Une épidémie se produit lorsqu’une maladie ou un événement lié à la santé se propage de manière inattendue ou rapide dans une zone géographique ou une population donnée. On parle de pandémie en cas de propagation mondiale d’une nouvelle maladie. Tels sont les propos de la directrice du Centre des opérations d’urgence de santé publique (COUSP), Liliane Nkengurutse. Elle informe que pour se prévenir contre les épidémies et les pandémies, la population doit d’abord être informée sur la maladie, les signes et symptômes, sa transmission, son impact sur la santé et le plus important, sur les mesures de prévention et la conduite à tenir en cas de maladie.
Comme l’indique Mme Nkengurutse, à l’instar des autres pays du monde et de la région, le Burundi fait face actuellement à différentes urgences de santé publique. Elle signale, entre autres, l’épidémie de choléra qui a été déclarée en date du 1er janvier 2023, l’épidémie de rougeole qui a déjà touché 29 districts sanitaires, l’épidémie de poliomyélite déclarée en février 2023 ainsi que la récente flambée des cas de conjonctivite virale épidémique.
Pour le cas du choléra, le rapport de situation du 24 mars 2024, montre que l’épidémie a déjà touché 12 districts sanitaires dont Bujumbura Nord, Bujumbura Centre, Bujumbura Sud, les provinces de Cibitoke et Rumonge ainsi que les communes Isare, Mpanda, Kabezi, Rwibaga, Bubanza, Bugarama et Mabayi. « A cette date, le Burundi avait déjà enregistré mille quatre cent quatre-vingt et un (1 481) cas de choléra. Parmi ceux-ci, mille quatre cents soixante-neuf (1 469) sont guéris et trois cas sont toujours sous suivi médical au Centre de traitement du choléra de l’Hôpital prince régent Charles.
Notre interlocutrice fait savoir que les districts sanitaires de Bujumbura Mairie Nord, Isare et Cibitoke ont été les plus touchés avec respectivement , quatre cents quatre-vingt-dix-neuf (499) cas, quatre cents soixante-treize (473) cas et deux cents soixante-treize (273) cas. « Actuellement, seuls les districts sanitaires de Bujumbura Nord, Bujumbura Centre et Kabezi, ont enregistré des cas de choléra au cours des dix derniers jours, avec la prédominance des cas dans le district de Bujumbura Nord. Ainsi, les districts sanitaires de Bujumbura Sud, et Isare viennent de comptabiliser une période allant de 10 jours à deux mois sans enregistrer un cas de choléra. De leur côté, les autres districts sanitaires de Cibitoke, Rumonge, Mpanda, Rwibaga, Bubanza, Bugarama et Mabayi n’ont enregistré aucun cas de choléra depuis plus de deux mois ».
Les zones urbaines sont souvent les plus touchées
D’après Liliane Nkengurutse, la recrudescence des maladies à potentiel épidémique sont souvent importantes dans les zones urbaines en raison de plusieurs facteurs. « C’est, entre autres, les facteurs liés à la surpopulation et à la promiscuité dans la plupart des ménages. A cela à quoi s’ajoute l’urbanisation anarchique entrainant des mauvaises conditions d’hygiène. Les activités économiques et les mouvements de la population dans ces zones contribuent également dans la propagation des maladies ».
Pour l’épidémie de choléra, Mme Nkengurutse dit que la flambée des cas est souvent liée aux facteurs socio-écologiques liés à la surpopulation dans les zones urbaines qui font que les conditions d’hygiène et assainissement restent précaires. Ces facteurs sont, entre autres, l’insuffisance de l’hygiène individuelle, collective et de l’assainissement du milieu, l’accessibilité à l’eau potable limitée, l’insuffisance des latrines adéquates et non utilisées convenablement par la communauté. L’absence ou mauvais entretien des canaux d’évacuation des eaux usées dans certains quartiers occasionne aussi une insalubrité. Elle note également les facteurs sociaux comme la restauration de rue et commercialisation des aliments dans de mauvaises conditions d’hygiènes (crus, grillés ou cuits).
Mme Nkengurutse précise que l’un des principaux piliers d’une bonne gestion d’une épidémie, d’une pandémie, d’une catastrophe ou toute autre urgence de santé publique consiste en une bonne communication sur les risques afin de susciter un changement de comportement positif de la part de la population.
