La violence à l’égard des femmes est un problème universel et est l’une des violations des droits de l’Homme la plus rependue dans le monde. Elle constitue une situation de préoccupation majeure de tous les pays, y compris le Burundi. Les violences faites aux femmes constituent un des freins au développement du fait que tout acte de violence dirigé contre le sexe féminin cause un préjudice ou des souffrances physiques psychologiques ou sanitaires.
Comme le souligne l’Onu- femme dans son rapport, les violences basées sur le genre à l’égard des femmes et des filles, est l’une des atteintes aux droits de la personne humaine les plus fréquentes dans le monde. Elles se répètent fréquemment ou presque au quotidien dans tous les pays. Elles entraînent, pour celles qui en sont victimes, de graves conséquences physiques, économiques et psychologiques, à court et à long terme, entravant leur pleine et égalitaire participation à la vie en société.
Selon la même source, la violence à l’encontre des femmes est aussi et surtout un problème de santé publique et une violation des droits de la femme. Selon les estimations de l’OMS (Organisation mondiale de la santé), faites en 2021, 35% de femmes en couple ont été exposées à des violences physiques ou sexuelles au cours de leur vie. Ces violences à l’encontre des femmes résultent de plusieurs facteurs opérant au niveau individuel, familial et communautaire, et au niveau de la société au sens large. D’autres éléments sont aussi associés à la violence au sein du couple et à la violence sexuelle. Il s’agit notamment du faible niveau d’instruction, l’exposition à la violence familiale, les troubles de la personnalité antisociale, l’usage nocif de l’alcool, le faible accès des femmes à un emploi rémunéré, et les grandes disparités entre les sexes, etc.
Au Burundi, la violence envers les femmes restent encore une préoccupation majeure même si des données fiables manquent. Les femmes sont quotidiennement victimes de différentes formes de violences qui ont atteint des proportions importantes principalement depuis le déclenchement de la crise de 1993. Ainsi, sous le poids de la culture, de l’intimidation et des qu’en-dira-t-on, différents cas d’agressions sexuelles et violences basées sur le genre ne sont pas dénoncés. Ils passent sous silence, ce qui fait que les données y relatives sont souvent rares et incomplètes.
Le phénomène des VBG a suscité une attention particulière
Ayant constaté que les violence faites aux femmes ont atteint des proportions non négligeables, différentes organisations, notamment celles de la société civile, ont entamé des sensibilisations et des recherches en vue de contribuer à l’éradication de ce phénomène ; comme le souligne Jean Bosco Ndereyimana, président et représentant légal de l’Aba (Action burundaise pour la reconstruction de l’Afrique). Des recherches et analyses faites sur les violences basées sur le genre ont été axées sur l’ampleur du phénomène, ses causes et ses conséquences ainsi que sur les mécanismes de prévention et de répression des VBG.
Comme le montre une étude réalisée par deux consultantes Spès-Caritas Ndironkeye et Marie-Christine Ntagwirumugara, portant sur les lois et recherches en matière de violences faites aux femmes au Burundi, la violence à l’égard des femmes a aussi retenu l’attention de la communauté tant nationale qu’internationale au plus haut niveau. « En 1993, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Cette dernière affirme que la violence à l’égard des femmes constitue une violation des droits de la personne humaine et des libertés fondamentales des femmes. Elle énonce les responsabilités des gouvernements à s’assurer que la protection des droits et libertés des femmes est garantie. En 1995, la conférence de Beijing a, elle aussi, retenu la violence à l’égard des femmes comme l’une des domaines critiques qui constitue un obstacle majeur à la promotion de la femme », (www.observaction.info).
Ainsi, au niveau de la région des Grands-lacs, les violences basées sur le genre auront également constitué un des principaux domaines d’intérêt d’autant plus que cette région a été le théâtre de guerres, d’insécurité et de violence. « La Conférence internationale sur la région des Grands-Lacs a initié le protocole sur la prévention et la répression de la violence sexuelle contre les femmes et les enfants » (www.observaction.info).
Plusieurs formes de VBG
Afin de comprendre les différentes formes de violences sexuelles et basées sur le genre, nous nous sommes entretenus avec le conseiller conjugal et sexuel, Beny Ndayishimiye. Il a indiqué que ces dernières sont de différentes formes. Les plus fréquentes étant des violences psycho émotionnelles, physiques, sexuelles, économiques. « Les victimes peuvent être des femmes ou des hommes », souligne-t-il.
