L’hypertension (HTA) et le diabète de type 2 sont souvent associés. Plus de 70% des diabétiques de type 2 souffrent de l’hypertension artérielle. Le directeur du Programme national intégré des maladies chroniques et non transmissibles au ministère ayant la santé dans ses attributions, Jean de Dieu Havyarimana parle de « chiffres inquiétants », où l’on assiste à une augmentation de ces maladies, même dans les populations jeunes. Toutefois, l’accès aux soins de santé de qualité pour ces patients présente des hauts et des bas. L’Association burundaise pour la défense des droits des malades (ABDDM) lance un cri d’alarme. La Memisa Belgique, [une organisation non gouvernementale de droit belge qui appuie le secteur de la santé au Burundi, NDLR], prône d’appuyer davantage les efforts du Burundi dans la réussite du pari contre les maladies chroniques dont le diabète et l’hypertension artérielle.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu’en 2005, les maladies non transmissibles principalement les maladies cardio-vasculaires, le diabète, le cancer et l’hypertension artérielle ont causé 35 millions de décès, soit 60% de l’ensemble des décès dans le monde. Plus de 80% de ces décès sont survenus dans les pays à faible revenus. L’OMS projette également qu’en 2030, les maladies chroniques seront responsables de 88% de décès prématurés alors que 12 % seront dus aux maladies transmissibles (OMS, 2011). Les facteurs de risque importants tant pour l’hypertension que pour le diabète sont l’obésité, le manque d’activité physique, la mauvaise alimentation et le tabagisme.
Le coordinateur de l’Action Memisa au Burundi, Dr. Edouard Nkurunziza, dit que cette organisation reste déterminée aujourd’hui que jamais auparavant, à appuyer les efforts visant à combattre les maladies chroniques. Il conseille cependant aux gens, en état normal ou malades, de faire la promotion d’exercices physiques collectifs ou individuel. « Il est recommandé un exercice physique régulier de 30 minutes par jour et aux mêmes heures pour satisfaire les besoins de son organisme et se prévenir des maladies non transmissibles à haut risque de chronicité ».
Le coordinateur de l’Action Memisa Belgique au Burundi converge avec M. Havyarimana, sur un autre élément important qui consiste à veiller à « notre alimentation ». Ils recommandent une alimentation modeste mais, bien équilibrée, qui n’est pas à la base des maladies. Ces deux médecins soulignent l’intérêt pour tous de se faire soigner précocement, afin d’éviter la chronicité de toute maladie.
Des conséquences douloureuses sur la santé
Au Burundi, les patients souffrant de diabète et d’hypertension artérielle (HTA) disent que l’accès aux meilleurs soins de santé demeure un défi. Charles Karegeya, un retraité de l’Etat vivant au quartier Ngagara, en mairie de Bujumbura, affirme qu’il éprouve des difficultés d’avoir des soins de qualité. « Il y a une fiche de médicaments confectionnée par la Mutuelle de la fonction publique (MFP). Malheureusement, je reçois gratuitement seules l’insuline et la seringue, les autres médicaments sont introuvables dans les officines de la MFP. Partout où nous cherchons ces médicaments par la carte de la MFP, la réponse est la même », explique ce malade du diabète.
M. Karegeya affirme que le diabète et l’hypertension artérielle sont les sources de plusieurs malheurs. « Il y a neuf ans, j’ai contracté une paralysie de la partie gauche suite à l’accident vasculaire cérébral (AVC), occasionné par le diabète. Depuis 2015, je suis alité à la maison », explique M. Karegeya, d’un visage lugubre et mélancolique. Même son de cloche de la part d’un autre militaire en retraite, originaire de la province de Karusi, qui n’a pas voulu que son nom soit révélé. Ce dernier affirme cependant qu’à l’hôpital de Mutoyi, une formation sanitaire sous convention catholique, les patients sont bien servis. « Ces maladies [le diabète et l’HTA] ont des conséquences douloureuses sur la santé du malade notamment l’insuffisance rénale et ou cardiaque, la nécessité de diverses interventions chirurgicales, des séances de kinésithérapie, etc. Leur coût est très élevé à tel point qu’il n’est pas facile pour le malade d’avoir accès aux soins de santé de qualité », conclut M. Karegeya.
