Le Burundi est partie prenante des déclarations, pactes et conventions internationaux et régionaux de promotion des droits des femmes et les a intégrés dans le cadre légal, politique et programmatique. L’engagement de l’Etat burundais s’est concrétisé notamment par l’instauration dans la Constitution de 2005 du quota d’au moins 30% de femmes au parlement et gouvernement. Ce quota a été étendu au niveau communal par le Code électoral de 2009, puis au secteur de la Justice par la Constitution de 2018. Toutefois, il est nécessaire de voir l’impact des femmes burundaises dans la participation politique. Nos interlocuteurs dressent les défis auxquels font face les femmes burundaises même si l’évolution de la participation de ces dernières aux instances de prise de décision va toujours en crescendo.
Selon le rapport final de l’évaluation de la participation des femmes dans les postes de prise de décision, édition-2023, réalisé par l’Afrabu (Association des femmes rapatriées du Burundi), le Burundi connait une évolution positive de la participation politique des femmes. Le président du Forum des partis politiques du Burundi, Félicien Nduwuburundi affirme que les impacts sont positifs du fait que la participation de la femme burundaise en politique s’améliore de plus en plus. « Nous observons aujourd’hui des femmes leaders qui dirigent des partis politiques. Par exemple, au sein du Forum des partis politiques, nous ne comptons pas moins de six femmes qui dirigent les partis politiques. Dans les différents bureaux des partis politiques, les femmes y sont représentées ».

Selon la coordinatrice des projets à l’Afrabu, Marie Concessa Barubike : « Vous savez que tout ce que tu fais sans moi est contre moi. Donc leur présence dans les postes de prise de décision contribue à la prise en compte des priorités visant une meilleure participation politique des femmes. Prenons par exemple des femmes leaders dans les organes de gestion d’un parti politique, c’est une valeur ajoutée pour influencer la participation politique des femmes ». Même son de cloche de la part de Libérate Nicayenzi, la première femme Mutwa à être intégrée à l’Assemblée nationale. « J’ai mis beaucoup d’efforts dans la sensibilisation des femmes à jouer pleinement leur rôle dans la vie politique du pays », affirme-t-elle. Et d’ajouter que sa participation en politique a éclairé les autres Batwa, en particulier les femmes, à se lancer en politique. Emmanuel Nengo, représentant légal de l’Uniproba (Unissons-nous pour la promotion des Batwa) témoigne et souligne l’impact très positif des femmes burundaises à la participation politique. « Au sein de notre communauté, il y a des femmes et filles batwa qui participent dans les instances de prise de décision parce qu’elles ont pris pour modèle Libérate Nicayenzi », se réjouit-t-il tout en donnant l’exemple du ministre ayant la solidarité dans ses attributions, Imelde Sabushimike, le premier ministre issu de la communauté Batwa.

Le pas déjà franchi est à apprécier malgré un autre trajet à parcourir
Mme Barubike se réjouit qu’il y a un pas franchi par rapport à la participation politique des femmes. « Prenons par exemple, au niveau des postes électifs (Assemblée nationale, Sénat et Conseil communal), le minimum de 30% prescrit par la Constitution est respecté toutefois considéré parfois comme maximum ». Néamoins, ajoute Mme Barubike, la participation des femmes aux conseils collinaires et dans les postes non électifs est un défi majeur : « On devait aller jusqu’a 50% de représentativité féminines ».
Comme le montre le rapport réalisé par l’Afrabu en 2023, le taux de représentation des femmes députés est de 41,5% depuis les élections de 2020 représentation des femmes administrateurs et conseillères communales a atteint les 30% aux élections de 2010 après l’introduction du quota à ce niveau par le code électoral de 2009. Il est actuellement, respectivement de 39,49% et de 32,19%. Ayant également évolué positivement depuis les élections de 2010, la représentation des femmes parmi les chefs de collines et les conseillers collinaires est passée respectivement de 4,7 à 9,8% et de 14 à 19%. Au sein des conseils des notables collinaires, lors de la réalisation dudit rapport en 2023, les femmes représentaient 25% des membres de ces conseils, contre 24% en 2022 », détaille ce rapport.
Selon toujours ce document, pour les postes non électifs, dans le secteur public au niveau central, les femmes ministres représentent 33,3% des membres du gouvernement. « Les deux autres postes affichent une représentation des femmes dépassant 30%. Il s’agit des postes des juridictions spécialisées du secteur de la justice (48,8%), et du poste d’inspecteur (33,3%). Il faut ajouter les conseils et commissions nationaux (33,3%). Le poste de Commissaires généraux a un taux de représentation des femmes nulle. Le taux de représentation des femmes au niveau des autres postes varie entre 7,69% pour les secrétaires permanents et 28,6% pour les assistants des ministres. Quatre de ces postes n’atteignent pas 15%. La représentation des femmes au sein de l’administration centrale des ministères est de 24,4%, et elles sont représentées à hauteur de 25,1% au sein des structures personnalisées de ces ministères », lit-on dans ce rapport.
Des stratégies déjà mises en place pour attirer la participation des femmes à s’impliquer dans la politique du pays
Le président du Forum national des partis politiques affirme que des stratégies visant à attirer l’attention des femmes à participer en politique déjà mises en place sont nombreuses. « Nous organisons des ateliers et réunions propres aux femmes pour les sensibiliser à se faire élire et élire les candidats féminins pour qu’elles soient placées dans des positions utiles », informe-t-il. Il affirme «également que des descentes au niveau des communes et collines sont parfois organisées pour sensibiliser les femmes à adhérer dans les partis politiques. La dernière stratégie consiste à sensibiliser les leaders des partis politiques à placer les femmes actives dans les positions utiles tant au niveau de leurs partis d’origine que sur les listes électorales.

La culture burundaise, un des défis majeurs
Comme l’indique Félicien Nduwuburundi, les défis auxquels se heurtent les femmes burundaises qui veulent se lancer en politique sont de trois ordres : culturel, financier et psychologique. Selon M. Nduwuburundi la culture burundaise a depuis longtemps pris en otage la femme et cela a toujours des répercussions sur elles. Concernant les défis financiers, il affirme que certaines femmes ne sont pas bien outillées en termes de moyens financiers. Enfin, par rapport aux passés douloureux qu’a connus le pays, certaines femmes sont des veuves parce que leurs maris faisaient de la politique. « La politique est parfois comprise par les femmes comme une source de malheur. Les femmes se montrent encore très réticentes à participer à la vie politique », explique-t-il.
Face à tous ces défis, Marie Concessa Barubike trouve que normalement les différents acteurs devraient organiser un renforcement des capacités continu en faveur des femmes leaders.
Moïse Nkurunziza