Une étude faite récemment a montré qu’au Burundi, il y a 6 000 pharmacies. Parmi celles-ci, seules 4 000 travaillent légalement. D’autres détiennent de faux documents. Pour mettre fin à cette triste réalité, le ministère de la Santé publique et de lutte contre le sida en collaboration avec ses partenaires est en train de faire une cartographie dans tout le pays. Cela pour voir réellement les pharmacies qui fonctionnent légalement. Cette cartographie est suscitée par les inquiétudes de la population sur l’implatation anarchique des pharmacies dans différentes localités du pays.

Claudette Nijembazi résidente du quartier Gasekebuye fait savoir que dans son quartier, il se remarque une ou deux pharmacies sur une même rue « Certaines de ces pharmacies fonctionnent comme d’autres maisons commerciales. Les detenteurs de ces pharmacies vendent des médicaments sans exiger une ordonnance. Certains arrivent même à proposer un médicament à un malade alors qu’il a une ordonnance médicale. Dans mon quartier, il y a un détenteur d’une pharmacie qui se prend pour un docteur. Beaucoup de gens, surtout les mamans le sollicitent pour lui demander quel médicament elles peuvent prendre ou donner à leurs enfants en lui disant seulement les symptômes vus. Ce qui est bizarre, même au téléphone, il peut ordonner les médicaments à prendre sans même voir le malade », indique Mme Nijembazi.
« Je me demande dans ce cas si les services chargés de donner l’autorisation d’ouverture d’une pharmacie viennent d’abord vérifier l’endroit où elle va être implantée, ou si elle remplit les conditions d’ouverture. Une autre inquiétude est que plusieurs pharmacies implantées dans une même localité ont tendance à fonctionner comme d’autres maisons commerciales. Elles font recours à la concurrence déloyale en travaillant sur la conscience de ses clients tout en critiquant ouvertement les concurrents. J’ai aussi entendu dire que certains détenteurs des pharmacies peuvent se donner l’autorisation de changer les dates de fabrication et de péremption des médicaments.», ajoute-t-elle. Compte tenu de toutes ces inquiétudes, Mme Nijembazi demande au ministère de la Santé publique et de lutte contre le sida, de vérifier si les pharmacies qui demandent l’autorisation d’ouverture remplissent réellement les conditions d’être implantées dans telle ou telle autre localité.
Une concurrence déloyale dans l’implantation des pharmacies
Eric Ntwari est détenteur d’une pharmacie dans l’une des quartiers de la municipalité de Bujumbura fait savoir qu’il se remarque des lacunes dans le fonctionnement des pharmacies « Je ne suis pas contre que les services chargés de donner l’autorisation d’ouverture des pharmacies fassent leur travail. Mais, nous remarquons des lacunes dans l’octroi de ces autorisations. Des fois, il est constaté qu’une seule personne peut être responsable de plus de vingt pharmacies. Cela est possible lorsque cette personne a des connaissances dans les services chargés de donner l’autorisation d’ouverture. Dans ce cas, cette personne n’a pas besoin de tenir compte des besoins spécifiques de la population ou de remplir les conditions exigées. Par contre, elle implante ces pharmacies dans un endroit où elle voit de l’espace sans tenir compte qu’il s’y trouve déjà d’autres », déplore-t-il.

(Photo Rose Mpekirimana)
Concernant les détenteurs des pharmacies qui se font passer pour des médecins, M. Ntwari ne nie pas cette problématique. Selon lui, certains responsables des pharmacies s’arrogent le droit de donner un tel ou tel autre médicament dans le cas où le malade insiste de le prendre en attendant d’aller consulter un médecin. Dans d’autres cas, ces responsables se disent qu’ils ont des expériences suffisantes dans les pharmacies. Par conséquent, ils affirment avoir connu différents symptômes des maladies et donnent pour ce faire les médicaments aux malades qui décrivent leurs symptômes.
Notre source fait un clin d’œil à ses confrères et consoeurs de toujours déliver un médicament prescrit par un médecin. Il demande au ministère en charge de la santé de travailler légalement avec transparence lorsqu’il s’agit de donner l’autorisation d’ouverture des pharmacies.
Une cartographie des pharmacies pour les réguler
Oscar Ntihabose, directeur général chargé de l’offre des soins et des accréditations au ministère de la Santé publique et de lutte contre le sida fait savoir que le secteur pharmaceutique est régi par trois décrets. Celui de 2004 régulant le secteur pharmaceutique au Burundi, celui de 2014 qui régule le secteur de la médecine traditionnelle et le décret de 2020 portant code de l’offre des soins et celui de santé au Burundi. Il dit que ces décret comprennent les textes qui réglementents le secteur de la pharmacie au Burundi. Il rappelle à ceux qui veulent investir dans ce secteur de lire d’abord ces textes avant de s’y lancer.C’est pour cette raison que ceux qui ont des autorisations d’ouverture des pharmacies signent des actes d’engagement avec le ministère en charge de la santé.
Dr Ntihabose affirme que le ministère en charge de la santé publique a déjà constaté une implantation anarchique des pharmacies dans différents quartiers et zones du pays. Pour essayer de réguler ce secteur, ledit ministère a déjà pris certaines mesures. Il a notamment essayé de faire une cartographie des pharmacies et d’autres établissements de santé sur tout le territoire nationale. « Le constat est qu’il y ceux qui utilisent de faux documents pour ouvrir des pharmacies dans des coins jugés bénéfiques pour eux. Suite à cette triste réalité, le ministère en charge de la santé est en train de travailler avec ses partenaires techniques et financiers en collaboration avec le ministère en charge de l’intérieur pour arriver dans tous les coins du pays dans le but de traquer les détenteurs des pharmacies implantées illégalement pour les fermer. Egalement, une fois traqués, sévira dans toute sa rigueur à leur encontre le code pénal pour faux et usage de faux », mentionne-t-il.
Une restructuration du fonctionnement des pharmacies
Dr Ntihabose précise que les données recueillies en décembre 2024 au cours de la cartographie des pharmacies, ont montré qu’au Burundi, il y a 6 000 pharmacies. Mais, seules 4 000 parmi elles détiennent des documents authentiques donnés par le ministère de la Santé publique et de lutte contre le sida. Les 2 000 pharmacies qui restent utilisent de faux documents. C’est pour cette raison que parmi les mesures susmentionnées que le ministère en charge de la santé va mettre en place, il y a une restructuration du fonctionnement des pharmacies « Avec le nouveau découpage administratif du Burundi, nous allons revoir les endroits où telle et telle autre pharmacie peut être implantée. Nous allons également tenir compte des besoins de la population pour donner l’autorisation d’ouverture d’une pharmacie. Même si cela était une exigence, le ministère en charge de la santé doit vérifier avec rigueur si le demandeur d’ouverture d’une pharmacie a des techniciens médicaux qui vont y travailler une fois l’autorisation accordée », signale-t-il.
Le directeur général de l’offre des soins et des accréditations au ministère en charge de la santé fait un clin d’œil à ceux qui veulent ouvrir des pharmacies, de commencer à lire les textes régissant la pharmacie au Burundi. Il leur rappelle qu’une fois traquées en train de travailler illégalement, ils seront punis pour faux et usage de faux et leurs pharmacies seront fermer définitivement. Il demande enfin à ceux qui veulent ouvrir les pharmacies, de tenir compte des besoins de la population. Cela éviterait de trouver des pharmacies dans un même endroit comme des boutiques alors que dans un autre coin, il n’y en a aucune.
Rose Mpekerimana