Pour ce qui est des violences psycho émotionnelles, il indique que c’est une violence faite à travers des injures, des propos humiliants, dénigrants, méprisants, dévalorisants. Un autre cas de violation psycho émotionnelle s’observe quand quelqu’un pose un acte ou réalise une activité pour l’intérêt du foyer et que son conjoint la rend toujours nulle, sans même un minimum de remerciement ou d’encouragement.
Concernant les violences physiques, il dit que c’est quand un homme ou une femme est battu. « Les violences physiques ne se limitent pas seulement aux gifles, coups et blessures, elles sont aussi basées sur le fait que quelqu’un est forcé de faire beaucoup de travaux supérieurs à sa capacité physique ».
Pour ce qui est des violences sexuelles, M. Ndayishimiye souligne qu’elles sont de plusieurs dimensions. Mais, ajoute-t-il, la plus fréquente est celle liée à forcer son conjoint à faire les rapports sexuels non consentis. Quant aux violences économiques, notre interlocuteur souligne que c’est quand un des conjoints utilise des biens ou richesses de la famille dans des activités qui ne s’inscrivent pas dans l’intérêt ou dans le développement du foyer, sans en avoir parlé à son partenaire. « Les violences économiques se remarquent aussi quand le mari empêche son épouse d’aller travailler alors qu’elle a son diplôme et dispose de toutes les compétences et capacités de travailler.
Blessures émotionnelles, une des conséquences
D’après M. Ndayishimiye, les gens qui subissent de telles violences sont blessés au niveau physique, de leur dignité et au niveau émotionnel. Ainsi, concernant les violences sexuelles, il peut y avoir des blessures ou des infections mais aussi de l’infertilité. Une autre conséquence des VBG est qu’une femme qui est souvent violée développe un auto-dégoût ainsi que la perte de l’estime de soi. « Pour dire que quand elle a été violée physiquement et psychologiquement, elle sent qu’elle n’a plus de valeur. Du coup, elle peut déprimer, avoir des formes de traumatisme sévères ou développer des maladies psychosomatiques, c’est-à-dire les migraines ou des crises de l’estomac, qui ne sont jamais guéries, etc ».
S’exprimant sur ce qu’il faut faire pour aider les victimes des VBG, notre interlocuteur indique que les femmes ou les hommes violés ont besoin d’un accompagnement psychosocial. Selon lui, il serait pertinent qu’il y ait un plan d’action d’accompagnement psychosocial au niveau de la communauté. La multiplication des centres d’écoute pour les victimes des violences s’avère importante.
Toutefois, le conseiller conjugal et sexuel rassure que c’est possible que les violences basées sur le genre soient éradiquées. Il suffit que les Etats, différentes institutions publiques et privées, les églises, l’administration, la justice, les forces de sécurité, les psychologues, les médecins, etc, conjuguent leurs efforts pour affronter ce problème. « Il faut aussi que les gens soient régulièrement et suffisamment sensibilisés parce qu’il y a des gens qui font des violences sans le savoir ou croient que c’est l’idéal conjugal. Les gens doivent être régulièrement informés sur les différentes formes de violences et leurs conséquences et sur comment les éviter ».
Les VBG, un fléau qui hante la société
Les violences basées sur le genre constituent une menace qui hante toute la société. Ainsi, les habitants de différents coins du pays, en collaboration avec les administratifs, ne ménagent aucun effort pour essayer de mettre fin à ce fléau et surtout pour punir les auteurs. Selon Jérémie Ntakirutima, habitant de la localité de Kirombwe en province de Bujumbura, les violences qui s’y observent souvent sont des coups et blessures infligés aux femmes par leurs maris ainsi que les violences économiques. « Les hommes utilisent ou gèrent souvent seuls des biens de la famille, surtout l’argent, sans consentement de leurs épouses ».
Même son de cloche de la part de Béatrice Niyonzima de la même localité. Elle affirme que les VBG se remarquent souvent au sein des ménages et que ce sont souvent les femmes qui en sont des victimes. Pour elle, cela montre le niveau du manque de respect des droits de l’Homme car souvent, ajoute-t-elle, les femmes subissent des violences au moment où elles veulent protéger les biens de la famille quand leurs maris affichent un comportement de gaspillage des biens familiaux.
