. Mutabazi.
L’attentat meurtrier du 6 Avril 1994, qui a emporté le président Ntaryamira et ses collaborateurs Bernard Ciza et Cyriaque Simbizi, au dessus de l’Aéroport international de Kigali au Rwanda n’est pas encore revendiqué jusqu’en ce jour, a précisé notre source, le président de l’ONPGH. « Nous pouvons affirmer que ce fut un crime de guerre dont les responsabilités n’ont toujours pas été établies jusqu’à l’heure actuelle».
Une gouvernance éphémère, mais avec de grandes ambitions
Feu président Cyprien Ntaryamira, assassiné très jeune en pleine mission de travail, seulement à 39 ans, n’a exercé ses fonctions que deux mois. Et pourtant, «tous ses actes, gestes et paroles pendant les 60 jours, laissent croire qu’il avait de grandes ambitions pour notre chère patrie, le Burundi», a souligné M. Mutabazi. Selon lui, l’Etat burundais est en droit de réclamer auprès des juridictions internationales, en particulier françaises pour que toute la lumière soit faite sur ce dossier et que les commanditaires et les exécutants de ce crime aux répercussions énormes soient connus et répondent à leurs actes.
«Le 6 avril 1994, tout comme les 13 octobre 1961, 21 octobre 1993 et le 8 juin 2020 qui nous rappellent la perte des dignes fils du Burundi à savoir respectivement le héros de l’indépendance, Prince Louis Rwagasore, le héros de la démocratie, Melchior Ndadaye et le guide du patriotisme, Pierre Nkurunziza, restera une date inoubliable parmi les pages sombres de l’histoire du Burundi», a-t-il ajouté.
Pour honorer la mémoire de feu président Ntaryamira, les Burundais à tous les niveaux doivent comprendre que la discipline est d’une importance cruciale dans notre grand combat de développement, notamment la réalisation de la Vision partagée et commune de bâtir un Burundi émergent en 2040 et pays développé en 2060. « Si nous sommes disciplinés, cela pourrait nous aider à galvaniser nos énergies et notre intelligence pour réaliser ce pari, pour le bien de nous-mêmes, de nos enfants et de nos petits-enfants», a-t-il renchéri.
Courte biograhie
de Cyprien Ntaryamira Né le 6 mars 1955 sur la colline Gitwe, dans la zone Mageyo, commune de Mubimbi, province de Bujumbura, Cyprien Ntaryamira suit l’école primaire à Rushubi jusqu’en 1968, puis le cycle d’orientation du Collège du Saint-Esprit de Bujumbura. En 1972, il doit se réfugier au Rwanda où il reprend ses humanités de 1973 à 1976, en section scientifique au Collège de Rilima, dans la préfecture de Kigali. C’est à l’Université nationale du Rwanda qu’il obtient son diplôme de Bachelier en sciences (1979) ainsi que celui d’Ingénieur agronome (1982). Co-fondateur, au Rwanda du Mouvement des étudiants progressistes Barundi (Bampere, une branche du Meproba, dont le siège est à Bruxelles), il y occupe la fonction de responsable du département de l’information. En décembre 1979, il fonde avec MM Salvator Buyagu, Melchior Ndadaye, Jérôme Ndiho, Festus Ntanyungu, Jean Ndikumana, Sylvestre Ntibantunganya et d’autres, le Parti des travailleurs Barundi (Ubu), de tendance socialiste, où il est chargé de la formation politique et idéologique. En mars 1983, il rentre au Burundi comme précurseur de Melchior Ndadaye et travaille d’abord comme conseiller à la Direction générale de la planification agricole. Puis, en janvier 1984, il dirige la région cotonnière nord à la Compagnie de gérance du coton (Cogerco). Cependant, en mai 1985, il est incarcéré à la prison de Mpimba pendant une année, pour des motifs strictement politiques, sans avoir bénéficié de la moindre forme de procès. En fait, il lui était reproché de diriger un réseau d’opposition politique clandestin (l’Ubu en l’occurrence) au régime de Bagaza, qui ne le tolérait pas. Après avoir été Directeur général de l’agriculture et de l’élevage à partir de décembre 1987, il est nommé ministre de l’Agriculture et de l’élevage en juillet 1993, dans le gouvernement de Sylvie Kinigi, sous la présidence de Melchior Ndadaye. Un accord avec les forces d’opposition ayant été obtenu, Cyprien Ntaryamira accède à la magistrature suprême le 5 février 1994. Le 6 avril 1994, le président de la République de l’époque, Cyprien Ntaryamira, disparaissait tragiquement dans un attentat contre l’avion du président rwandais Juvénal Habyarimana. Cet avion, abattu au-dessus de l’Aéroport de Kanombe tout près de Kigali, transportait également d’autres hautes personnalités rwandaises et burundaises dont, entre autres, les ministres burundais du Plan, Bernard Ciza, et de la Communication et Porte-parole du gouvernement, Cyriaque Simbizi. |
Yvette Irambona
Claude Hakizimana