L’importance exceptionnelle du Traité de Kiganda du 6 juin 1903 dans l’histoire du Burundi se mesure par les souvenirs que cet événement a imprimés dans la mémoire des Burundais. Entre 1967 et 1971, les professeurs Jean Pierre Chrétien de France et Emile Mworoha du Burundi ont réalisé des enquêtes orales qui confirment la place exemplaire qu’occupe cet événement dans la mémoire populaire.
« Diverses versions des paroles recueillies auprès des vieux Burundais insistent sur le triomphe de Mwezi Gisabo, qui reprend son pays, reconstruit ses capitales et assiste à la mort de Maconco et Kanugunu ainsi qu’à la neutralisation de Kirima. La tradition orale véhicule l’invincibilité du Mwami », a souligné Novence Nkeshimana, responsable du site du traité de Kiganda
Si l’agression allemande avec ses pillages, ses morts, les saccages des enclos royaux et le razzia du bétail, ont frappé l’esprit des anciens Burundais, ceux-ci imputent un grand rôle à Maconco et Kirima dans la tragédie que traversait le Burundi. On entend, à diverses reprises, que les Blancs sont venus avec Maconco et que celui-ci était l’informateur attitré des Blancs. Certaines traditions accusent Maconco d’avoir voulu tuer le roi, mais que les blancs refusaient, a-t-il ajouté.
M. Nkeshimana a aussi précisé que lorsque Mwezi Gisabo bat en retraite et se rend à Burunga devant l’avancée de l’ennemi, des traditions recueillies disent que Maconco se présentait comme le maître du pays. Pendant ce temps, Kirima a pris quartiers à Bukeye avant de se rendre à Kiganda pour la rencontre entre Blancs et Mwezi Gisabo.
Le rôle des Baganwa dans la reddition de Mwezi est un fait sur lequel aussi bien les rapports des Allemands que les souvenirs des traditions orales s’accordent à savoir le rôle des Princes comme intermédiaires comme dans le retour de Mwezi Gisabo à Kiganda. Les noms des princes Ntarugera, Rugema, Kijigori, Kabondo, Mayabu ainsi que Barigono, le frère de Maconco viennent constamment.
Triomphe de Mwezi Gisabo au « tribunal »
Les négociations entre les Blancs et Mwezi Gisabo sont vues comme un « tribunal » de l’histoire opposant le roi aux rebelles Maconco et Kirima. A l’arrivée du Mwami Gisabo à Kiganda, les Blancs changent d’avis et prennent le parti de Mwezi selon les anciens Burundais. Le plaidoyer de Mwezi va convaincre Von Beringe (résident allemand), disent les vieux Burundais car, le roi invoque son ancêtre Ntare Rushatsi, fondateur du royaume, aligne un nombre impressionnant de ses princes et ses partisans, d’après toujours le responsable dudit site.
Pour M. Nkeshimana, la tradition orale montre Mwezi Gisabo à Kiganda dialoguant avec Maconco, le reconnaissant comme son gendre, mais récusant Kirima, considéré comme étranger. Cette tradition populaire interpelle Von Beringe qui aurait demandé à Mwezi, s’il faut tuer Kirima car étranger. Non, aurait répondu Mwezi, « il périra dans son pays». Et Mwezi triompha au tribunal de Kiganda.
Yvette Irambona