Pour le cas d’une épidémie, elle dit que pour y faire face, la population doit être informée sur les maladies et les risques qu’elle encourt afin qu’elle puisse prendre des décisions en connaissance de cause pour minimiser les effets de la menace. « La population doit changer de comportement en adoptant les bonnes pratiques de lutte contre cette maladie et l’un des comportements communs pour la lutte contre toutes ces maladies est le lavage des mains », dit Mme Nkengurutse.
Sensibiliser pour un changement de comportement
Le Centre des opérations d’urgence de santé publique (COUSP), est un organe chargé de la coordination des interventions de préparation et de réponse à toute urgence de santé publique, il collabore avec toutes les autres parties prenantes pour une réponse multisectorielle efficace.
Selon Liliane Nkengurutse, la période pluvieuse favorise la survenue des maladies liées à l’hygiène précaire comme le choléra et d’autres. Ainsi, en collaboration avec les districts sanitaires, le COUSP continue de sensibiliser la population à travers les Agents de santé communautaire (ASC), pour les informer des dangers auxquels ils font face et pour les amener à adopter les bonnes pratiques. « Pour les maladies qui sont déjà là, en plus de la sensibilisation, on fait ensemble les interventions comme la désinfection des ménages dans lesquels sont identifiés des cas de choléra pour éviter la transmission dans d’autres ménages. On organise aussi des séances d’éducation de la population pour l’inciter à l’adoption de bonnes pratiques».
Mme Nkengurutse informe également que dans la gestion des urgences de santé publique, un comité de pilotage multisectoriel a été mis en place regroupant les différents ministères connexes, les structures en charge de la distribution de l’eau, l’agriculture et l’environnement, la sécurité publique, les infrastructures et l’urbanisation ainsi que le commerce. Ce comité donne des orientations pour une gestion inclusive des différentes maladies. « En tant qu’organe technique sur les questions de la santé, le COUSP collabore avec ces structures ci-hautes citées et surtout avec l’administration locale pour documenter les établissements avec des conditions d’hygiène non adaptées et aider les décideurs pour une prise de décision. Il participe dans les sensibilisations des responsables de ces établissements pour un changement de comportement ».
Des mesures barrières sont déjà mises en place
A la question de savoir les mesures barrières déjà mises en place pour éviter la propagation des pandémies provenant de l’extérieur du pays, Mme Nkengurutse informe d’abord que parmi les missions du COUSP figure la surveillance des maladies que ce soit dans la communauté, dans les formations sanitaires et au niveau des frontières.
Pour ce qui est des mesures barrières, notre interlocutrice souligne que la stratégie doit être axée sur la mise en place et l’équipement des unités médicales au niveau des différents points d’entrée avec un circuit adéquat des passagers. Elle doit viser aussi le renforcement des capacités du personnel déployé. « Toute personne qui entre sur le territoire national doit faire l’objet d’un screening pour voir s’il ne présente pas de signes et symptômes d’une maladie. Les camions et autres véhicules apportant des biens doivent également être désinfectés ». Selon elle, en cas d’entrée par des frontières non officielles, il doit y avoir une collaboration entre la communauté, les administratifs à la base et les ASC pour identifier la personne et la soumettre aux autorités. Mme Nkengurutse trouve aussi que pour se prévenir contre les épidémies et les pandémies, la population doit d’abord être informée sur la maladie, ses signes, ses symptômes, sa transmission, son impact sur la santé, sur les mesures de prévention et sur la conduite à tenir en cas de maladie.
Observer les règles d’hygiène recommandées par les responsables sanitaires
Toujours dans l’optique de se prévenir contre ces maladies, la directrice du Centre des opérations d’urgence de santé publique dit qu’il est essentiel que chaque personne soit bien informée pour prendre des décisions réfléchies sur la maladie. « Cela permettra de se protéger et protéger les autres».
En cas d’une urgence de santé publique comme une épidémie ou pandémie, Mme Nkengurutse recommande à la population d’observer les règles d’hygiène notamment, se laver le plus fréquemment possible les mains à l’eau propre et au savon, éviter de se toucher les mains en se saluant ; porter un masque en cas de maladies des voies respiratoires ; éviter de consommer des aliments dont l’hygiène n’est pas garantie ; ne boire que de l’eau provenant des sources sûres ou de l’eau traitée ; éviter les contacts non protégés avec les liquides corporels ; construire les latrines adéquates, les utiliser correctement et les maintenir propres ; faire une bonne hygiène corporelle et environnementale, etc. « Au cours d’une épidémie, il est vivement recommandé à toute personne présentant des signes de se confier à une structure de soins la plus proche pour une prise en charge adéquate et d’éviter l’automédication », ajoute Mme Nkengurutse.