Témoignages
Pas mal de victimes des VBG éprouvent des difficultés à s’en remettre. Certaines qui y sont parvenues parlent du calvaire vécu. Ainsi, Jeannette Niragira, native de la commune Kanyosha dans la province de Bujumbura, dit avoir été violée, par deux hommes, pendant la crise qui a secoué le Burundi depuis 1993. Elle avait 19 ans et vivait avec sa maman. Deux hommes l’ont rencontrée dans le champ où elle exerçait ses activités champêtres. Ils lui ont attrapée et braquée au sol. Elle a essayé de crier au secours mais en vain. Ils l’ ont déshabillée et violée. Après l’acte, ils se sont volatilisés. Elle dit que c’était la première fois qu’elle voit ces hommes. « Je pense qu’ils étaient des rebelles qui étaient de passage dans notre localité». Mme Niragira dit n’avoir raconté à personne ce qui lui est arrivé, même pas à sa mère.
Elle témoigne que ce viol l’a touchée psychologiquement car chaque nuit elle revivait le même traumatisme. « Je n’arrivais pas à bien dormir la nuit. Je sursautais chaque fois car dans mes rêves, je voyais souvent les hommes courir derrière moi». Elle dit qu’elle avait toujours peur d’être encore une fois violée à telle enseigne que chaque fois qu’elle croisait un homme, c’était comme s’il allait la violer. « J’ai vécu cette situation pendant plus de deux ans. J’avais même honte de croiser d’autres jeunes filles de ma génération parce que je sentais que je ne suis plus une fille comme elles ». Aujourd’hui, elle est mère de trois enfants et témoigne qu’elle s’est remise de ce traumatisme.
« J’ai été maltraitée par mon mari »
Mélanie Habonimana de la commune Kabezi en province Bujumbura est mère de cinq enfants. Elle dit avoir été aussi victime des violences basées sur le genre. Après la crise politique qu’a connue le Burundi, elle s’est jointe aux autres femmes au sein d’une association. Avec l’argent qu’elle a tiré de cette association, elle s’est organisée pour faire la commercialisation de la bière de banane. Son commerce a rapidement prospéré et elle trouvait facilement de l’argent pour satisfaire certains besoins de sa famille. D’après elle, son mari qui était tout le temps ivre l’obligeait chaque fois à lui remettre tout l’argent qu’elle a tiré de son commerce. « Il me disait que c’est lui le chef de la famille, donc qu’il devrait conserver l’argent. Quand je refusais de lui donner l’argent, il me battait. Donc, chaque fois qu’il rentrait ivre, j’étais sûre que devrais être battue à cause de mon argent».
Notre interlocutrice témoigne que son mari ne faisait que consommer son argent avec ses amis sans rien acheter pour son foyer. Elle dit avoir tombé en faillite plusieurs fois et que chaque fois qu’elle faisait recours à son association pour contracter des crédits afin de pouvoir relever son capital. Mme Habonimana dit avoir vécu ce calvaire pendant plus de cinq ans. Elle a même abandonné son commerce parce qu’elle n’était plus capable de rembourser ces crédits contractés car son mari lui prenait tout.
Ainsi, Mme Habonimana affirme qu’elle est actuellement guérie du traumatisme psychologique qu’elle a subi. Elle conseille aux victimes de viol de surmonter les défis, briser le silence et révéler les violences qu’elles subissent aux autorités locales.
En définitive, les violences à l’égard des femmes et des filles constituent une atteinte grave aux droits fondamentaux. Ses conséquences sur la santé physique, sexuelle et mentale des femmes et des filles sont multiples ; elles peuvent être immédiates ou à long terme. Ainsi, les violences ont des effets négatifs sur le bien-être général des femmes et les empêchent de participer pleinement à la vie sociale. Ce qui est sûr c’est que les conséquences néfastes des violences n’affectent pas seulement les femmes, mais également leurs familles, la communauté ainsi que le pays. Il faut qu’il y ait une réglementation spécifique portant répression et la réparation des VBG.
Astère Nduwamungu
Département de la documentation aux PPB, Service de rédaction