Les maladies chroniques, un problème de santé publique et un handicap au développement
Selon le directeur du Programme national intégré des maladies chroniques et non transmissibles au ministère ayant la santé dans ses attributions, Jean de Dieu Havyarimana, les maladies non transmissibles dites souvent chroniques sont un problème de santé publique dans notre pays et leur prise en charge est un grand challenge. « Mais, l’on ne peut pas dire que les choses vont trop mal plus qu’on les vivait il y a quelques années ».
Et d’expliquer : « Nous disons que ces maladies constituent un grand problème de santé publique suite à l’élevation de cas due aux multiples causes notamment, l’augmentation de l’espérance de vie des Burundais qui n’est pas en soi une mauvaise chose mais qui, une fois non accompagnée par d’autres mesures, conduit vers la survenue de ces maladies à évolution chronique, telles que le diabète souvent en couple avec l’Hypertension artérielle et les cancers. Le changement de mode de vie avec le développement des villes ou l’urbanisation ainsi que la sédentarité ont gagné du terrain chez beaucoup de Burundais; une alimentation non équilibrée et la consommation des produits à risque élevé d’occasionner ces maladies notamment le tabagisme et l’alcoolisme expliquent aussi l’augmentation de cas ».
M. Havyarimana affirme également que ces maladies constituent un grand défi au développement du pays car, non seulement les malades ou leurs familles doivent dépenser beaucoup d’argent pour les soins (essentiellement pour l’achat des médicaments ou pour les interventions chirurgicales comme dans le cas des amputations liées aux complications du diabète), mais aussi les malades sont inaptes pour vaquer pleinement à leurs travaux quotidiens suite à une faiblesse générale de leur corps.
Un autre grand défi est l’insuffisance de professionnels de santé qualifiés et de centres spécialisés pour assurer une prise en charge holistique de ces maladies et la cherté des médicaments.
L’accès aux médicaments, un droit fondamental pour tous les individus
Pierre Nindereye, représentant légal de l’Association burundaise pour la défense des droits des malades (ABDDM) dit suivre de près cette problématique. « Il est important de souligner que l’accès aux soins de santé de qualité pour les patients souffrant de maladies chroniques telles que le diabète et l’hypertension artérielle est pertinent pour leur bien-être et leur qualité de vie. Il est donc essentiel que ces patients aient accès à des traitements efficaces et efficients des professionnels de santé compétents et un suivi régulier pour gérer leur état de santé de manière optimale », explique M. Nindereye. Les patients souffrant du diabète, de l’HTA et de toute autre maladie ont le droit d’accéder aux soins de santé qui leur conviennent et de qualité.
M. Nindereye rappelle que l’accès aux médicaments est un droit fondamental pour tous les individus, et non un privilège réservé à quelques uns en fonction de leur situation financière. « Il est inadmissible que certains patients n’accèdent pas à de médicaments essentiels en raison de leur coût élevé ou du manque de couverture de leur mutuelle de santé. Heureusement, nous venons d’apprendre que les mutuelles de santé communautaires, regroupées au sein de la Confédération nationale des mutuelles communautaires de santé (Conamus ), s’organisent pour commencer à prendre en charge les maladies chroniques ».
Bien que le ministère de la santé « n’ait pas été associé », M. Havyarimana salue le lancement, en février 2023, de l’initiative dénommée « Clinique mobile des jeunes » qui est menée dans les camps de déplacés et dans les communautés rurales. « Elle reste une belle chose à encourager car, pour aller plus loin, nous devons conjuguer nos efforts et renforcer la prévention par une sensibilisation des Burundais sur les facteurs de risque, l’attitude à adopter en cas de diagnostic d’une telle maladie et les bonnes pratiques nutritionnelles ».
