Dans son combat pour le développement pérenne et profitable pour tous, le gouvernement burundais sensibilise la population à planifier les naissances. Le directeur du Programme national de la santé de la reproduction (PNSR), Ananie Ndacayisaba regrette néanmoins que seuls 3% des femmes qui accouchent rentrent avec la méthode contraceptive. Différentes personnalités qui se sont confiées à notre rédaction convergent sur une vérité selon laquelle impliquer les hommes dans la planification familiale, c’est apporter une grande part des solutions. Les hommes autochtones des communes Isare et Mubimbi de la province de Bujumbura affirment avoir pris le devant dans cette politique nationale aux avantages multiples.
Depuis la tenue de la Conférence internationale des Nations Unies sur les droits de l’homme qui s’est tenue à Téhéran le 13 mai 1968, la communauté internationale a déclaré que les parents ont le droit fondamental de déterminer librement et consciemment la dimension de leur famille et l’échelonnement des naissances. Depuis lors, la planification familiale n’est pas seulement une question relative aux droits de l’homme. Elle est aussi essentielle à l’autonomisation des femmes, à la réduction de la pauvreté et au développement durable. Toutefois, au Burundi, la réticence dans le recours aux méthodes contraceptives reste une réalité.
Pour réussir à changer cette situation, on trouve qu’il faut l’implication de l’homme burundais. Pour la directrice exécutive de l’Abubef (Association pour le bien-être familiale), Dr Donavine Uwimana, impliquer les hommes et les garçons dans la planification familiale et la santé sexuelle et reproductive peut améliorer leur propre vie et celle de leurs partenaires intimes, de leurs familles et de leurs communautés. « La régulation des naissances contribue positivement à l’économie des ménages car, plus il y a moins de bouches à nourrir, plus, il y a meilleure santé, plus de revenus et plus d’opportunités. Et à long terme, le pays se développe», explique Dr Uwimana.
Même son de cloche de la part du docteur Dholly Senga, le directeur pays et représentant légal de «DKT international». Dans une interview dernièrement accordée à notre rédaction, Dholly Senga est clair. « Les interventions à travers le monde ont démontré que si un pays s’imprègne de façon efficace dans les programmes de planification familiale, il tend vers le développement ». Pascal Mashimango, représentant du peuple autochtone des communes Isare et Mubimbi affirme , quant à lui, que l’implication des hommes batwa dans la planification familiale est indispensable et qu’elle a contribué à réduire les grossesses non désirées et à améliorer la santé maternelle.
Planification familiale, cheville ouvrière du développement
Comme l’explique le docteur Dholly Senga, les interventions en matière de planification familiale ont montré qu’il y a beaucoup d’avantages par rapport à la santé de la mère, à celle de la famille, à l’éducation des enfants, à l’environnement, etc. « Ces interventions permettent au pays de pouvoir diminuer la dépendance démographique. Il y aura alors beaucoup de jeunes qui auront des facilités d’accès à la meilleure éducation. Plus tard, ces jeunes qui auront accès à la meilleure éducation et deviendront très actifs sur le marché de travail ». Et d’ajouter, qu’aujourd’hui, le Burundi a une vision d’être émergent en 2040 et développé en 2060. La réussite de cette vision passe effectivement par une intervention efficace en matière de la planification familiale car, cette dernière permet au pays de bénéficier, dans quelques années, de dividendes démographiques.
Toutefois, M. Senga trouve qu’il faut beaucoup impliquer les hommes car ils sont à la fois auteurs et acteurs de la réussite de la planification familiale. « Dans une formation sanitaire en province de Kirundo que nous avons dernièrement visitée, plus de 100 femmes accouchent chaque mois. Par contre, environ 20 d’entre elles étaient inscrites sur le programme de planification familiale. Quand nous avons voulu savoir le pourquoi, la réponse est que les femmes doivent rentrer poser la question à leurs maris. Quand elles reviennent, elles sont enceintes d’une autre grossesse post-partum. Le post-partum désigne les 6 semaines suivant la grossesse et l’accouchement, une période où la mère retrouve son état initial d’avant la grossesse, NDLR] ».
Des réalisations « appréciables et considérables » chez les hommes autochtones des communes Isare et Mubimbi
Interrogé à propos, Pascal Mashimango, représentant des Batwa des communes Isare et Mubimbi se vante des réalisations appréciables et considérables observées chez les hommes autochtones. «Nous sommes au courant de la politique nationale de mettre au monde le nombre d’enfants dont nous sommes capables de prendre en charge. Les Batwa ne peuvent jamais rester en arrière. Nous avons pris le devant dans la sensibilisation des Batwa des zones Nyambuye, Benga, Rushubi, Kibuye, Mageyo, Matyazo et Mubimbi ».
M. Mashimango affirme qu’il s’observe actuellement un certain niveau de changement de mentalité chez les Batwa. «Les hommes accompagnent leurs femmes enceintes à l’hôpital. Les couples utilisent les méthodes de contraception et cette volonté est porteuse de bons résultats. Pas de décès maternel ou néonatal recensé ces dernières années au sein de nos communautés», témoigne-t-il.
A la question de savoir pourquoi ce changement de mentalité, M. Mashimango s’explique. « Les terres cultivables se raréfient et d’ailleurs la population augmente sans que la superficie du pays soit de même. A cela s’ajoute le problème de manque des terres pour les Batwa car, les 10 mètres sur 5 ou 7 mètres reçus de la part du gouvernement sont insuffisant. De plus, ces terres accusent, pour ceux qui en ont, surtout les autres ethnies, une faible productivité vivrière. Il en suit une insécurité alimentaire dans beaucoup de ménages. Imaginez-vous si la situation se présente ainsi pour ceux qui ont des terres et qui exercent différentes activités génératrices de revenus. Quel est le vécu quotidien d’un autochtone qui doit subvenir aux besoins de sept ou huit enfants ? »
Trois conseils pour impliquer les hommes de manière positive dans la planification familiale
Pour impliquer les hommes de manière positive dans la planification familiale, la directrice exécutive de l’Abubef suggère certaines solutions. L’homme peut ne pas empêcher sa partenaire d’utiliser la méthode de planification familiale de son choix. De plus, l’homme peut aider à gérer les rumeurs et idées fausses au niveau communautaire. Enfin, l’homme peut décider d’utiliser les méthodes de planification familiale réservée aux hommes tels que le préservatif ou la contraception chirurgicale volontaire.
Moïse Nkurunziza