L’insalubrité, une des causes de la persistance du choléra
Nous nous sommes également entretenus avec le médecin chef du district Bujumbura Nord, Dr Armel Bitaneza. Il fait savoir que cela fait déjà une année et deux mois que dans cette localité, il y a la présence de l’épidémie de choléra. « Ayant débuté dans la zone Kinama, au quartier Bukirasazi, le 1er janvier 2023, l’épidémie de cholera persiste dans la commune Ntahangwa. Les principales causes de cette persistance étant l’insalubrité qui règne dans certaines zones de la commune Ntahangwa, comme Buterere et Kinama dans les quartiers Bukirasazi et Buhinyuza, la zone Kamenge dans les quartiers Gituro, Teza et Mirango ainsi que le quartier Nyarumanga de la zone Butere où il s’observe une insalubrité généralisée découlant du manque de latrines dans certains ménages».
Notre interlocuteur laisse entendre que l’incivilité des gens qui connectent les fosses septiques dans les caniveaux et déversent en permanence les déchets dans la nature, en est pour cause. Selon lui, ce comportement est largement répandu. « L’hygiène précaire qui résulte de tout cela constitue un cocktail explosif ; les gens qui, lorsque les toilettes sont pleines, laissent les saletés se déverser dans les caniveaux, l’eau propre insuffisante malgré l’effort du gouvernement, etc, ce sont toutes ces causes qui font que le choléra fait parler de lui ».
Au niveau du district, on ne croise pas les bras
A propos des activités réalisées au niveau du district pour lutter contre ces maladies, M. Bitaneza indique qu’ils désinfectent systématiquement les ménages atteints et les alentours et ils évacuent les personnes atteintes avec l’ambulance pour un traitement approprié dans le centre de traitement. « Nous faisons aussi la sensibilisation pour un changement de comportement sur toutes ces incivilités ; le lavage des mains et la conservation de l’eau. Parfois, on prend même des mesures contraignantes pour pousser les gens à changer de comportement ».
A la question de savoir le degré de collaboration entre le district et l’administration communale dans la lutte contre ces fléaux, M. Bitaneza affirme qu’elle est bonne. « Mais, cela n’est pas le cas pour l’administration à la base, dans certains quartiers. Les chefs de quartier connaissent tous les ménages; savent qui fait quoi et peuvent identifier facilement les gens qui n’ont pas de latrines. Mais, malheureusement, ils ne nous aident pas à identifier ceux qui font la sourde oreille aux conditions d’hygiène afin d’éradiquer le choléra ».
Le lavage des mains avec du savon et de l’eau propre est l’un des moyens de lutter contre les maladies de mains sales
Afin de se prévenir contre ces maladies, M. Bitaneza lance un appel à la population afin d’abandonner les comportements qui mettent tout le monde en danger ; d’adopter des pratiques responsables avec les mesures barrières ; de construire des toilettes appropriées, etc. Il leur demande de ne pas déverser les immondices et les déchets de toilette dans les caniveaux, d’identifier les récalcitrants aux mesures barrières et les dénoncer aux administrateurs afin qu’ils soient punis.
Les habitants de certains quartiers sont suffisamment sensibilisés
Le chef de quartier n°1 de la zone Ngagara, René Nkengurutse, indique que dans sa localité, les gens remplissent les conditions d’hygiène. « On n’a jamais enregistré de cas d’épidémies dans notre quartier». Pour éviter ces pandémies et épidémies, il dit qu’au niveau de l’administration locale, ils ont suffisamment sensibilisé la population sur les mesures d’hygiène prises par le ministère en charge de la santé publique. « Nous avons la chance que la majorité de notre population est instruite, ce qui fait qu’il est facile que ces gens suivent à la lettre les mesures d’hygiène prises par l’administration et les responsables de la santé ».
Selon lui, l’administration à la base va toujours sur terrain pour suivre de près l’état d’hygiène dans le quartier. Et de préciser qu’il existe même une société en charge d’enlever des immondices dans leur quartier. Celle-ci collabore bien avec la population et l’administration.
Il lance un appel à la population de rester toujours en contact avec l’administration, de suivre les mesures du ministère de la Santé publique et de la lutte contre le sida et surtout de signaler chaque fois les cas de maladies liées aux mains sales.
Evelyne Niyonzima
Département de la documentation, Service de rédaction