Des « chiffres inquiétants »
La connaissance des chiffres exacts des patients du diabète et de l’HTA se heurte au défi majeur du manque d’une étude concluante sur les cas de ces maladies. Pour répondre à cette question, M. Havyarimana s’appuient sur les données parcellaires des campagnes de dépistage du diabète et de l’HTA, menées par certaines associations ou organisations partenaires. Comme il l’indique, sans fournir trop de détails, ces données montrent des « chiffres inquiétants », où l’on assiste à une augmentation de ces maladies, même dans les populations jeunes. « Considérant le vécu de beaucoup de familles burundaises, il est rare de trouver une famille qui n’a pas un membre souffrant de diabète et/ou de l’HTA ». D’après les données extraites du système de gestion des informations sanitaires DHIS2, le Burundi compte près de 38 000 diabétiques et plus de 98 000 personnes souffrant d’hypertension artérielle, pour une population totale estimée à plus de 12 millions d’habitants.
Trois conseils du coordinateur du Memisa Belgique pour accéder aux soins de santé de qualité
Pour qu’il y ait l’accès aux soins de santé de qualité, Dr Edouard Nkurunziza conseille de chercher l’information sur les maladies à haut risque de chronicité et surtout les maladies non transmissibles. Il conseille également de se faire soigner précocement (dès les premiers signes, consulter les services de soins tels que les centres de santé, les hôpitaux et cliniques).
Enfin, il recommande l’adhésion à l’assurance-santé pour une prévoyance et protection financière. « Ici, je voudrais féliciter les mutuelles communautaires de santé qui entreprennent déjà des dispositions pour inclure, les maladies non transmissibles et à haut risque de chronicité dans le paquet de leur assurance, pour répondre aux besoins des membres souffrant de ces maladies. Les associations des malades de ces pathologies peuvent déjà approcher la Confédération nationale des mutuelles communautaires de santé (Conamus), pour les modalités projetées d’adhésion ».
Une couverture universelle de santé fortement organisée : une solution
Afin de pallier les défis d’accès aux soins de santé de qualité pour les patients atteints par les maladies chroniques dont notamment le diabète et l’hypertension artérielle, le représentant légal de l’ABDDM, Pierre Nindereye émet des suggestions. Pour lui, une couverture sanitaire universelle fortement organisée, efficace et efficiente viendrait résoudre tous les problèmes qu’éprouvent les patients à maladies chroniques. Il trouve impératif que les autorités de santé publique, les organismes de sécurité sociale œuvrent ensemble pour garantir que tous les patients, quelque soit leur statut socio-économique, puissent bénéficier des traitements dont ils ont besoin pour maintenir leur santé. « L’ABDDM encourage vivement le gouvernement du Burundi, les organisations non gouvernementales œuvrant dans le domaine de la santé, et les mutuelles de santé à travailler ensemble pour résoudre ce défi».
Le gouvernement burundais fait de son mieux
A toutes ces préoccupations, M. Havyarimana, directeur du Programme intégré des maladies chroniques et non transmissibles tranquillise. Il affirme que le gouvernement burundais, à travers le ministère en charge de la santé, fait de son mieux pour soulager le maximum de malades et répond aux besoins en intrants et en ressources humaines. « Nous citons ici la collaboration entre le ministère de la Santé et deux ONGs, l’une australienne et l’autre américaine, qui appuient dans la mise en disponibilité des médicaments antidiabétiques pour les enfants, adolescents et jeunes adultes. Ces médicaments sont données gratuitement, mais en suivant le circuit normal d’approvisionnement, où le malade est appelé à consulter un hôpital qui lui est proche et qui se charge de l’approvisionnement de ces médicaments à partir du district ou de la Camebu, après visa du programme sur la présentation de la liste des bénéficiaires et le rapport d’utilisation pour ceux qui viennent au moins après une première réquisition. Une autre initiative est la collaboration avec la Fédération internationale du diabète qui, à travers sa collaborations avec l’OMS et le ministère en charge de la santé est en train d’appuyer en renforcement des capacités des prestataires (médecins et infirmiers) via des cours organisés en ligne. D’autres actions sont les formations de renforcement de capacités des prestataires de soins sur les principales maladies non transmissibles sous l’appui de nos partenaires au développement, qui nous appuient aussi dans l’élaboration des documents normatifs et de prise en charge comme des manuels de formation, des directives et protocoles standards de prise en charge, etc. », explicite M. Havyarimana.
Moïse Nkurunziza