Le monde rural burundais retient son souffle depuis la présentation du programme « Agri-Jeunesse », une nouvelle initiative portée par la société d’assurance Agico (African Gateway Insurance Company). Ce projet ambitieux vise à réduire la vulnérabilité du secteur agro-pastoral tout en répondant au chômage des jeunes, à travers deux produits innovants : l’assurance agricole spécialisée et l’assurance protection juridique.

Selon le directeur général d’Agico, Lucien Bangura, dans un entretien avec Le Renouveau du Burundi, «Agri-Jeunesse» est un tournant historique. « Nous voulons transformer la perception du risque en opportunités et ouvrir la voie à une génération d’agriculteurs jeunes, assurés, responsables et bancarisés. Bref, c’est une assurance qui permet de redonner espoir aux jeunes agriculteurs burundais ».
Un double défi à relever
Pour le directeur général d’Agico, l’enjeu est à la fois économique et social. « Le chômage des jeunes est un facteur de risque majeur : il entretient la précarité et peut même engendrer des tensions sociales. En parallèle, le secteur agricole, pourtant pilier de notre économie, demeure très vulnérable aux chocs climatique et économique. Ces deux fragilités s’alimentent mutuellement : un jeune sans emploi se détourne des champs, tandis qu’un agriculteur sans protection perd espoir ».
C’est pour briser ce cercle vicieux qu’Agico a conçu « Agri-jeunesse », un programme d’inclusion financière qui intègre les jeunes producteurs dans le système formel, leur offrant des produits d’assurance adaptés à leur capacité et réalité, souligne-t-il.Trop souvent, poursuit M. Bangura, les jeunes abandonnent leurs projets faute de couverture face aux aléas climatiques ou juridiques. « En leur donnant accès à des assurances simples, abordables et connectées, nous sécurisons leurs revenus et favorisons la stabilité des exploitations ».
Un souffle nouveau dans les collines
Contacté par téléphone, Jean Marie Ndayiziga, un jeune agriculteur financé par Paeej (Programme d’autonomisation économique et d’emploi des jeunes) dans un cadre associatif en province de Gitega, affirme voir dans ce Programme, une promesse de résilience. «Nous travaillons dur, mais un seul épisode de sécheresse ou une invasion de chenilles peut tout détruire. Le secteur agricole est notre pilier, mais il est à la merci du climat et du marché. Si une assurance peut garantir nos efforts, cela change tout : je pourrais emprunter, investir dans des semences améliorées et produire plus. Beaucoup de jeunes de ma génération quittent les collines par désespoir. Le chômage est une blessure silencieuse, il pousse certains vers la marginalité. Si «Agri-jeunesse» nous aide à vivre dignement de nos terres, nous choisirons de rester et de construire ici».
Autonomiser et protéger
Egalement contactée par téléphone, la prénommée Florence, est une jeune éleveuse de porc et volaille à Ngozi partage cet espoir. On parle souvent d’autonomisation économique, mais sans protection, c’est impossible. Quand une maladie décime le bétail ou qu’un client ne paie pas, c’est toute notre survie qui vacille . Le chômage des jeunes est déjà un poids, et les pertes agricoles aggravent cette vulnérabilité. Si « Agri-jeunesse » nous accompagne dans ces moments-là, ce sera une vraie révolution.
Elle souligne que la dimension juridique du programme constitue un changement majeur. Savoir qu’on peut être défendue lorsqu’ un contrat tourne mal ou qu’un partenaire abuse, cela donne confiance. C’est une assurance morale autant qu’économique,» se réjouit-elle.
Une innovation sociale et économique
Aux dires de M. Bangura, le programme « Agri-jeunesse » s’inscrit dans la Vision nationale de promotion de l’entrepreneuriat des jeunes et du développement durable. L’assurance agricole, couvre les risques liés aux rendements, intempéries, maladies des cultures ou du bétail. L’assurance juridique, elle, protège les jeunes contre les litiges commerciaux ou contractuels, souvent cause d’endettement ou d’abandon d’activité. Cette approche intégrée crée une véritable culture de résilience économique. «Nous voulons que les jeunes voient dans l’assurance, non pas une dépense, mais un investissement dans leur avenir et celui du pays. En réduisant la vulnérabilité agricole, nous consolidons aussi la sécurité alimentaire nationale», souligne-t-il.

L’environnement au cœur du dispositif
Pour Polycarpe Mpita, environnementaliste, ce programme représente plus qu’un outil financier. C’est un levier pour orienter l’agriculture vers la durabilité. Le secteur burundais subit de plein fouet les chocs climatiques : inondations, érosion et sécheresse, précise-t-il. Selon l’interlocuteur,.
«Agri-jeunesse » peut encourager les jeunes à adopter de meilleures pratiques, à protéger le sol et à diversifier leurs cultures. Il estime que ce type d’initiative pourrait renforcer la résilience climatique du pays.
« Quand les jeunes comprennent que la protection de l’environnement conditionne aussi leur revenu, ils deviennent naturellement des acteurs de la transition écologique. Cela réduit les risques de migration forcée et de tensions sociales liées à la rareté des ressources ».
Un engagement pour la paix et la prospérité
Le directeur général d’Agico précise qu’à long terme, « Agri-jeunesse » entend transformer la jeunesse rurale en moteur de croissance et de stabilité sociale. « En réduisant la précarité économique et la vulnérabilité agricole, le programme va contribuer indirectement à prévenir les conflits liés à la pauvreté et au désespoir. Assurer les jeunes, c’est investir dans la paix. Nous croyons que chaque hectare cultivé par un jeune protégé est un pas de plus vers un Burundi prospère et stable ».
En définitive, soutient le directeur général d’Agico, « Agri-jeunesse» apparaît comme un pari audacieux, mais réaliste : celui de transformer la jeunesse agricole burundaise en acteur central de la sécurité alimentaire, de la cohésion sociale et du développement durable.
Odette Nijimbere
